samedi 22 février 2014

Voyage vers la neige

En fait, ça ne s'est pas passé exactement comme prévu.
Mais ça m'a donné l'occasion de rencontrer une incroyable brochette de gens très gentils.
Je vous raconte ?

Tout avait très bien commencé. Les valises, faites dans la précipitation (ça prend toujours plus de temps de prévu, et j'avais les gamins à gérer et une traduction à relire et envoyer), étaient pourtant à peu près complètes : je n'ai oublié que des broutilles, le pyjama du Grand, du shampoing, la crème solaire. Au moment de partir, j'ai fini par me rendre aux arguments de Darling et du Grand qui estimaient que 15 minutes de marche + 20 minutes de RER + 20 minutes de marche, c'était beaucoup pour les Things, et j'ai appelé un taxi. Miraculeusement, le chauffeur est arrivé en moins de dix minutes, il a trouvé ma rue même si celle-ci ne figure pas sur le plan de la compagnie de taxis (??), il a attendu sans broncher que j'attache tous les gamins, il a changé la radio (du foot, il est passé à de la musique douce) pour me faire plaisir alors que je n'avais rien exigé, il m'a longuement complimentée quand le Grand a évoqué mon triporteur, et il nous a conduits à la gare en un rien de temps, mais sans dépasser les limites de vitesse. Un monsieur charmant, vraiment.

Nous sommes donc arrivés à la gare à 21h35, pour un train qui devait partir à 22h40. Je me doutais que le quai ne serait pas encore affiché.
Ce que je n'avais pas envisagé, c'est que le train lui-même ne figure pas sur le panneau départs. Rien entre le train de 22h21 et celui de 22h48.
Là, j'ai commencé à m'inquiéter.
J'ai sorti les billets, et j'ai tout vérifié. La gare. L'heure. La destination. Le numéro du train. La date...
Et c'est ainsi que j'ai constaté que je n'avais pas une heure d'avance, mais vingt-cinq heures d'avance.
...
...
...
(Ce qui traverse mon esprit pendant ces points de suspension est laissé à votre imagination.)
Je m'en souviens, maintenant. Quand j'ai pris les billets, il y a plus de deux mois, j'ai hésité entre un départ le vendredi soir et un départ le samedi soir. Dans le premier cas, je courais le risque de devoir attendre jusqu'à 16h que l'appart soit disponible ; dans le deuxième cas, je raccourcissais d'un jour les vacances, et je faisais rater le premier cours à mes gamins. J'ai finalement opté pour le vendredi. C'est tout ce que mon cerveau a retenu. Il a tout simplement occulté le fait que, m'étant décidée trop tard, je n'ai PAS trouvé de billets pour le vendredi. Et que je me suis donc rabattue sur le samedi.

Ce n'était pas dramatique, certes. Il vaut mieux arriver un jour trop tôt que trop tard. J'avoue cependant que la simple idée de retourner à la maison et de tout recommencer le lendemain, les valises, le départ avec les enfants surexcités, les adieux déchirants avec le Filou, le taxi, etc., me déprimait complètement. Et ne parlons même pas des colères enfantines que j'allais devoir affronter.

J'ai tout de même demandé à une jeune fille qui assurait l'accueil de me dire où était la billetterie. Fermée, à cette heure-là. Je lui ai expliqué mon problème. Réprimant une certaine envie de rire (mais pas méchamment), elle m'a accompagnée aux bornes automatiques pour vérifier ce qu'on pouvait faire. Il y avait deux trains qui partaient pour cette destination ce soir-là. Le premier venait de quitter la gare, et le deuxième, qui devait partir à 22h11, était complet.
— Vous pouvez tout de même aller voir le contrôleur pour voir s'il y a eu des désistements de dernière minute, m'a-t-elle conseillé. Il y a une chance sur un million pour que ça marche, mais vous n'avez rien à perdre !
J'y suis allée. Des centaines de personnes faisaient la queue devant trois ou quatre contrôleurs qui faisaient des trous dans les billets et cochaient les places sur un tableau. Je suis passée devant tout le monde. On m'a dit d'attendre que tout le monde soit passé. Quand le dernier voyageur a franchi le contrôle, j'ai recommencé à battre des cils très fort en faisant la moue. Le chef de train m'a regardée de haut sans cacher son mépris, a examiné son tableau, a bougonné toutes sortes de choses guère polies...
... et m'a trouvé trois places dans un compartiment.
Sur quoi il a ajouté :
— Dépéchez-vous, on part dans deux minutes exactement.
Je me suis mise à courir, un Thing dans une main et une valise dans l'autre, tandis que le Grand faisait la même chose avec un autre Thing et une autre valise. Environ quatre secondes après le début de notre sprint, le chef de train, sans doute pour nous faire peur, ou pour nous ôter toute envie de ralentir, s'est mis à siffler le départ.
Mais nous avons eu le temps de monter dans le train, aidés par d'autres voyageurs qui m'ont pris des mains valises et enfants.
— Et la gamine, là-bas ? s'est affolé une dame qui hissait le Grand.
— Celle qui court ? Elle n'est pas à moi, ne vous inquiétez pas !
(Je vous rassure, ces retardataires ont réussi à monter, eux aussi).

Nous avons trouvé nos trois places. Qui, en fait, étaient cinq, car deux des trois voyageurs qui auraient dû occuper les autres lits du compartiment ne sont jamais arrivés. Du coup, je n'ai même pas eu besoin de faire dormir les Things tête-bêche, et c'est tant mieux, car s'ils trouvent le moyen de se donner des coups de pieds même sur notre énorme canapé, je n'ose imaginer ce que ça aurait donné sur une couchette SNCF. Il n'y avait avec nous qu'une dame adorable, qui n'a pas arrêté, face à mes excuses répétées, de me dire que ce n'était pas grave du tout, et que mes gamins étaient mignons, ce qui était, à ce moment-là, un mensonge monstrueux mais bienvenu.

Le reste du voyage s'est bien passé. Enfin, pas pire que prévu, quoi. Il a fallu trois quart d'heures pour qu'un père de famille mette enfin la main sur des filets et m'en donne un pour Miss Thing One, qui dormait en hauteur. J'ai dû accompagner les gamins plusieurs fois aux toilettes. Mr Thing Two a mis une heure et demie pour s'endormir, j'ai dû m'asseoir à même le sol à côté de lui pour qu'il arrête de chanter. Quand il a arrêté de gigoter, il était plus de minuit. Entre deux heures et quatre heures du matin, il n'a pas dormi non plus, pour des raisons que j'ignore. J'étais tout en haut, et j'ai dû descendre précipitamment sept fois en deux heures. A chaque fois, j'ai découvert qu'il n'était plus sous sa couverture. A cinq heures, nouveau pipi pour Miss Thing One, et à partir de six heures, le personnel du train s'est mis à annoncer toutes les gares à tue-tête dans le haut-parleur.

Ensuite ? Eh bien, ensuite, les péripéties et les gens charmants ont continué à se succéder. Je n'avais pas d'argent liquide pour payer le car qui devait nous emmener dans notre station de ski, et qui devait partir immédiatement. (Oui, je sais. Mais j'avais prévu de retirer de l'argent pendant que nous poirautions à la gare, figurez-vous). Les autres voyageurs m'auraient bien dépannée, mais aucun n'allait au même endroit que moi, donc je n'aurais pas pu les rembourser. Par bonheur, le chauffeur, pris de pitié, m'a lancé : "Il y a un distributeur à 150 mètres ; si vous piquez un sprint, je vous attends." Et non seulement il m'a attendu, mais il a installé mes gamins et rangé mes valises, pendant que je faisais mon petit footing matinal, bottes de  neige au pied.
A l'arrivée à la station, j'ai eu l'excellente surprise d'apprendre que mon appartement était déjà disponible. Les gens étaient partis la veille, et comme j'avais téléphoné trois jours plus tôt pour expliquer que je serais avec deux jeunes enfants, la centrale de réservation avait déjà fait le nécessaire pour que je puisse retirer les clefs tout de suite.
Les loueurs de ski, débordés de travail, ont néanmoins été très patients avec mes bambins (dont la mauvaise nuit n'améliorait pas le caractère), et m'ont donné des casques en prime, alors que je ne les avais pas réservés. Ils ont aussi choisi exprès des skis rose avec des princesses pour Miss Thing One, et des skis rouges avec des robots pour Mr Thing Two. (Inutile de dire que je ne me suis PAS lancée dans un grand discours féministe, et que je les ai chaudement remerciés.)
Vous en voulez encore ? J'avais oublié de réserver des draps. Il n'y en avait plus. On m'a dit "repassez à 18h, on verra ce qu'on peut faire", et quand je suis repassée, mes draps étaient prêts (et repassés).
Même le serveur du restaurant était particulièrement aimable (ou alors c'est moi qui commençait à voir des bisounours partout) (le soulagement et la fatigue, sans doute).
Et n'oublions pas l'aide infiniment précieuse de ma mère, qui va passer la semaine dans la même station, et qui m'a donné un coup de main quand il a fallu gérer les enfants ivres d'épuisement, qui n'arrêtaient pas de pleurer.
Ah, et puis il y a du wi-fi gratuit dans toute la station.

Bref, je n'ai pas encore chaussé mes skis, mais le simple fait que je sois ici est un petit miracle, et ce soir, au moment d'aller me coucher dans mes draps propres, alors que les mômes dorment depuis presque deux heures, j'aime tout le monde...

N'empêche, avant de partir, vendredi prochain, je vérifierai plusieurs fois mon billet, croyez-moi !

PS : Vous voulez savoir la meilleure ? Aucun contrôleur n'a poinçonné mes billets, et l'heure du départ n'est pas encore passée... Si j'étais malhonnête, j'aurais pu me les faire rembourser !

4 commentaires:

  1. Tu vois, tu t'inquiétais pour rien dans le billet précédent!

    Ficelle

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  2. Ah là là, merci Fofo pour la bonne tranche de rire !
    Punaise, quel début de vacances bien reposant... J'espère que tu avais un déo super efficace ! (je viens de lire la discussion sur le "déo maison", sur notre forum)
    En tout cas, c'est beau, la solidarité !

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  3. Fofo, tu te surpasses ! Quelle petite joueuse je fais, à côté !

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  4. Fofo, pas à dire, ta bonne étoile a bien brillé ! Contente pour toi de cet heureux dénouement (je n'ose pas imaginer les péripéties si tu n'avais pas trouvé ces places dans le train). Profite hyper bien, tu les a méritées ces vacances !

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