jeudi 1 décembre 2011

Les lettres au Père Noël

Mon Grand n'écrira pas de lettre au Père Noël, cette année.

Il n'a jamais vraiment cru au Père Noël. Dès le premier Noël où il était en âge de comprendre quelque chose, c'est-à-dire à deux ans et demi, et puis de nouveau à trois ans et demi, j'ai bien insisté sur ce point : le Père Noël, c'était une histoire.
Pourquoi lui ai-je dit la vérité si tôt ? Pourquoi ne pas l'avoir se laissé bercer de douces illusions, comme beaucoup d'enfants ? Pour trois raisons, pas moins.
- Premièrement, j'ai toujours mis un point d'honneur à lui dire la vérité, rien que la vérité (à défaut de toute la vérité). C'est quelque chose de fondamental, pour moi : mes enfants doivent savoir qu'ils peuvent me croire, quelles que soient les circonstances. Tout comme moi, j'exige de pouvoir les croire. Le mensonge, même par simplification ou pitié, me fait horreur.
- Deuxièmement, je connais un nombre incalculable d'adultes qui se rappellent très bien le jour où ils ont découvert que le Père Noël n'existait pas, et la déception qu'ils ont ressenti ce jour-là. La magie de Noël, tu parles ! Donner des illusions qui seront brutalement retirées par la suite, je trouve ça bien peu festif.
- Troisièmement, et c'est une raison à laquelle personne ne pense, parce que le Père Noël est injuste. Et le fait que la société soit injuste, c'est déjà dur à avaler pour des enfants, mais si le Père Noël s'y met, c'est vraiment trop triste. L'envie de faire croire au Père Noël à mes enfants m'a passé définitivement le jour où ma mère, alors instit en petite section, m'a raconté ce dialogue entendu dans sa classe, un matin de janvier :
— Moi, le Père Noël, il m'a apporté un garage, et puis un cheval à bascule, et puis un jeu de mémory, et puis une grosse peluche, et puis une jolie boîte à trésors, et puis des légos... et toi ?
— Moi, il m'a apporté un pull, une petite voiture et un paquet de bonbons...
Je me mets à la place de ce deuxième enfant, et ça me fait une grosse grosse boule dans la gorge. Encore une fois, "mes parents sont pauvres et pas les autres", c'est déjà difficile à admettre...  Mais là, que croire ?  Que le Père Noël préfère les riches ?  Qu'il a des chouchous ? Que je n'ai pas été assez sage ? Que je ne vaux pas autant que mon copain ?

Bref, le Père Noël, c'est une histoire. Mais une histoire à laquelle on a le droit de faire semblant de croire, et même à laquelle il faut faire semblant de croire, de toute son âme, maintenant que les choses sont claires !

Donc chaque année, mon gamin écrivait une lettre au Père Noël. Une vraie lettre, hein. Pas une liste avec le numéro de page du catalogue et la référence du jeu : il s'agit de cadeaux, pas d'une commande ! Une lettre d'une bonne page, qu'il me dictait au début et qu'il a écrit lui-même par la suite, avec des nouvelles, des questions, et accessoirement, quelques souhaits, illustrés par des dessins.
Et le Père Noël répondait ! Chaque année, nous trouvions dans la boîte aux lettres une longue lettre à l'adresse rédigée d'une main très tremblante (oui, il est vieux, le Père Noël !) et qui racontait plein de choses. Où il habitait, ce qu'il faisait, qui vivait avec lui, et puis des anecdotes, les dernières bêtises de son principal assistant, Ours Blanc, etc. Et une vague promesse du genre "J'essaierai de t'apporter ce que tu veux, sauf l'aquarium parce que Ours Blanc a cassé tout mon stock cette année, mais même si tu n'as pas exactement ce que tu m'as demandé je te promets que tu seras content."

Mais cette année, il a neuf ans et demi, mon petit pou tout doux... Et il est devenu trop grand même pour faire semblant. Nous en avons parlé hier, en installant la crèche ensemble (un grand moment de bonheur chaque année, j'en reparlerai sûrement).
— Dis, mon grand, tu as encore envie d'écrire au Père Noël, cette année ?
— Je ne sais pas... Au fait, si le Père Noël n'existait pas [remarquez qu'il a encore pris soin de maintenir la fiction, il sait à quel point j'y tiens !], où iraient les lettres qu'on lui écrit ? C'est la poste qui les garde ?
J'ai eu un petit pincement au coeur, mais il faut savoir accepter que les enfants grandissent.
— Tu sais, je crois qu'on peut arrêter de faire semblant... Tes lettres, je te disais que j'allais les poster, mais je les ai toutes conservées précieusement !
— Et tout ce que tu racontais sur les bêtises d'Ours Blanc et tout ça, c'est toi qui a tout inventé ?
— En partie, oui. Mais je me suis aussi inspirée d'un livre que je vais te montrer, et qui rassemble les lettre que l'auteur du Seigneurs des Anneaux écrivait à ses propres enfants au nom du Père Noël.


En effet, je me suis inspirée en partie de ce livre là :
Un livre magnifique, que j'ai dans l'édition anglaise mais qui a été également publié en français dans une traduction de Gérard-Georges Lemaire et qui est actuellement disponible chez Pocket. Mon édition est reliée, avec jaquette, grand format, et comprend une reproduction de toutes les lettres avec leurs illustrations, ainsi qu'une retranscription qui facilite la lecture. Tolkien ayant eu quatre enfants à la suite, la première lettre date de 1920 et la dernière de 1943, et elles sont drôles et charmantes, sans compter que je trouve très attendrissant l'idée qu'un père ait pu consacrer autant de temps à faire vivre ce mythe pour ses enfants. C'est pour ça que j'ai eu envie de faire pareil.

Une époque révolue... mais dans deux ou trois ans, ce sera le tour des Things, puis du Têtard, et j'espère que la lettre au Père Noël restera un grand plaisir chez nous pendant encore bien des années !

4 commentaires:

  1. Petit (vers l'âge de 5 ans), j'ai découvert que le Père Noël n'existait pas lors des fêtes de fin d'année organisées par le travail de mon père: Le père Noël présent ce jour là avait une barbe tenue par "un élastique de caleçon" (c'était mes propos à l'époque). Je n'étais pas si déçu en fait, je me sentais comme un mini-Sherlock Holmes qui avait réussi à mettre à jour le plus gros complot jamais monté par les adultes et je dénonçais le scandale d'un doigt accusateur pointé vers ledit Père Noël. Je me souviens juste que tous les adultes se sont rués sur moi pour me plaquer leurs mains sur la bouche en faisant "CHHHHHHUUUUUUUUT". ^^'

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  2. C'est bien si ce n'est pas un mauvais souvenir, mais avoue que ça l'est souvent !

    Moi, j'ai eu le problème inverse : juste après avoir expliqué à mon Grand que le Père Noël n'existait pas (je ne l'ai pas dit en ces termes, j'ai dit que c'était "juste une histoire"), nous l'avons croisé dans un grand magasin... ce qui prouvait bien que je m'étais trompée !

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  3. C'est très beau ce que tu racontes là.
    Je n'ai pas souvenir d'un évènement traumatisant, je ne sais même pas comment j'ai su que le Père Noël n'existait pas, j'étais juste fière de moi parce que j'avais découvert la cachette aux cadeaux, et je rigolais toute seule parce que mes parents pensaient que je ne savais rien. Je ne connaissais pas le livre de Tolkien, je note pour mes prochains achats, merci.

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  4. Quand j'y repense, j'ai réagi comme Pedro, j'étais plutôt content d'avoir percé la réalité à jour tout seul. Et que tout était plus logique comme ça.
    C'est vrai qu'après, de la fierté d'avoir compris, il y avait aussi la petite dose d'amertume.
    Après, petit, je disais que c'était pas grave, je pensais que le père Noël m'aimait très fort, et en vérité mes parents m'aimaient pour 4.

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