mardi 16 novembre 2021

Le prestige du métier

L'autre jour, j'étais fatiguée. Ça fait quelque temps que j'ai du mal à me mettre au travail. J'en ai parlé au dîner :

— Pff, j'ai envie de changer de métier. Je voudrais faire un truc manuel, et puis avoir des collègues, et surtout avoir des horaires et savoir que quand j'ai terminé le soir, je peux faire ce que je veux de mon temps libre sans mauvaise conscience ! Tiens, je vais suivre une formation et devenir mécanicienne cycles. Il paraît qu'on trouve très facilement du boulot, dans ce domaine.

Et là, les trois plus jeunes se sont mis à râler avec énergie :

— Hein ? Mais non !

— Moi je suis super fière que tu sois traductrice ! Je peux montrer à mes copines des livres que tu as traduit !

— Mais oui, c'est trop stylé de faire des livres !

Je ne m'y attendais pas du tout. J'ai manifesté mon étonnement :

— Mais mécanicien, c'est bien aussi, non ?

— Oui mais moins !

— Vous pourriez montrer votre vélo et dire "C'est ma mère qui l'a construit" ? Ce ne serait pas chic, ça ?

— Ben ouais mais c'est quand même pas aussi impressionnant que traduire un roman et avoir ton nom écrit dans un livre !

 

Voilà, aujourd'hui mes gamins ont prouvé que Bourdieu n'avait pas tort, avec ses histoires de culture et d'élitisme...

 

(Accessoirement, le Grand m'a fait remarquer que si j'étais mécanicienne, je ne pourrais plus voyager librement en emportant mon travail, et ma mère que mon salaire ne suffirait pas forcément à entretenir une famille de cinq personnes. Certes. Bon, ben je vais rester traductrice quelques années de plus, alors...)


3 commentaires:

  1. Je suis bien d'accord avec vos enfants! Et d'ailleurs pour moi c'est plus simple de regarder si Fofo est la traductrice du bouquin que je lis, plutôt que de vérifier si c'est elle qui a construit les vélos que je croise (mais curieusement, jusqu'à présent, je ne vois aucune traductrice répondant au nom de Fofo, dommage, mais je vais persévérer!)

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  2. J'avais espéré, un moment, poursuivre des études en même temps que je travaillais (et que j'élevais deux enfants), pour devenir technicienne dans une imprimerie. Et puis, j'ai dû renoncer. Mais je crois que, au fond (des tuyaux !), j'aurais surtout aimé être plombière. Et là, pour le coup, ça paye plutôt bien !

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  3. Et "mécanicienne qui fait des babyfoots", ils feraient une dérogation ? Nan parce que moi, j'en ch*** pour en trouver, hein
    (et au passage, ça fait tellement de temps que je ne suis pas venue sur ce blog que j'en avais oublié son existence. Scandale.)

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