lundi 9 juillet 2012

Pantalons, lonlaine et lonlon (2)

Il faut savoir que je déteste acheter des vêtements. Pas parce que ça me barbe, que ça prend du temps, que j'ai du mal à trouver des trucs qui me vont, qu'on est toujours moche dans les miroirs des cabines d'essayage, et que je trouve que c'est souvent bien trop cher. Enfin, si, pour tout ça aussi, mais pas que. Je fais un blocage, sans doute lié à un terrible traumatisme remontant à la petite enfance (je crois qu'un jour où on m'a forcé à arrêter de lire mon Fantômette pendant deux minutes, le temps d'essayer un pull ; ce doit être ça). C'est bien simple, une fois sur deux, je suis prise d'une telle bouffée d'angoisse en entrant dans un magasin que je ressors aussi sec sous les yeux soupçonneux du vigile.
Comme il est cependant interdit de se promener tout nu, j'ai mis au point deux stratégies :
- faire mes achats par Internet – mais ça ne marche pas pour les pantalons, que je dois impérativement essayer ;
- y aller avec quelqu'un qui me donne des ordres et choisit à ma place – sauf que là, je n'ai pas le temps d'attendre que mon amie lyonnnaise vienne passer un weekend à Paris ou que Darling et moi ayons une journée sans enfants.

J'ai donc pris mon courage à deux mains, mon sac dans la troisième, le Petit dans le porte-bébé, j'ai embarqué ma petite soeur de onze ans qui avait fini l'école plus tôt que les autres et qui se tournait les pouces chez moi, et je suis allée au Printemps. Objectif : trouver au minimum un pantalon noir (je prends toujours des pantalons noirs, ça va avec tous mes T-shirts, pratique) et un jean.

Me voilà devant le magasin. Je prends une inspiration profonde, et j'entre. Je monte au premier étage. Jusqu'ici tout va bien. Sauf qu'une fois arrivée là, j'erre entre les rayons, aussi déboussolée qu'un Darling dans un magasin d'articles de cuisine. Quelle est ma taille actuelle ? Aucune idée ; 44, 46, 42 ? Qu'est ce que c'est que le viscose ? Je ne me rappelle plus les leçons données par ma copine lyonnaise ; c'est mieux que le polyester, ou l'inverse ? Comment sait-on si un pantalon est taille basse ou pas ? Pourquoi n'y a-t-il aucun pantacourt ? Ce n'est plus la mode ? Mais alors, qu'est-on censé porter quand il fait chaud ?

Je finis par attraper trois articles au hasard, je dépose le bébé dans les bras de ma soeur, et je les essaie.
Inutile de dire que je ressors au bout de deux minutes dans mon vieux pantalon difforme et trop grand.

Bon, on va essayer une autre stratégie. Si mes souvenirs sont bons, chez Levi's, ils font des jeans ; on va commencer par là.
Je trouve le rayon, je trouve (avec difficulté) une vendeuse, et je lui explique mon problème :
— Il me faut des pantalons très cintrés, parce que sinon, soit les cuisses ne passent pas, soit c'est trop large au niveau de la taille.
— Ah, heu... tenez, essayez celui-ci.
Elle me tend un truc d'une coupe complètement droite, et en effet, l'étiquette annonce qu'il est "straight" (et je doute que ça fasse référence à ses préférences sexuelles). Soit elle est aveugle, soit elle est idiote.
— Vous ne croyez pas que ça va bâiller dans le dos ?
Son regard s'allume.
— Ah, d'habitude ça bâille dans le dos ?
— Ben oui, c'est un peu ce que je voulais dire en expliquant que c'était trop large au niveau de la taille...
— Alors il vous faut un bol de.
Pardon ? Un bol de quoi ? Fait-elle allusion au fait qu'il va me falloir beaucoup de bol pour dénicher un futal correct ? Mais la dame, toute fière d'avoir compris mon problème maintenant que j'ai utilisé la formule officielle, m'entraîne déjà vers un coin du rayon où un écriteau proclame : "Vos pantalons bâillent dans le dos ? Choisissez Bold curves !"
— Voilà, il vous faut un bollde.
— Ah, un "Bold" ! Je vois. Oui, c'est certainement ce qui me convient le mieux.
— Ça veut dire quoi, "bol de kurve" ? m'interroge ma soeur.
— Ça veut dire qu'on a un gros popotin, mais en plus poli.
Pendant ce temps, la dame fouille parmi les pantalons. Environ quinze secondes. Puis se retourne :
— Le problème, c'est qu'avec les soldes, tout est mélangé. Je ne trouve rien à votre taille. Revenez plutôt après la fin des soldes.

Bon. On respire, et on monte à l'étage au-dessus.


(Suite et fin au prochain épisode.)


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