Vous n’avez pas idée. Tout ce temps, tout à coup. Depuis que
je suis arrivée ici, je travaille, pourtant : je traduis presque autant de pages qu’un
jour de semaine ordinaire ; et en plus de cela, je cours à droite et à gauche,
à la banque, à la mairie, dans un magasin de bricolage, dans une compagnie d'assurance. Et pourtant, j’ai du temps, plein, plein, plein. Cette différence
incroyable, ne pas devoir s’occuper des enfants, et puis les corvées divisées
par six. Je vous ai déjà parlé des corvées ? Quand je projetais d’avoir
une famille nombreuse, j’avais pris en compte les problèmes d’argent, de place,
de temps à consacrer aux enfants – les doucher, les habiller, jouer avec eux,
les nourrir, les emmener à l’école, etc. –, mais j’avais négligé les corvées.
Le lave-vaisselle à remplir et à vider matin et soir, les deux kilos de
poireaux à découper et à nettoyer, le pain à faire ou à acheter, les quinze
gros sacs de course à ranger, les dix ou vingt kilos de vêtements à trier,
mettre dans la machine, faire sécher, plier, ranger. Même avec des
électroménagers performants, même en s’y mettant à deux, même en éliminant toutes
les tâches superflues comme le repassage, même en étant le plus efficace
possible, même sans compter toutes les corvées administratives, cela prend des
heures.
Et là, tout à coup, trois jours toute seule. Et tout ce temps, que de temps ! Pas de lessive, des courses minuscules, un repas complet mais très simple, une seule assiette que je lave à la main. Je déjeune sans me presser, et pourtant, j’ai terminé en un quart d’heure. Quoi, il est seulement 13h ? A la maison, il serait déjà 13h : plus que trois heures avant d’aller chercher les gamins, il faut que je me dépêche ! Mais là, je peux lire quelques pages supplémentaires de mon bouquin, me glisser sous ma couette pour avoir plus chaud, et même m’assoupir, et puis aller prendre un capuccino au bar pour me réveiller, et il est à peine 15h, et j’ai encore tout l’après-midi et toute la soirée devant moi ! Une sensation totalement oubliée : celle de ne pas être pressée.
Le temps. La solitude. Le silence. Certains en ont trop. Moi, j’adore… pendant trois jours. Juste trois jours pour redécouvrir la lenteur, le calme. Pour me rendre compte que si les choses s’étaient passées différemment, cela pourrait être ma vie. Cela le sera peut-être un jour. Certainement. Une maison plongée dans l’obscurité, où la seule pièce éclairée est celle où je travaille, où le seul bruit est celui des touches de mon clavier. Je comprends mieux pourquoi ma grand-mère avait toujours la radio ou la télévision allumée. Pourquoi presque toutes les traductrices célibataires de ma connaissance ont des chats. Pourquoi la vieille voisine d’en face me saute dessus pour papoter dès que j’arrive ici. Ce n’est pas mon désir : à tout prendre, je préfère les cris, les urgences, la course quotidienne, l’enchaînement des activités qui ne laisse pas le temps de respirer ni de méditer sur le sens ou la vacuité de l’existence. Mais pendant trois jours, ce temps à ma disposition est un cadeau du ciel. Je m’en repais avec autant de voracité que si on me servait de la salade – dont je me passe très bien en temps ordinaire – après m’avoir gavée exclusivement de gâteaux pendant des années. Quelque chose de sain, de rare, de précieux, qui confine au merveilleux. Du temps, du temps…
Et là, tout à coup, trois jours toute seule. Et tout ce temps, que de temps ! Pas de lessive, des courses minuscules, un repas complet mais très simple, une seule assiette que je lave à la main. Je déjeune sans me presser, et pourtant, j’ai terminé en un quart d’heure. Quoi, il est seulement 13h ? A la maison, il serait déjà 13h : plus que trois heures avant d’aller chercher les gamins, il faut que je me dépêche ! Mais là, je peux lire quelques pages supplémentaires de mon bouquin, me glisser sous ma couette pour avoir plus chaud, et même m’assoupir, et puis aller prendre un capuccino au bar pour me réveiller, et il est à peine 15h, et j’ai encore tout l’après-midi et toute la soirée devant moi ! Une sensation totalement oubliée : celle de ne pas être pressée.
Le temps. La solitude. Le silence. Certains en ont trop. Moi, j’adore… pendant trois jours. Juste trois jours pour redécouvrir la lenteur, le calme. Pour me rendre compte que si les choses s’étaient passées différemment, cela pourrait être ma vie. Cela le sera peut-être un jour. Certainement. Une maison plongée dans l’obscurité, où la seule pièce éclairée est celle où je travaille, où le seul bruit est celui des touches de mon clavier. Je comprends mieux pourquoi ma grand-mère avait toujours la radio ou la télévision allumée. Pourquoi presque toutes les traductrices célibataires de ma connaissance ont des chats. Pourquoi la vieille voisine d’en face me saute dessus pour papoter dès que j’arrive ici. Ce n’est pas mon désir : à tout prendre, je préfère les cris, les urgences, la course quotidienne, l’enchaînement des activités qui ne laisse pas le temps de respirer ni de méditer sur le sens ou la vacuité de l’existence. Mais pendant trois jours, ce temps à ma disposition est un cadeau du ciel. Je m’en repais avec autant de voracité que si on me servait de la salade – dont je me passe très bien en temps ordinaire – après m’avoir gavée exclusivement de gâteaux pendant des années. Quelque chose de sain, de rare, de précieux, qui confine au merveilleux. Du temps, du temps…
je crois que c'est ce que j'apprécie le plus aussi quand je me "débarasse" de mes enfants : j'ai du temps pour moi, pour faire ce que je veux, les corvées sont diminuées et punaise que ça fait du bien !!
RépondreSupprimeret puis, le plaisir de les retrouver qui est multiplié par l'absence, c'est cool aussi. :)
Je n'ai qu'un nain, qui est chez ces gds parents pour quelques jours et même si c'est parce que nous sommes en plein travaux. Je ne me suis pas levée au son de "Maman!!", je peux même prendre mon café sur internet alors que dans 10minutes faut que je décanille! Trop bien!
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup la justesse de tes propos car tu rétablis très bien à la fin le fait que ton choix ne se porte pas ad vitam sur cette vie. Et c'est important de le dire car quand ceci n'est pas un choix, lire des "quel bonheur j'ai plus de gosse!" est incompréhensible voir insupportable.
Un jour , quand ils prennent leur envol et quittent le nid , la maison redevient silencieuse et oh délice , on n'a plus à penser pour les autres ! plus d'horaire ! plus d'obligations !
RépondreSupprimerC'est tout l'inverse, en ce qui me concerne.
RépondreSupprimerLorsque je passe un weekend chez Fofo, je vois ce qu'aurait été ma vie si j'avais eu 4 enfants. Ca me fait beaucoup rire de la voir tenter de calmer des colères, des bagarres, je compatis devant la masse de courses et l'organisation à trouver, je trouve cela très folklorique.....
Mais quelques jours. Je ne serai pas capable de vivre cela en permanence;
Et ce que je trouve formidable, c'est que des personnes aussi différentes que nous le sommes ont autant de plaisir à se voir.
En mai prochain, j'aurai entre 13 et 15 personnes à la maison.Je peux déjà vous dire que si je suis vraiment ravie de recevoir ces amis le temps d'un weekend, je serai également contente quand ils rentreront chez eux...;-)
Ces quelques changements dans le quotidien nous permettent d'apprécier le quotidien justement.
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