En décembre dernier, une maison d'édition étrangère spécialisée dans les beaux livres et les coéditions m'avait contactée pour me demander de traduire un ouvrage consacré à un grand hôtel de luxe, avec des textes en plusieurs langues. J'avais accepté la proposition, même si l'éditrice avait refusé de me payer quelques nuits dans l'hôtel concerné pour que je fasse mieux mon boulot (radine). On m'avait annoncé que j'aurais les textes à traduire début janvier au plus tard.
Début février, un collègue de celle avec qui j'avais été en contact me demande mes disponibilités dans les jours qui suivaient, parce que "nous avons pris un peu de retard" (sans blague ?) et donc "c'est urgent" (comme toujours). Je confirme que si on m'envoie ce premier texte de six pages au plus tard le mercredi, je peux le faire pour le lundi suivant.
Le mercredi passe, sans nouvelle. Une dizaine de jours s'écoulent. Et puis samedi soir (!), je reçois un email désespéré, genre "vous pouvez le faire en 48h, sivouplé sivouplé ?", avec une pièce jointe.
Ben, heu, disons, 48h ouvrées, à la rigueur. Donc pour mercredi matin, mettons, parce que je ne travaille pas le dimanche. (C'est faux, bien sûr. Mais chut ! C'est un secret !). Et encore, je vous fais une fleur, parce que figurez-vous qu'ici, ce sont les vacances scolaires, donc j'ai les gamins dans les pattes, ce qui signifie que ça va être plus compliqué que lorsque vous me l'avez demandé il y a trois semaines, quand c'était déjà urgent. M'enfin, bref.
J'ouvre la pièce jointe, et je commence à lire : "L'histoire de notre usine d'appareils électroménagers est indissolublement liée à celle d'un fleuve, qui, comme un fil rouge, peut être parcouru pour comprendre le passé, le présent et le futur de notre entreprise et des terres qui l'ont fait naître..."
Pardon ?
J'ai écrit au type pour m'étonner, mais bien entendu, il n'a répondu que lundi matin (il faut croire que lui, il ne travaille réellement pas le dimanche). Notre dialogue via email a donné à peu près ceci :
— Vous vous êtes trompé de texte ! Celui que vous m'avez envoyer parle de frigidaires et de lave-linges, et non d'un grand hôtel !
— Ah non, ce sont deux projets différents, désolé, je n'ai pas été clair là-dessus, c'est vrai.
— Hein ? Mais et l'hôtel ? Ce devait être pour janvier !
— Oui, mais nous avons pris un peu de retard...
— Mais, mais, mais je n'avais pas prévu de faire celui-ci, moi ! Et d'abord, je n'y connais rien, en électroménagers !
— Oh, ne vous inquiétez pas, il n'y a aucun terme technique.
— Admettons, mais je n'ai pas de contrat !
— Je vous l'envoie tout de suite immédiatement, promis juré !
— Même comme ça, j'aurai terminé le boulot avant qu'il arrive... Et à part ça, il va être publié, ce texte ?
— Oui, enfin non, enfin ce sera un beau livre mais il ne sera pas vendu en librairie, juste distribué aux clients.
— Mais je suis traductrice d'édition, moi ! Autrement dit, je doit être payée en droits d'auteurs, ce qui signifie que mes traductions doivent sortir en librairie, sinon je vais me faire taper sur les doigts par l'administration !
— On ne peut pas faire semblant ? Juste cette fois ? Sivouplé sivouplé... Je n'ai pas le temps de trouver un autre traducteur...
Je suis faible.
J'ai accepté.
J'ai juste eu le courage de lui dire que c'était la dernière fois.
Il va vraiment falloir que j'apprenne à dire non.
Et puis, maintenant que j'y pense, j'ai été sotte : c'était l'occasion ou jamais de négocier le remplacement de ma machine à laver agonisante...
Ahlala, l'esprit d'escalier.
RépondreSupprimerOn dirait un dialogue échappé d'un rêve, illogique.
Fofo au milieu de nulle part, qui attend un texte qui n'arrive pas.
L'attente est entrecoupée d'appel téléphonique. Et à un moment on glisse de l'hôtel à l’électroménager, et la voix répond "c'est tout à fait logique".
"Ah d'accord, si c'est logique, tout va bien et je peux continuer à roupiller zzz".
Être payée en nature en machine à laver, ce serait drôlatique. Être payé sous le naperon avec une machine à laver, comme on cacherait un éléphant derrière une fraise des bois.
http://www.naute.com/blagues/elephantfr.phtml
C'est ubuesque, cette situation !
RépondreSupprimerMais alors comment tu fais niveau administratif ? Tu ne vas pas être payée en droits d'auteur, si ?
Finalement, c'est mieux que tu ne sois pas payée en nuits dans cet hôtel... Il ne me semble pas très chaleureux! ^^
RépondreSupprimerLeze : Comme c'est une maison d'édition étrangère, ils n'ont pas besoin d'un numéro de siret ou d'Agessa ou quoi que ce soit pour me payer. La distinction droits d'auteur / honoraires n'existe pas, là-bas. Je vais juste le déclarer comme si c'était des droits d'auteurs, personne n'ira vérifier. Pour 200 euros...
RépondreSupprimerBougri : Hu hu ! Je peux m'estimer heureuse de ne pas avoir été invitée à passer la nuit dans une "showroom" pleine de congélateurs, en effet...