Lors de ma dernière intervention dans une école, les enfants m'ont demandé, comme toujours, quel était mon livre préféré dans la littérature jeunesse. En citer un seul est bien sûr presque impossible, et je sais aussi que je dois choisir des réponses qui leur diront quelque chose, sous peine de les décevoir. Par expérience, je sais qu'il est inutile de leur parler de Ronya fille de brigand, sauf à leur dire qu'Astrid Lindgren, cette auteure dont ils ne connaissent absolument pas le nom, a également écrit Fifi Brindacier. De même, citer Pollyanna, Papa Longues-Jambes, ou Treize à la douzaine risque fort de n'avoir aucun écho. Pour Fantômette, c'est déjà un peu mieux : ils savent de qui ils s'agit, au moins. Avec Harry Potter, je ne prends aucun risque, bien sûr, même s'ils ne l'ont pas forcément lu en CM1 ou CM2. Pareil pour Le petit prince. Et puis il y a Mon bel oranger, que plusieurs ont aussi des chances de connaître, tout simplement parce que ce roman fait encore partie des listes de l'Education Nationale.
Mon bel oranger, donc. Un roman que j'ai lu, lu, lu, lu et relu quand j'étais petite. Paru en 1968 au Brésil, c'est l'histoire à peu près autobiographique de l'auteur, José Mauro de Vasconcelos, surnommé "Zézé" dans le livre. A cinq ans, ce gamin d'une maturité étonnante a une ribambelle de frères et sœurs, une mère débordée, un père violent, et vit dans la pauvreté. Abandonné à lui-même, il fait des bêtises. Et il se fait rosser. Heureusement, il a deux amis. D'abord, un petit oranger, un arbre auquel il raconte sa vie, et qui "bavarde" avec lui. Ensuite, un homme d'un certain âge qu'il commence par détester, mais avec lequel une grande affection réciproque finit par se nouer. Et puis voilà que l'homme se fait tuer dans un accident de voiture, et que face à ce drame, l'oranger perd son pouvoir magique. Zézé tombe gravement malade, espère qu'il va mourir. Il découvre à cette occasion combien il y a de gens qui l'aiment. Mais c'est le cœur en miettes qu'il repart à l'assaut de sa vie.
C'est encore le cœur en miettes, vers 10 ou 12 ans, qu'on le retrouve dans la suite, Allons réveiller le soleil, même ses conditions physiques se sont nettement améliorées : il a été adopté par un oncle et vit dans l'aisance, et plus personne ne le bat. Néanmoins, il reste terriblement seul, avec garde le diable au corps, même s'il prend soin de le cacher. Cette fois, l'ami imaginaire qui viendra le soutenir n'est pas une plante, mais un animal : un crapaud qui vit dans sa poitrine. Et puis il y a aussi un professeur particulièrement compréhensif, et la bonne de la famille, et la fille des voisins... et un père imaginaire : Maurice Chevalier, qui vient régulièrement lui rendre visite. Hélas, c'est inéluctable : quand on grandit, les amis imaginaires finissent toujours par partir...
Je ne vais pas vous mentir, ces deux romans sont tristes. Je veux dire, TRISTES. Je suis incapable de les relire sans sangloter. Il faut avouer que ce thème des amis ou aventures imaginaires auxquels il faut renoncer, sorte de symbole du deuil de l'enfance, ou parfois parabole du chagrin que l'on ressent quand on referme un beau livre, me touche particulièrement (il faudra que je vous parle d'Emilie Jolie, un jour...). Et même si on n'est moins sensible à ce thème, Mon bel oranger reste déchirant, car les raclées, la misère et l'accident de voiture sont bien réels. Et Zézé est un enfant si attachant que c'est terrible de traverser ces moments à ses côtés.
A ne pas mettre entre toutes les mains, donc. Je me garderai bien de le proposer au Grand, qui n'aime pas les livres émouvants, par exemple. On peut pourtant en apprécier l'humour, et le charme des situations, et aussi ces quelques tranches d'une vie qu'on n'imagine pas, dans un autre pays, à une autre époque : un autre monde. Ceux qui n'ont pas peur de sortir leurs mouchoirs, de tristesse ou d'émotion, l'apprécieront encore plus. Pour moi, c'est un des plus beaux romans qui soit, tout simplement.
J'ajoute que le roman a été adapté au cinéma en 2012, mais fidèle à mon habitude, je me suis bien gardée de voir le film. Les critiques ne sont pas mauvaises, c'est tout ce que j'en sais.
Salut! Je voulais commenter sur ton billet anniversaire, car je suis une lectrice de l'ombre, mais le temps m'a manqué. Et aujourd'hui tu parles d'un livre qui m'a marqué tellement quand je l'ai lu ! Je l'ai lu au collège, il y a 16-17 ans. Je l'ai trouvé aussi terriblement touchant et ai beaucoup pleuré aussi... Je n'ai par contre, pas (encore?) lu la suite. Il est toujours dans ma bibliothèque, malgré mes nbx déménagements et purges de livres.
RépondreSupprimerJe te lis parce que j'aime comme tu parles de ton métier et de tes enfants :)
Bises d'Allemagne,
Mellepompons
Tu peux lire la suite sans crainte ; l'atmosphère est différente, forcément, mais c'est aussi très émouvant. Et c'est toujours basé sur son histoire personnelle.
RépondreSupprimer(C'est drôle : au lieu de "Mellepompons", j'ai d'abord lu "Mille pompons", le juron favori de Fantômette...)
Mon bel oranger, le livre qui m'a fait découvrir le plaisir de lire lorsque j'étais au collège.
RépondreSupprimerJe ne savais pas qu'il y avait une suite.
Merci pour la découverte Fofo !