lundi 9 mai 2016

Les petites reines

Vous le savez : je ne suis pas seulement traductrice, je suis aussi lectrice. Ce qui signifie, pour les non-initiés, que je reçois des romans publiés dans une des langues que je traduis, et que je dois faire une fiche de lecture pour permettre à l'éditeur de décider si ça vaut le coup ou non de faire traduire ce roman en français. Je passe donc une partie de mon temps de travail à lire des romans jeunesse, en plus d'en traduire.

Du coup, il est devenu relativement rare que je lise des romans jeunesse "pour le plaisir", et encore plus rare que ce soit des romans français. Mais ça arrive. Quand j'ai vu que Les petites reines, de Clémentine Beauvais, paru chez Sarbacane, avait remporté le prix Sorcière, un des prix français les plus prestigieux pour la littérature jeunesse, j'ai noté ce titre dans un coin de ma mémoire. Mais c'est lorsque  Télérama y a consacré une demi-page que je me suis dit qu'il fallait vraiment que je le lise.

Et bon sang, que je suis contente de l'avoir fait ! L'histoire, en deux mots : trois filles entre 12 et 15 ans sont élus "boudins" de leur lycée sur Facebook, pour cause d'obésité, strabisme, et j'en passe. Oui : en un mot, elles sont moches. Ce malheur commun les amène à faire connaissance, et à découvrir qu'elles ont toutes les trois une bonne raison de vouloir aller à la capitale le 14 juillet pour "crasher" la fête de l’Élysée. Oui, mais comment aller de Bourg-en-Bresse à Paris ? Eh bien, en vélo, par exemple. Et comment financer leur voyage ? Disons... en vendant des boudins, tiens ! Et ni une ni deux, les voilà parties, accompagnées par le grand frère de l'une d'elle, amputé des deux jambes...

Soyons clair, ce roman n'est pas un hymne aux beautés du vélo, et ce n'est pas pour cela que je l'ai lu. A part dans un très court paragraphe au tout début, l'auteure n'évoque jamais l'intérêt ou la beauté de ce moyen de transport. Ce n'est pas non plus un roman sur les méfaits du cyber-harcèlement, ni un pamphlet féministe qui clame que la-vraie-beauté-est-intérieure, ni un roman sur la filiation (la narratrice ne connaît pas son géniteur) ; certes, ces thèmes sont effleurés, mais avec une très grande légèreté. Le gros atout du roman, c'est son style. Et surtout, son humour.

Car c'est amusant, c'est drôle, c'est hilarant ! Franchement, cela faisait longtemps que je n'avais pas autant ri en lisant un roman. La narratrice est un sacré caractère, une tête de mule qui n'a pas la langue dans sa poche (c'est le moins que l'on puisse dire), qui se moque de tout, y compris d'elle-même, et a qui il ne faut pas essayer de faire prendre des vessies pour des lanternes. Elle renvoie tout le monde dans ses cordes, y compris le lecteur, et on en redemande ! Et comme le style ne suffit pas, le roman a aussi d'autres qualités : les personnages, y compris très secondaires, sont merveilleux (ah, la copine du crétin qui a organisé le concours de boudins !), la fin est parfaite (je redoutais une fin trop naïve, et par-dessus tout – même si, au fil de ma lecture, j'ai vite compris que l'auteure était bien trop maligne pour en arriver là – la transformation des trois vilains canards en cygnes...), et l'histoire retient notre attention jusqu'au bout.

Bref, mon seul regret, c'est que Les petites reines ait été écrit en français, parce que je l'aurais volontiers traduit...

6 commentaires:

  1. Poussée par la curiosité, je suis allée fouiller sur le net, et je vous mets les liens de deux fichiers youtube dans lesquels l'auteur s'exprime, je suis sous le charme : https://www.youtube.com/watch?v=4XlRKkKJATg, et https://www.youtube.com/watch?v=6UOnJpoKQnE.
    Je sens que ça va faire des cadeaux à des neveux / petite cousine, tout ça, merci Fofo !

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    1. J'ai commenté trop vite, il faut lire aussi son site, son blog etc. ! http://www.clementinebeauvais.com/fr/articles/
      (bon, c'est pas le tout, mais j'ai du boulot, moi...)

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  2. Ah je l'avais repéré, ce titre ! Ta critique ne fait que conforter mon envie de le lire.
    Ça faisait plusieurs jours que je n'étais pas passée sur ton blog (depuis le billet sur tes vacances à Nantes). Je me joins aux autres commentaires élogieux : ne change rien, continue, je te lis régulièrement avec grand plaisir, j'adore ta façon de voir la vie et de la raconter. J'ai beaucoup ri en lisant ta recette du pavlova, merci !

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  3. Je peux l'offrir à ma filleule qui est en sixième ?

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    1. Si elle est bonne lectrice, pourquoi pas ? Mais la narratrice est en troisième, et il y a pas mal de plaisanteries qui nécessitent une bonne culture générale. Mon Grand est en quatrième, et je pense qu'il est vraiment dans la bonne tranche d'âge.

      Pour une fille de sixième, dans le genre roman français et récent et réjouissant, je recommande De cape et de mots ; je vais peut-être aussi en parler sur ce blog un de ces jours.

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