La mère de Darling, appelons-la Oma, vient nous rendre visite pendant quelques jours. Elle apporte une grosse valise et une petite mallette assortie (c'est bien ça qu'on appelle un vanity-case, non ?). Méfiante, elle a cadenassé la valise. Hélas, dès son arrivée, à neuf heures du soir, elle se rend compte... qu'elle a oublié la clef du cadenas.
— Pas grave, dit-elle en substance et en allemand : nous n'avons qu'à le faire sauter avec un coup de marteau.
Sauf que oui mais non. Si c'était si facile, il ne servirait à rien, le cadenas. Je tente la pince, la scie, la clef à molette (on ne sait jamais), mais je ne réussis qu'à me faire mal. A la rigueur, je pourrais attaquer la fermeture éclair, mais elle est de bonne qualité : ce ne sera pas si aisé. Et si j'y arrive, inutile d'espérer récupérer la valise ensuite.
Heureusement, il y a le quincaillier, qui va bien nous manquer quand nous déménagerons. Toujours prêt à rendre service et à donner de bons conseils. Bien sûr, à cette heure-ci, il est fermé. Tant pis. Je propose à Oma de lui prêter un pyjama, une brosse à dent, un livre, bref, le strict minimum pour survivre jusqu'à demain. Elle me dit que c'est bon, qu'elle a tout ce qu'il faut dans sa mallette.
(Ah.)
Le lendemain matin, je vais chez le quincaillier. Il examine le cadenas.
— Pas de problème, je vais couper ça avec ma pince.
— Elle va en venir à bout, vous croyez ?
— Sans problème. Quand je faisais mon service militaire, je coupais des fils de fer barbelés épais comme mon doigt avec une énorme pince qui pouvait sectionner n'importe quoi.
— Et donc, de retour à la vie civile, vous avez acheté la même ?
— Non, j'ai piqué celle-là. Le dernier jour, je l'ai mise dans ma valise, sous mes fringues.
(Ah.)
Le quincaillier cisaille le cadenas en quelques secondes. Je reviens à la maison avec la valise. Je trouve Oma lavée et changée, avec des vêtements qui sortent de sa mallette.
Mais enfin, si elle a tout ce qu'il faut dans ce sac à peine plus grand qu'une trousse de toilette, qu'avait-elle besoin de s'encombrer de cette grosse valise ? Et surtout, la question qui me tarabuste depuis le début : qu'y a-t-il là-dedans qui justifie l'emploi d'un cadenas, alors qu'elle est venue en train et qu'elle n'a pas quitté sa valise des yeux de tout le voyage ?
J'ai eu la réponse quand elle a enfin ouvert ladite valise. Deux gâteaux. Quatre boîtes de biscuits. Des chocolats pour les gamins. Des chocolats pour moi. Une demi-douzaine de saucissons, saucisses, jambon, etc. Du pain noir. Des poireaux qu'elle n'a pas voulu laisser pourrir. Du beurre proche de sa date d'expiration. Les ingrédients pour faire un gâteau ici (au cas où je n'aurais pas de farine ni de sucre). Des pommes...
Bon, d'accord, finalement elle a bien fait de prendre ses précautions.
J'ai bien ri! On dirait ma mère quand elle vient nous voir en Ecosse! Sauf que elle c'est saucissons, fromages qui puent, crème de marrons, fraises tagada... et elle cadenasse aussi depuis qu'elle s'est fait dérober une bouteille de pastis à l'aéroport de Marseille (bravo les bagagistes...)
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