(Avertissement : je n'avais pas du tout l'intention de raconter mon voyage par le menu quand j'ai commencé à écrire ce texte, et puis mes doigts ont couru tout seul sur le clavier, et maintenant je suis au café pour mes vingts minutes de wi-fi quotidiennes, et je ne peux pas rester trop longtemps pour le prix d'un simple cappuccino, donc je n'ai pas le temps de tout réécrire, donc je poste le billet tel quel, mais je me demande s'il est vraiment intéressant ?) (#doutesexistentielsdedernièreminute) (c'est nul comme hashtag, une fois qu'on l'a écrit il ne reste pas assez de caractères pour quoi que ce soit d'autre) (oui, je viens de découvrir Twitter suite à une formation, vous vous rappelez ?)
(Et maintenant je me demande si je ne ferais pas mieux d'effacer l'avertissement, parce que se demander si quelque chose est ennuyeux est sans doute le meilleur moyen que tout le monde le trouve ennuyeux, non ?) (je ne sais pas ce qui me prend, désolée) (mais que mettent-ils dans leur cappuccino, ici ?)
Dimanche matin, à 4h45, le réveil a sonné. Je me suis levée, j’ai pris une douche rapide, rempli une thermos de thé, fermé mes bagages. Je suis sortie de la maison et j’ai marché dans la lumière de l’aube jusqu’au RER. Je suis arrivé à la gare vingt-cinq minutes avant le départ du train ; je me suis installée à ma place, j’ai roulé mon manteau en boule pour me faire un oreiller, et puis je me suis dit que ce n’était pas la peine d’essayer de dormir alors que le train ne roulait pas encore et que les gens n’arrêtaient pas d’aller et venir, donc j’ai sorti ma liseuse pour lire pendant le quart d’heure qui me restait. Cela tombait bien, j’avais un nouveau roman en stock dont je savais qu’il me plairait.
Il m’a plu. Beaucoup.
Du coup, quand je suis arrivé à
destination, six heures plus tard, je n’avais pas dormi une seule minute.
C’est malin.
Je suis descendue de mon train à
midi et quart, et je me suis dirigée d’un pas assuré vers le métro. À la caisse
automatique, j’ai appuyé sur les boutons sans la moindre hésitation, et puis
j’ai mis ma carte Visa dans la fente.
Transaction refusée.
Qu’à cela ne tienne : j’ai
réessayé avec une autre carte, comme dans les films américains.
Transaction refusée.
Pourtant, pour la première fois
depuis longtemps, je suis certaine de ne pas être à découvert. Le terminal
devait avoir un problème avec les cartes. Et je n’avais pas de liquide.
Pas grave, me suis-je dit, je
vais aller retirer de l’argent au premier distributeur venu : il y en a
toujours cinq ou six, dans les gares.
J’avais oublié que je n’étais
plus en France, voyez-vous.
Il m’a fallu vingt minutes pour
trouver un distributeur, à un bon kilomètre de la gare, après avoir interrogé
deux passants et trois barmans.
J’aurais plus vite fait d’aller à
pied, tiens.
Une fois mon ticket de métro
acheté, je me rends chez cette amie qui a l’immense gentillesse de me prêter sa
voiture à chaque fois que je viens, vu que mon bled n’est pas accessible en
transports en commun, en tous cas pas le dimanche. Nous déjeunons, nous
papotons longuement, nous allons prendre un capuccino, et puis je prends la
voiture et je me mets en route sous la pluie battante, parce qu’ici aussi, le
printemps a été pourri, et l’est encore. Comme il n’y a pas de musique dans cette
vieille auto, je chante à tue-tête tout le long du chemin, ça me tient
éveillée.
A 16h30, j’arrive enfin. À ce
stade, cela fait douze heures que je suis levée, après une nuit bien trop
courte ; je commence à ressentir la fatigue. Je fais le tour de la maison,
j’ouvre tous les volets, j’allume l’eau, le gaz, le frigidaire, je mets en
route la machine à pain (il n’y a aucune bonne boulangerie, ici, donc j’ai pris
l’habitude de faire du pain dès mon arrivée pour en avoir le lendemain matin au
petit-déj), j’appelle Darling, et ma mère, et mon père adoptif pour qu’ils
sachent que je suis bien arrivée, et puis je me dis que là, vraiment, ce n’est
plus possible, qu’il faut faire quelque chose, que je ne peux pas continuer
comme ça, qu’aux grands maux les grands remèdes, et je balaie la poussière accumulée depuis l’été dernier. Si, je vous
jure. Mais ne le dites pas à Darling, c’est SON balais (il y a deux ans, le
Filou piquait une crise à chaque fois que quelqu’un osait toucher au balais ou
à la bouteille de vin : « c’est à papa, ça ! »).
Et puis, comme j’ai tout de même
un petit coup de barre, je fais une pause : je me prépare un thé et je
mange quelques biscuits en terminant mon roman. Vraiment très bien, ce roman.
Je m’en doutais, car j’avais déjà lu les deux premiers tomes, et j’ai eu un mal
fou à obtenir le troisième, qui n’est pas disponible en Europe (pas même la
version électronique : ça arrive parfois, quand l’éditeur n’a les droits qu’aux
États-Unis, par exemple, parce que l’auteur espère vendre les droits à un
éditeur britannique). J’ai dû faire croire à l’agent qu’un éditeur français
était intéressé par les deux premiers et demander qu’on m’envoie le troisième
« pour achever de le convaincre ». Je me demande déjà comment je vais
faire pour le quatrième volume, qui sortira sans doute dans quelques mois :
je doute que mon truc fonctionne encore une fois…
À 18h, comme je culpabilise de ne
pas avoir travaillé de la journée, je sors mon ordinateur et je m’y mets, en me
promettant d’y rester jusqu’à 21h et de me coucher à 22h au plus tard, pour
rattraper un peu mon sommeil en retard. Et je tiens bon. Mes yeux menacent
parfois de se fermer, mais je m’obstine. Je termine la traduction de mon
chapitre à 21h05, d’après la grosse horloge qui tictaque dans le salon.
J’enregistre mon fichier, et je fais une copie sur une clef USB. C’est là que
je remarque un truc étrange : l’ordinateur prétend que l’enregistrement
date du 29 mai à 22h06. Comment est-il possible que cet ordinateur avance d’une
heure ? Ou alors…
Quand est-ce que je suis venue
ici pour la dernière fois, déjà ?
Avant le passage à l’heure d’été.
D’accord.
Dîner rapide.
Lavage de dents.
Dodo.
Est-ce qu'il y a des cerises?
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