samedi 11 août 2012

Effraction


Journée à IKEA. Dans un genre un peu différent, le même genre d’expérience que notre fameux voyage en avion. Le moment du déjeuner, avec les trois plus jeunes qui hurlaient, la queue au self, et les boulettes suédoises que j’ai fini par manger froides, fut particulièrement éprouvant.
Bien entendu, nous sommes rentrés sans le lit, la commode et le meuble de cuisine que j’espérais acheter. Et même pas tellement de bricoles pour les remplacer. Pour acheter des trucs inutiles, il faut avoir le temps de regarder dans les rayonnages.
(D’une certaine manière, je peux remercier mes enfants, donc.)

Bref, quand nous arrivons enfin à la maison, moi avec les yeux qui piquaient tellement j’étais fatiguée, les enfants d’une humeur massacrante d’avoir fait une sieste bien trop courte, tous trop chaudement habillés parce qu’il devait faire moche ce jour-là (je vais lui dire, à ma voisine, que sa météo ne vaut rien), nous sortons de la voiture au milieu des hurlements (encore, toujours), et c’est là que je m’aperçois…
… que je n’ai plus la clef.
A pu, clef. Envolée. Disparue.
Une femme de ménage d’IKEA doit être actuellement en possession d’une clef orpheline, sans trousseau (Mr Thing Two m’a démoli mon porte-clefs), trouvée dans le réfectoire après le passage de cette famille nombreuse ultra-bruyante dont la mère a jeté son sac ouvert dans le chariot des courses pour se hâter de nourrir sa gamine d’une main et son bébé d’un sein afin de les faire taire, au moins ces deux-là.

Pas de clef. Au secours. Les voisins ont-ils la clef ? Oui, mais ils ne rentrent du travail que dans deux heures, et dans moins de cinq minutes, je vais me rendre coupable d’un infanticide si les Things continuent à crier. Le monsieur qui s’occupe de la maison en mon absence a-t-il la clef ? Oui, mais quand je lui téléphone, il m’annonce qu’il est très loin de là.
Je vide intégralement mon sac pendant que Darling fait le tour de la maison. Les Things hurlent. Le Grand râle. Le Petit pleurniche (c’est de loin le plus sage des quatre). Je ne trouve rien. Darling non plus. Pas de porte ouverte, pas de fenêtre ouverte, nulle part. Seule la porte de la cave est exceptionnellement ouverte, à cause des travaux (je vous raconterai). Ce qui me fait penser qu’à la cave, il y a un congélateur. Quelques instants plus tard, je colle dans la main des deuzans un énorme cône trois fois trop grand pour eux (les autres sont dans le congélateur de la cuisine, inaccessibles). Les sales mômes se taisent pour la première fois de la journée, ou presque. On va pouvoir réfléchir.
Alors, voyons. Toutes les portes sont fermées, y compris celle qui mène de la cave à la cuisine. Mais contrairement aux autres, cette porte n’est pas une porte super-solide avec une serrure de sécurité patati patata. C’est censé être une porte intérieure, donc en bois massif, certes, mais avec une serrure primitive. Et la clef est dedans.
Et si je me prenais pour Fantômette, pendant quelques minutes ? Pourquoi pas ? Rien à perdre, c’est ça ou attendre deux heures avec quatre enfants (ou encore casser une vitre renforcée, si on y arrive). Après tout, dans les bouquins (pour les 8-12 ans, les plus grands n’y croiraient plus), ça marche toujours.
Je monte jusqu’à la porte en question et je glisse sous la rainure une grande feuille de papier (la liste de ce qu’on aurait dû acheter). Puis j’emprunte au Grand le clou qu’il vient de trouver et avec lequel il espérait crocheter la serrure sécurisée, et je commence à trafiquer. La clef est tournée à l’horizontale, ce qui ne facilite pas les choses. Mais petit à petit, je réussis à la mettre en position verticale. Puis je pousse une profonde inspiration, et je pousse avec le clou.
Et la clef tombe.
Sur la feuille de papier.
Et l’interstice entre le sol et la porte est suffisamment grand.
Je tire la feuille de papier, tout doucement…
… et je mets la main sur la clef !
Et voilà comment j’ai réussis à pénétrer chez moi par effraction, ou presque, en utilisant un système dont je n’aurais jamais, jamais, jamais cru qu’il marchait « en vrai » et surtout pas que j’aurais l’occasion de le tester un jour. Un vieux truc que j’avais encore trouvé il y a moins de trois mois dans une histoire de détective complètement irréaliste pour les plus jeunes lecteurs.
Comme quoi, travailler dans l’édition jeunesse, ça peut avoir des avantages insoupçonnés, parfois.

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