Quand on a des jumeaux, tout le monde vous le dit et vous le répète, il faut faire bien attention de ne pas les traiter comme une entité unique. Ce sont deux individus, différents, avec chacun ses besoins propres, blablabla patati patata. Bon, on vous tient surtout ce discours quand ce sont des monozygotes (ou "vrais" jumeaux), mais c'est valable aussi pour les autres. Même quand il y a une fille et un garçon, gare à vous si vous leur mettez les mêmes vêtements, si vous leur faites tout faire en même temps, et surtout, surtout, si vous les appelez "les jumeaux". Ah non. Ça, faut pas. Jamais. Vilain.
Nous avons donc fait très attention à ne pas céder à cette facilité de langage. Jusqu'à il y a quelques mois, c'était relativement simple : quand on avait la flemme de dire "Miss Thing One et Mr Thing Two" (leurs vrais prénoms, quoi), on disait "les bébés", ou "les petits". Depuis l'arrivée du Petit, c'est plus compliqué. On se retrouve souvent à dire quelque chose comme "Je vais y aller avec les petits, je veux dire les moyens, enfin les ju... non, bref, les deux zigotos, les Things, quoi !"
Ce qui ne nous fait guère gagner de temps, j'en conviens.
Et puis l'autre jour, à la bibliothèque, je suis tombée sur ce bouquin que j'avais déjà repéré il y a quelques mois, à l'époque où les Things étaient encore trop petits pour ce genre d'album : Coucou les jumeaux de Charlotte Voake, traduit par Anne Krief (Gallimard, 2006). Un livre très court et simple, avec quelques stéréotypes (la fille construit une tour, le garçon la démolit), mais qui tombent assez juste : Miss Thing One est d'ailleurs tombée en arrêt devant le dessin de la gamine qui suce son pouce, rêveuse, pendant que son frère dévore le contenu de son assiette. Quelques phrases courtes pour expliquer que Charlotte et Simon, quoique jumeaux, ne se ressemblent pas, mais que ça ne les empêche pas d'être heureux ensemble. Un bon petit bouquin, et un des rares à être consacré à des jumeaux dizygotes, souvent oubliés de la littérature.
Je leur ai donc lu, toute contente, anticipant leur émerveillement à voir reproduite pour la première fois dans un livre leur propre situation.
Résultat ?
J'ai fait un flop.
Ils m'ont écouté avec un intérêt poli, voilà tout.
Et c'est alors que j'ai réalisé que Darling et moi-même, mais aussi les employées de la crèche, les autres membres de la famille, les amis, etc. avons si bien suivi la consigne de ne surtout pas les appeler "les jumeaux" qu'ils ne connaissent pas ce mot, et ne savent donc pas du tout que leur situation est particulière.
Je crois qu'on mérite dix sur dix pour la différenciation. C'est bien, ça fera remonter notre moyenne générale de parents indignes.
Remédiez bien vite à cette lacune sans vous prendre la tête ! Moi, je dis "les filles" et pour elles, c'est le signe qu'elles appartiennent à la même sphère. Une sorte d'identité commune qui renforce leur statut de soeurs... Alors, tous les discours, hein ? :-)
RépondreSupprimerMamie Camille
Mes frères - parfaitement dissemblables et on ne peut plus dizygotes ou inversement – ont 30 ans passés et toute la famille les appelle encore « les jumeaux » quand il est question d'eux deux. Je n'ai pas l'impression que ça les ait fortement traumatisés... Dans le même panier de 5 frères et soeurs, on avait "les grandes" par opposition aux "petits", "les filles" vs "les garçons" (les jumeaux, en l'occurrence), parce qu'appeler tout le monde par son prénom prenait trop de temps. D'ailleurs, quand mon père avait besoin de l'un de nous individuellement, il appelait souvent les quatre autres avant d'avoir le bon prénom !
RépondreSupprimerM'est avis que vous pouvez tranquillement leur expliquer qu'ils sont jumeaux, maintenant, et que ce n'est pas une injure ;-) Ton bouquin m'a l'air idéal pour ce genre de mise au point, ça tombe bien, non ?