Au début, moi, je voulais un escalier. Juste un petit
escalier de rien du tout qui parte de la fenêtre de la cuisine, transformée en porte-fenêtre,
pour conduire dans le jardin, histoire de pouvoir aller jouer dans l’herbe
autrement qu’en faisant tout le tour de la maison, et aussi de pouvoir manger
dehors à la belle saison.
Consultés séparément, Darling et ma mère ont dit tous les
deux qu’il fallait faire mieux encore : une terrasse. Une petite terrasse
pour admirer le paysage de haut, et pour y mettre une table et quelques
chaises. Bon, pourquoi pas ? Quand ma mère et Darling sont d’accord, je
m’exécute.
L’architecte, lui, a trouvé que nous étions trop
modestes, et que tant qu’à construire une terrasse, autant en construire une
grande. Et jolie, avec un beau carrelage, et des piliers en briques anciennes,
tout ça.
Le maçon a dit que d’accord, mais que dans ce cas, il
fallait faire des murs de soutien sous la terrasse, et donc démolir le muret
qui était déjà là, mais pas au bon endroit. Et pendant qu’on y était, qu’il
serait bon de renforcer les fondations.
Même la voisine a mis son grain de sel et a jugé qu’à ce
stade, il pourrait être souhaitable de faire un toit et de transformer la
terrasse en véranda. Dans un sursaut de lucidité, j’ai refusé. Non parce que
sinon, on pouvait aussi faire les murs dans la foulée, et on avait une belle
chambre supplémentaire, certes, mais plus de terrasse, ce qui n’était pas le but recherché.
N’empêche. Je voulais un escalier, et j’ai fait
construire une immense terrasse de sept mètres sur trois avec briques
anciennes, carrelage de luxe, piliers décoratifs, rambarde en inox
parce-que-ça-demande-moins-d’entretien-que-le-fer-mais-attention-ça-coûte-un-peu-plus-cher,
nouvelles fondations, etc. Autant dire que le prix a environ quintuplé, dans
cette affaire. C’est bien simple, je n’ai plus d’assurance vie, plus de plan
d’épargne logement, plus de livret A, et mon compte sur livret sera à sec d’ici
la fin de l’été.
Mais j’ai une belle terrasse.
Enfin, je l’aurai, car le projet commandé en août dernier
n’est pas encore tout à fait terminé. Ah ben oui, visiblement, les maçons ne
souffrent pas trop de la fameuse crise, et ils ont du boulot par-dessus la
tête.
L’autre soir, vers vingt heures, je suis sortie sur ma
terrasse encore dépourvue de rambarde et de carrelage, pour oublier mes soucis
économiques en admirant le paysage. Darling et moi avons même trinqué en nous
félicitant de cet ajout à la maison.
Cinq minutes plus tard, je suis rentrée précipitamment à
l’intérieur avec une douzaine de boutons de moustiques répartis sur les jambes
et les bras.
Bon. Je me suis donc ruinée pour
faire construire une splendide terrasse dont je ne pourrai pas profiter sans me
faire dévorer par les insectes. La vie est belle.
Si ça peut te "rassurer", dans le bâtiment la crise est là comme ailleurs,on gagne moins qu'avant pour une même quantité de boulot.
RépondreSupprimerFFFF, qui aura nourri quelques moustiques cet été aussi...
Tu mettras des pots de géranium. Le geraniol repousse les moustiques, les mouches, les tics et les fourmis.
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