samedi 6 août 2016

Le coup de la panne (première partie)



Darling devait prendre le train à 17h dans une grande ville à une centaine de kilomètres d’ici. Nous avions donc décidé de partir le matin, de déjeuner avec lui en ville, et de rentrer en début d’après-midi après l’avoir déposé à la gare, pour pouvoir jouer dans la piscine avant le dîner : la journée promettait d’être terriblement chaude.

Las, à l’approche de la ville, j’ai cru voir une petite fumée blanche dans le rétroviseur. Une fumée qui nous suivait.
— Arrête-toi à la prochaine station-service pour vérifier, a dit Darling.
Arrêt. Vérification. La porte du coffre est toute grasse. Nous hélons un pompiste qui passe par là. Il jette un rapide coup d’œil et décrète :
— À mon avis, vous avez une petite fuite de diésel.
— Ah, diable ! C’est dangereux ?
— Non, le diésel n’est pas inflammable. Mais il vaudrait mieux aller tout de suite voir un garagiste.
— C’est une voiture de location…
— Tant mieux pour vous ! Vous les appelez, et ils vont vous la remplacer tout de suite.

Plutôt qu’attendre la dépanneuse dans une station-service, nous reprenons la route à petite vitesse vers IKEA. L’endroit idéal pour patienter une heure ou deux. Pendant ce temps, Darling essaie de téléphoner à Avis Assistance. Sauf que le numéro inscrit sur la clef de contact est un numéro en 0800, donc utilisable uniquement en France. On envoie un texto à une amie, qui nous donne le numéro de l’agence qui nous a loué le véhicule. On l’appelle. Elle nous donne le numéro… d’Avis Assistance, en 0800. Nous lui réexpliquons le problème. Elle comprend, elle va nous rappeler. Ce qu’elle fait quelques minutes plus tard. Darling attrape le téléphone et décroche avec une telle hâte qu’il l’envoie voler à travers l’habitacle ; il pousse un juron sonore, récupère l’appareil, le place à l’envers contre son oreille, jure de nouveau, le remet à l’endroit, et finit par dire :
— Excusez-moi, madame ! Que puis-je faire pour vous ? Heu, je veux dire, que pouvez-vous faire pour moi ?
La dame lui annonce qu’elle a contacté Europe Assistance en Italie et qu’ils vont nous rappeler « sous peu ». Bon.
À ce stade, il est 11h du matin.

On arrive à IKEA. On colle les trois petits à Småland, l’aire de jeux des petits : il y a une animatrice parle français, et puis pas besoin de causer pour jouer à la piscine à boules. Darling, le Grand et moi faisons tranquillement le tour de l’étage supérieur, celui des meubles, où nous n’avons besoin de rien. Puis celui de l’étage en-dessous, où nous ramassons quelques bricoles : une cruche, un oreiller, une planche à découper, des ampoules, etc. Enfin, mon téléphone sonne. Il est 13h. Heureusement que nous ne sommes pas restés dans la station-service.
— Bonjour, on vous envoie une dépanneuse d’ici une demi-heure.

Comme je sais qu’ici, une demi-heure peut faire facilement cinquante minutes, nous terminons nos achats, nous payons, nous récupérons les enfants et nous allons à la cantoche. Je suis dans la queue quand le téléphone sonne. Il est 13h45, j’ai presque gagné. Je laisse Darling avec les enfants et je me précipite dehors. En faisant au pas de course tout le tour de l’étage libre-service, puisque dans un IKEA, il est impossible de sortir par l’entrée. Deux fois, puisque la première fois, j’avais oublié la clef de la voiture. Il fait 36°. J’arrive enfin sur le parking extérieur, échevelée, rouge comme une tomate, et je tends la clef sans un mot au monsieur, puis je m’assieds pour engloutir un litre d’eau et éponger un litre de sueur pendant qu’il fait vrombir le moteur. Il redescend, et m’annonce :
— Elle a une petite fuite, en effet. Je ne peux pas la réparer ici : je vais l’emporter.
Moi, effarée :
— Hein ? Vous voulez me laisser ici, sans véhicule, avec un mari qui doit prendre le train dans un peu plus de deux heures, quatre enfants, et trois rehausseurs à dossiers ?
— Ça vous ennuie ?
— Heu… oui.
— Bon, alors vous n’avez qu’à aller vous-même jusqu’au garage Machin, où j’allais l’emmener. Elle peut rouler jusque-là, mais n’allez pas trop vite. Si ça se trouve, on pourra vous la réparer sur place.

Je remonte dans la cantoche, retrouve ma petite famille qui a fini son repas, avale à mon tour du saumon et des boulettes, et nous voilà repartis. Plutôt que d’aller au garage, je décide d’aller d’abord déposer Darling à la gare, et voir à l’agence Avis près de ladite gare si je peux échanger la voiture. On trouve l’agence, on trouve une place, on trouve un parcmètre, on trouve la force de porter le Filou qui n’en peut plus de chaleur et de fatigue, mais…
— Ah non, désolé, je ne peux pas vous donner une autre voiture. De toute façon, je n’ai plus de voitures à sept places. Non, je ne peux pas vous donner une cinq places non plus. Non, je ne peux pas regarder où il y en a une de disponible. Non, je ne peux pas vous en faire envoyer une chez vous. Non, je ne peux pas vous aider.

Il est 16h. Nous laissons Darling à la gare, et nous nous dirigeons vers le garage Machin indiqué par Europe Assistance. La mort dans l’âme, je me prépare mentalement à attendre une heure ou deux pendant qu’un mécanicien examine la bagnole et que les enfants chahutent ou pleurnichent. J’ai tort. Le verdict prend exactement une minute :
— Désolé, je ne fais pas les Nissan.
— Hein ? Mais on nous a dit de venir ici !
— Je ne fais pas les Nissan.
— Mais vous vous y connaissez sans doute mieux que moi, donc est-ce que ne pourriez pas au moins jeter un coup d’œil pour me dire…
— Non. Je ne fais pas les Nissan, je vous dis !
— Mais où devons-nous aller, maintenant ?
— Aucune idée. Au revoir. Vous pouvez faire demi-tour là-bas.

J’en ai marre. Vraiment, vraiment marre. En plus, je n'ai presque plus de batterie sur mon portable. Allez, on rentre. On appellera une dépanneuse une fois à la maison. Au pire, on se passera de voiture pendant vingt-quatre heures : pas grave, je viens de faire le plein au supermarché.
Sauf que nous nous sommes à peine engagés sur l’autoroute quand tous les voyants du tableau de bord se mettent à clignoter. Au centre, un gros triangle menaçant m’intime de m’arrêter.
— Si on tombe en panne sur l’autoroute, on risque de se faire percuter ! panique le Grand. On est morts !
— Mais non. Au pire, on devra attendre une heure ou deux sur la bande d’arrêt d’urgence, sous un soleil de plomb, avec les trois petits épuisés, et des gourdes vides… OK, tu as raison, on est morts.

Plus qu’une solution : aller nous réfugier chez une amie à moi qui habite dans cette ville. Pendant que je sors de l’autoroute et que je rebrousse tout doucement chemin en direction du centre-ville, le Grand l’appelle, lui explique le problème, lui annonce notre arrivée. Les voyants clignotent de plus belle et veulent absolument que je m’arrête. Je désobéis. Plus que cinq kilomètres… Plus que trois… On est en ville, au pire on prendra le métro… Plus que quelques centaines de mètres… On y est ! Et on trouve même une place pas très loin. Et un parcmètre du premier coup.
On monte chez mon amie, on avale quelques litres d’eau, on se rafraîchit vaguement, on prend un petit goûter, et j’appelle de nouveau Europe Assistance.
— Pas de problème, on vous envoie une autre dépanneuse.
J’ai oublié de demander s’ils comptaient emmener la voiture au garage Machin.
Au bout de vingt minutes à peine, voilà la dépanneuse. J’ai à peine eu le temps de vider la bagnole. L’homme jette un seul coup d’œil à la voiture, constate qu’on peut la suivre à la trace en suivant les gouttes de diésel dans la rue, et embarque l’engin, en me laissant sur le trottoir avec un sac plein de bricoles IKEA et trois énormes rehausseurs avec dossiers.
Il est 18h20.
Bien. Et maintenant ?


(A suivre)

(Et croyez-moi, le pire reste à venir) (si si, vous verrez)

5 commentaires:

  1. la suite, la suite, la suite !!!

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  2. Enjoy !! Tu aurais pu te trouver dans une ville sans copine qui y habite :-) Ok, je sors...

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  3. Oui c'est tjrs mieux avec copine que sans mais franchement y a qu'a toi que ça arrive des trucs pareils!!

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  4. Oh my God !
    Je ne vois pas que dire d'autre ! Les marmots, les sacs, les rehausseurs... J'attends la suite.
    Signé : une qui est tombée en panne sur l'autoroute avec des twins de 5 ans...

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  5. Mon Dieu! Pire???
    Signé: celle qui attend qu'un garagiste finisse par trouver la panne sur son véhicule pour enfin en vacances.

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