Depuis que j'ai eu la malencontreuse idée, il y a quelques mois, de chanter une chanson pour distraire Mr Thing Two qui faisait un caprice pendant le repas ("Ouaaaaaaaahhh !" pouvant se traduire par "Je n'en veux pas de ta purée de panais, file-moi tout de suite deux ou trois desserts à la place !"), celui-ci exige de la musique pendant tous ses repas. Et pas n'importe quelle musique, hein, les Nocturnes de Chopin en sourdine ne font pas l'affaire : il lui faut soit un disque de rock/jazz/blues de Darling, soit des chansons de mon propre répertoire que je suis censée recommencer en boucle, avec une grosse préférence pour les génériques de "Barbapapa" et de "Léo et Popi", ainsi que pour les Clipounets.
Autant vous dire que les Barbapapas-qui-se-transforment-à-volonté-courts-longs-carrés, Léo-et-Popi-qui-ont-mille-choses-à-découvrir, et les éléphants-qui-se-balançaient-sur-une-toile-toile-toile-d'araignée me donnent désormais de l'urticaire.
Mais maintenant, dès que l'assiette est posée devant lui, il réclame "core !" – sous-entendu, "encore de la musique" : c'est un réflexe conditionné de sa part, un peu comme de réclamer un tâteau dès la dernière gorgée du biberon avalée ou d'exiger vingt minutes de "Mimi la souris" ou autre DVD en rentrant de la crèche chaque soir. (Mon Dieu, nous sommes des parents exécrables, j'ai honte). Et ça ne va pas s'améliorant. Si, jusqu'ici, j'avais le droit de me taire ou d'arrêter le CD à la fin de la purée, maintenant je suis aimablement priée de continuer jusqu'à la fin du repas, et si la chanson ou la musique choisie ne lui plaisent pas, il n'hésite pas à nous le faire poliment savoir.
Cela signifie-t-il qu'à l'adolescence, nous devrons écouter le dernier tube à la mode pendant chaque repas pour qu'il ne vire pas anorexique ? Qu'à l'âge adulte, il demandera à son épouse de lui chanter "Les petits poissons" ou une cantate de Monteverdi tous les soirs pendant qu'il avale son dîner ? Que devenu père, il régalera jour après jour ses enfants d'une chanson de Renaud pleine de gros mots tout en les obligeant à terminer leur soupe ? Que ses arrières-petits-enfants redouteront les repas de Noël avec grand-papy qui enchaîne "Douce nuit" et "Vive le vent" toute la soirée de sa voix chevrotante, et la bouche pleine, de surcroît ? Qu'il ne pourra jamais aller au restaurant s'il n'y a pas de musique d'ambiance, ou pique-niquer dans la forêt si les oiseaux ne viennent pas lui donner un concert ?
Remarquez, ce n'est pas forcément pire que si Miss Thing One exige de ses amants et même de ses colocataires qu'ils lui fassent un bisou sur la plante des pieds tous les soirs au coucher et tous les matins au lever, sous peine de grosse colère...
Pour ma première, je devais recouvrir le panier à fruit et ouvrir le micro-ondes, pour qu'elle soit bien certaine de manger comme nous, et qu'elle ne prenne pas que des mandarines pour son déjeuner. Ca a fini par lui passer...
RépondreSupprimer