mercredi 31 août 2016

Nouveautés de la rentrée

Une nouvelle année scolaire.

Deux nouveaux cartables pour les Things. L'un rouge et bleu, l'autre tout bleu ; ce dernier est celui de Miss Thing One, et c'est elle qui l'a choisi.

Une nouvelle école pour les Things, aussi. Miss Thing One compte les jours depuis notre retour, et tous les matins, elle me dit qu'il n'y a plus que X jours avant le CP. Son jumeau est nettement moins enthousiaste, mais lui aussi a hâte d'apprendre à lire.

Une nouvelle étape pour le Grand : le début de la dernière année du collège, et de l'année du brevet. Cela ne l'angoisse pas particulièrement.

Une nouvelle pièce pour le Filou : nous avons démoli une grosse partie du placard qui l'encombrait, et pour la première fois de sa vie, il a une vraie chambre, avec la place d'y mettre un vrai lit et une vraie commode, et même de jouer. Toute cette place (6 ou 7 m²) l'angoisse d'ailleurs un peu, et ces dernières nuits, il m'a appelée plusieurs fois parce qu'il avait peur.

Un nouveau lit pour Miss Thing One. Elle tenait encore dans son lit "junior" de 160 cm de long, mais cela n'allait pas durer très longtemps, et j'ai vu passer un lit d'occasion, en métal blanc, à un prix plus que correct... Autant dire qu'elle était ravie.

Une nouvelle rentrée pour Darling. Dans une librairie en grande partie universitaire, ce n'est pas de tout repos. Comme chaque année, il est crevé avant même le début du mois de septembre. On prépare déjà les vacances de la Toussaint, mais d'ici-là, ce sera rude.

Un nouvel immeuble juste à côté de ma maison. Le jardin sera désormais majoritairement à l'ombre, même en plein été. Mes chances de faire un jour pousser des tomates correctes, qui n'étaient déjà pas bien grandes, se réduisent à néant. Tant pis. Le jardinage n'est pas ma passion. Et en fait, je pense que ne resterons dans cette maison que le temps que les enfants grandissent.

Un nouvel automne avec un programme bien chargé pour moi. Si tout se déroule comme prévu, je ne devrais jamais passer plus de trois semaines sans faire un voyage pour une raison ou une autre, ou sans recevoir des amis. Plus que trois semaines et deux jours avant ma prochaine escapade. Moi aussi, je compte les jours.

Une nouvelle traduction. Certes, ça arrive plusieurs fois par an, mais c'est toujours agréable. Un nouveau projet, un nouveau ton à trouver, une nouvelle histoire. Et cet été, pour la première fois depuis des années, je n'ai pas du tout travaillé (hors relecture d'épreuves et fiches de lecture) (bon d'accord, j'ai travaillé, mais je n'ai pas traduit, quoi). Donc j'ai vraiment hâte de m'y mettre. J'aime réellement mon métier.

Allez, on y va. Bonne rentrée à tous !



mardi 30 août 2016

Paris en touristes (et en voiture)

(On ne parle plus que de voitures, sur ce blog) (va falloir le rebaptiser)

Ce matin, désespoir : il pleut. Le Grand est chez un copain, Darling va travailler, et je vais me retrouver seule avec les trois petits qui font sans cesse des bêtises, sans doute parce qu'ils s'ennuient. Il faut les emmener quelque part, mais où ? J'ai la flemme d'affronter un musée sans un autre accompagnateur de plus de douze ans...

Et puis soudain, idée géniale. Hier, j'ai rapatrié chez moi la voiture de mon père adoptif, qui ne peut pas conduire pendant quelques semaines. J'ai installé Darling et enfants à l'intérieur, et nous sommes partis. Nous avons commencé par déposer Darling à son travail, et puis nous avons joué aux touristes motorisés. Les trois petits, que j'emmène souvent visiter Paris, mais toujours à pied, donc par petits bouts, ont révisé les principaux monuments. J'étais assez fière d'eux, car ils ont presque tout reconnu.

Nous avons donc vu Notre-Dame ("Avec les gargouilles en haut"), et puis le Panthéon ("Il est rond en haut, ça ressemble à ton Martre !") et puis les quais ("Et y a les boîtes vertes et quand on les ouvres, dedans y a des livres"), et puis la Conciergerie ("Ah oui, je me rappelle, c'était là qu'il y avait une reine, on lui a coupé la tête !") et puis la tour Saint-Jacques ("Mais pourquoi elle est pas pointue ?"), et puis le Louvre ("Il est super looooong !"), et puis la rue de Rivoli ("Avec des arches, euh, des arcades, comme à Turin !"), et puis la place de la Concorde, et puis les Champs-Elysées ("Mais pourquoi tu dis que c'est une rue très connue ? Elle est pas si jolie que ça !"), et puis le Grand Palais ("Mais ça se casse pas, un toit en verre ?"), et puis l'Arc-de-Triomphe ("De loin, on dirait un petit pont"), et puis la place de l’Étoile ("En fait c'est plus comme un soleil, avec des rayons"), et puis la Tour Eiffel ("On peut monter dessus ? Tout de suite ?"), et puis le musée d'Orsay, et puis Bercy ("L'herbe est jaune, comme dans notre jardin !"), et puis la Grande Bibliothèque ("Mais pourquoi ils ont fait la forme de quatre livres ouverts ? Du coup, quand on veut aller d'une pièce à une autre, faut passer par dehors !"), et puis la Cité de la Mode et du Design ("J'aimerais bien aller dans ce grand toboggan vert !"), et de retour à la maison, on a retracé tout le trajet sur une grande carte de Paris.

Franchement, c'était très chouette. Personne n'a râlé, personne ne s'est ennuyé, personne ne s'est endormi, et je pense que les enfants en garderont un bon souvenir. J'espère même que ça les a aidé à recoller quelques morceaux du puzzle parisien.

N'empêche, j'ai un peu de mal à digérer l'idée qu'aujourd'hui, j'ai emmené mes enfants faire une promenade en voiture...

samedi 27 août 2016

Le coup de la panne (quatrième partie)

... et avant-dernière, j'espère. Les épisodes précédents sont ici, ici et .

Donc, hier, retour en région parisienne, après une première étape pour rentrer en France. Environ 600 derniers kilomètres à avaler, avec cette voiture étrangère que j'ai eue en remplacement de celle louée à l'origine. Pas de GPS : j'utilise une bonne vieille carte en papier. Ce qui m'ennuie plus, c'est que l'autoradio ne lit pas mon MP3, et je n'ai donc qu'un nombre réduit de chansons à disposition pour éviter de m'endormir ou occuper les enfants, mais on va dire que c'est un moindre mal.

Les autoroutes surchargées se succèdent et se ressemblent, et puis tout à coup, peu après Lyon, un voyant s'allume brusquement en orange et se met à clignoter, accompagné d'un "bip" néfaste.

Panique.

Je m'arrête à la première station service venue, et je vais demander au monsieur derrière la caisse s'il peut m'aider sivouplé sivouplé sivouplé. Il est très ennuyé pour moi, mais il n'a pas le droit de toucher ma voiture. Il prend tout de même le temps de me conseiller de consulter le mode d'emploi. Miracle, je le trouve dans la boîte à gants, et après quelques recherches, je découvre que ma voiture va bientôt refuser de démarrer parce qu'elle manque d'AdBlue.
De quoi ?

Je retourne voir le pompiste, qui s'y connaît mieux que moi :
— Ah oui, c'est un liquide censé réduire la pollution. Ça concerne surtout les poids-lourds, mais quelques voitures modernes en ont aussi. On en vend, mais en grosse quantité, par bidon de cinq litres, et c'est cher...
— ... et surtout, je ne sais même pas où est le réservoir ! Je n'ai jamais ouvert le capot d'une voiture ! Si j'en achète, est-ce que quelqu'un peut m'aider ?
— Non, je suis vraiment désolée, mais nous n'avons pas le droit... C'est une voiture de location ?
— Oui, Avis.
— Vous devriez appeler Avis assistance.
— Heu... Merci, mais non merci.

Du coup je suis repartie comme ça, avec mon voyant orange qui clignotait. La voiture signalait qu'elle allait couper le moteur dans 1000 kilomètres si on ne la biberonnait pas en AdBlue, mais je n'en avais plus que 300 et quelques à faire. De fait, je suis arrivée à Paris sans encombre.

Mais cet incident m'a permis de comprendre enfin ce que signifiait cette inscription qui s'affichait sur l'écran depuis le début de ma location : "Auton. AdBlue limit.". Autonomie AdBlue limitée. En remplacement de ma voiture en panne, on m'a refilé une voiture qui allait bientôt l'être. Si j'avais fait 700 kilomètres de plus avec, je me serais retrouvée dans la même situation que trois semaines plus tôt : sur le bord de la route avec quatre enfants, trois rehausseurs, des bagages, et un véhicule qui ne peut plus avancer.
Je préfère ne pas commenter.

Bref, nous sommes arrivés à la maison. Quand tous les bagages et les enfants et les sièges ont été déchargés, je suis allée rendre la voiture, avec un certain soulagement. A ma grande surprise, j'ai été accueillie plutôt fraîchement par l'employée de l'agence de location.
— Ah, Madame Fofo ! Alors, qu'est-ce qui s'est passé cet été ? Pourquoi avez-vous changé deux fois de voiture ? Vous avez eu des accrochages ? Ou quelque chose ne vous plaisait pas ?
— Ne me dites pas que vous n'êtes pas au courant ! Personne ne vous a informée ?
— De quoi ?
— J'ai eu un gros problème avec la première voiture. Une fuite de carburant. J'ai dû en changer.
— Ah bon ? Pourtant, ça ne devait pas être un problème si grave, puisqu'elle a été relouée deux jours plus tard.
HEIN ?
—  Ce n'est pas possible. Vous devez vous tromper. On m'a dit qu'elle était foutue ! Pour reprendre les propres mots de la personne que j'ai eu au téléphone, on m'a dit qu'elle était "morte" !
— Ah non, regardez sur mon écran. Elle a été relouée immédiatement. Enfin, elle a pu être réparée en deux jours, j'imagine.  Elle va rentrer sur Bézier demain soir, regardez.
— Mais... mais... mais... mais alors pourquoi m'a-t-on dit qu'elle était morte ? J'aurais préféré la récupérer plutôt qu'en prendre une autre, moi ! J'aurais eu le GPS, au moins ! Et ma musique !
— Ah, je ne sais pas. Ils ont dû chercher quelqu'un qui rentrait en France...
— ... ce qui était mon cas, bien sûr...
— ... car ils ne l'ont pas relouée dans la même agence que celle où vous l'avez déposée. Elle a été d'abord transférée dans une autre agence, à environ 100 km de là.

Ce n'est pas une blague.
Elle a été transférée. A 100 km de l'agence de l'aéroport.
Et moi, on m'a refusé non seulement de m'apporter une voiture dans une agence plus proche de chez moi, mais même de la transférer depuis l'aéroport vers le centre-ville.
Franchement, les mots me manquent.

Un dernier petit détail pour la route ? Quand j'ai réglé la location (le prix total, bien sûr) ("Ah ben si, vous devez tout payer, même les jours où vous n'aviez pas de voiture ou une voiture plus petite ; vous pourrez toujours négocier ensuite avec le service client, si vous voulez"), l'employée a poussé un grand soupir devant son ordinateur. Je me suis inquiétée :
— Qu'y a-t-il ? Un autre problème ?
— Non, enfin si, mais rien de grave pour vous... Je ne peux pas calculer le kilométrage effectué, parce que je viens de relever le compteur à 14.850 kilomètres, mais à l'agence de l'aéroport, ils ont indiqué un kilométrage de départ à 15.200 kilomètres...
— Comme si j'avais fait 350 km en marche arrière ?
— C'est ça. Tant pis, je vais mettre que vous avez parcouru un seul kilomètre.
— Au moins, pour une fois, j'y gagne !
— Heu, non : il y avait 1500 kilomètres inclus dans le prix de la location.



Voilà. C'est tout pour cette fois. A présent, ne reste plus qu'à écrire une loooongue lettre au service client, et attendre la réponse. Je vous tiendrai au courant...

jeudi 25 août 2016

Dernière étape

Retour, avec halte de deux nuits chez ma mère. Derniers repas en terrasse, dernière excursion, dernières centaines de kilomètres avalées par la bagnole. Les Things ont un peu du mal à faire la part géographique des choses :
- Oh, maman ! J'ai entendu une dame qui parlait français ! m'a dit Miss Thing One, stupéfaite, à la première halte sur une aire d'autoroute près de Grenoble.
- On peut manger du comté, maintenant ? a réclamé Mr Thing Two, que j'ai visiblement traumatisé par mes râleries répétées sur l'impossibilité de trouver où que ce soit cet ingrédient phare de notre alimentation.

Aujourd'hui, une randonnée magnifique dans la montagne, avec pique-nique près d'un lac. Demain matin, départ aux aurores (enfin, disons à sept heures). Chacun se réjouit de retrouver une connexion internet, un papa, le chat, une grande ville, des copains, du thé correct, des feuilles de brouillon en quantité illimitée, et du comté, donc (je vous laisse attribuer les différentes priorités aux différents membres de la famille).

Allez, c'est parti pour la dernière étape !


PS : Nous n'étions pas du tout dans la zone touchée par le tremblement de terre. Merci à ceux qui se sont inquiétés pour nous.

mardi 23 août 2016

Histoire d'eau

13h30. Juste au moment de passer à table, coupure d'eau. Il fait encore 32°C (à l'ombre). Je m'affole, et me précipite chez la voisine.
— Ah oui, chez moi aussi, me dit-elle. Ça arrive de temps en temps.
— Mais... en général, ça dure longtemps ?
— Oh, non, ne t'inquiète pas. Quatre ou cinq heures... D'ici cette nuit, ça devrait être réparé.
— HEIN ? Cette nuit ?
— Oui, je sais bien que ça va être pénible pour vous, avec les petits... Il y a combien d'enfants chez toi, actuellement ?
— Huit !
— Bah, s'ils ne se lavent pas les mains pendant un après-midi, ils n'en mourront pas...
— Admettons que plus personne ne se lave les mains, même s'ils viennent de jouer avec la terre et qu'ils vont manger de la pastèque ce midi. Admettons qu'on ne tire plus la chasse d'eau, même si à onze, je n'ose pas imaginer l'odeur en fin de journée. Admettons qu'on ne puisse pas prendre de douche ou même se rincer le visage, même si je ruisselle de sueur. Admettons qu'on ne fasse pas la vaisselle, même si on va retrouver tous les chats et toutes les guêpes du voisinage dans notre cuisine. Admettons qu'on ne fasse pas notre deuxième lessive quotidienne, même si le bac à linge sale déborde. Mais là, le problème, c'est que nous n'avons plus rien à BOIRE !

Elle m'a regardée d'un air effaré. Elle n'y avait même pas pensé. Dans ce pays, personne ne boit l'eau du robinet (pourtant tout à fait potable), à tel point que dans les restaurants, les serveurs refusent catégoriquement d'en donner (il m'est même arrivé de me voir offrir dans un café un verre d'eau minérale gratuitement : le patron préférait ça à l'idée de m'empoisonner).

Du coup, nous avons dû nous précipiter dans le premier supermarché venu et acheter des bouteilles d'eau. Et contrairement à ce que nous avions annoncé, l'après-midi, les enfants ont eu l'autorisation de se baigner encore une fois dans la piscine verdâtre (je ne la traite plus depuis quelques jours, avant de déverser l'eau dans la nature). Ils n'ont pas protesté, notez bien...

vendredi 19 août 2016

Ça me fait suer !

Enfin, les températures baissent un peu, du moins la nuit. Je m'en réjouis devant l'épicière :
— C'est mieux quand on n'a pas trop chaud, hein ?
— Oh, la chaleur ne me dérange pas, me dit-elle.
— C'est vrai ? Même quand il fait 36° ? Personnellement, j'en ai marre d'être trempée de sueur à longueur de temps. Je transpire toujours beaucoup...
— Bah, tu verras, ce sera pire à la ménopause !

Me voilà consolée.

jeudi 18 août 2016

Bêtises aquatiques

C'était à la fin d'une journée fatigante. Mr Thing Two avait fait une bêtise de taille : il avait allumé l'eau du jet pour remplir davantage la piscine. Je m'en suis rendu compte quand l'eau était à trois centimètres du bord, bien au-dessus du niveau maximal recommandé. Gâchis monstrueux, et puis cette idée qu'on aurait pu avoir la cave inondée, et surtout, cette constatation, pour la énième fois, que ce gamin fait tout ce qui lui passe par la tête –, pas méchamment, mais par curiosité, pour voir ce qui se passe, ou parce qu'il estime que c'est une bonne idée.
"S'il survit, ce sera un grand scientifique", m'a dit une amie il y a quelques jours.
Encore faut-il qu'il survive. Que se passera-t-il le jour où il aura envie d'allumer un feu au milieu du salon parce qu'il lui semble que c'est le meilleur moyen de se réchauffer ? C'est ce que je lui ai dit, à la fin d'un sermon monumental :
— Mon bonhomme, si tu n'apprends pas à réfléchir avant d'agir, ou mieux encore, à demander l'autorisation, tu va finir par mettre le feu à la maison !
— Mais non, maman, m'a-t-il objecté, raisonnable. J'ai allumé l'eau, et l'eau, ça éteint le feu !

Bref, pendant le dîner, voilà que le Filou disparaît quelques minutes. Quand il revient, son pantalon est trempé.
— Filou ? Pourquoi ton pantalon est-il mouillé ?
— Paske z'avais mal au trou des fesses.
— Pardon ?
L'explication est simple :
Il avait des démangeaisons à l'anus, donc il a pris le verre à dents de la salle de bain,
il l'a rempli d'eau,
et il se l'est déversé sur le derrière.
J'ai cru que mes invités (la famille d'intellos avec quatre enfants qui ont tous appris à lire en moyenne section de maternelle) allaient s'étouffer de rire. Le Filou était un poil vexé de nous voir à ce point hilares. Mais il faut reconnaître que c'était un peu plus drôle que la piscine trop remplie, non ?
(Je vous rassure, j'ai changé le verre à dents depuis).

lundi 15 août 2016

Footing sexy ?

Je profite d'un moment où les gamins sont devant la télé et où quelqu'un peut les surveiller vaguement pour aller courir une heure. Au retour, alors que je suis en train de gravir une colline, langue pendante jusqu'au menton, rouge écarlate, échevelée, trempée de sueur, traînant péniblement mes baskets, une voiture s'arrête à ma hauteur. Un vieux papy passe la tête par la fenêtre de la portière et me demande de but en blanc :
— Vous êtes italienne ?
Prise de court, je bafouille :
— Euh, non, enfin si, enfin plus ou moins...
— Ah.
Sur ce, il referme la vitre et redémarre.

Totalement perplexe, je raconte l'aventure à Darling.
— Oh, c'est bien simple, m'explique-t-il. Il voulait savoir si tu étais une prostituée.

Bon sang. Mais c'est bien sûr. Je ne sais pas si je dois être furieuse ou presque flattée...


Coda : plus tard, je raconte l'histoire à l'un de mes invités, en m'étonnant :
— Mais j'étais rouge vif, et en sueur !
— Oh, tu sais, tous les goûts sont dans la nature. Il y en a qui fantasment sur les sportives, ou même sur les vieilles.
J'ai supposé qu'il ne parlait pas de moi.

samedi 13 août 2016

Une mère à la mer

Nous nous sommes levés à sept heures ;
Nous sommes partis sans même prendre de petit déjeuner ;
Nous avons fait un crochet par la gare pour déposer un ami qui repartait en France ;
Nous avons pris une autoroute horriblement surchargée, vers le sud, en ce premier jour du weekend le plus chargé de l'année ;
Nous avons enchaîné les tunnels et les rétrécissements, entourés d'automobilistes qui roulaient trop vite et ne respectaient pas les distances de sécurité ;
Nous avons pris la mauvaise sortie, et avons dû passer un col tout en haut d'une route tellement étroite que j'avais sans cesse peur de ne plus passer ;
Nous sommes arrivés dans la maison de location de mon amie un peu avant midi, soit après avoir roulé plus de trois heures ;
Nous sommes repartis presque aussitôt pour aller à la plage ;
Nous sommes arrivés à 13h sous un soleil de plomb ;
Nous avons marché longtemps pour trouver quelque chose à manger ;
Nous avons pique-niqué près de la plage ;
Nous avons enfilé tous les maillots de bain, mis de la crème solaire, mis les chapeaux, étalé les serviettes ;
Nous avons joué pendant deux heures avec le sable et les vagues, en vérifiant à chaque instant que tous les enfants étaient encore là ;
Nous avons pris des douches rapides, avons ôté les maillots, avons séché les enfants, avons séché les pleurs, avons rassemblé les affaires, avons rempli les gourdes ;
Nous avons erré longuement dans les rues de la ville à la recherche d'un marchand de glaces, alors que normalement on en trouve à chaque coin de rue ;
Nous avons fini par prendre un goûter dans un bar et sommes retournés vers la voiture ;
Nous avons pris la route du retour ;
Nous avons fait une halte au supermarché pour acheter de quoi nous nourrir ce soir ;
Nous sommes arrivés dans la maison de location ;
Nous avons fait tous les lits ;
Nous avons pris et donné des douches ;
Nous avons préparé le dîner ;
Nous avons mangé ;
Nous avons lavé des dents et raconté un livre ;
Nous avons fait la vaisselle ;
Nous nous sommes préparés à aller nous coucher.

J'avoue, je suis légèrement fatiguée.
Mais j'ai fait mon devoir maternel : cet été, mes enfants seront allés à la mer !

(Demain, on repart dans l'autre sens. Fin de la dernière excursion sur deux jours. Je vais avoir besoin d'une semaine pour m'en remettre...)

jeudi 11 août 2016

Le coup de la panne (troisième partie)



(Suite et fin – provisoirement – de cette aventure épique)

Le lendemain matin de la soirée passée au téléphone, à 8h tapantes, heure à laquelle ouvrait l’agence principale de la ville, j’ai téléphoné à cette dernière. Refrain habituel : désolé, on a rien, ni voiture 5 places aujourd’hui, ni possibilité d’avoir une voiture 7 places d’ici lundi. Mais le ton était déjà nettement plus amical. Et on m’a donné le VRAI numéro de l’agence de l’aéroport. Là-bas, on m’a confirmé qu’on m’avait réservé un véhicule, qu’on essaierait de m’en trouver un plus grand d’ici lundi, et que je pouvais venir tout de suite. J’ai appelé un taxi XL, j’y ai embarqué les rehausseurs, les enfants, et les bricoles venues d’IKEA, et nous sommes allés à l’aéroport.

Quand je suis arrivée devant le comptoir Avis et que je me suis présentée, le monsieur m’a ouvert le bras et m’a serré la main avec les deux siennes en souriant jusqu’aux oreilles.
— Quel plaisir de faire votre connaissance ! À une femme comme vous, on voudrait qu’il n’arrive que des bonheurs !
J’ai supposé qu’il essayait de compenser la mauvaise impression laissée par ses 57 collègues de la veille, mais j’ai trouvé qu’il en faisait un peu beaucoup. Puis il m’a fait signe d’attendre, il est sorti une seconde, et il est revenu en me tendant une bague sertie de diamants.
Il me demandait en mariage, maintenant ?
Alors là, ça allait un peu trop loin.
J’ai balbutié :
— Heu… Je ne comprends pas…
Lui, soudain dégrisé :
— Ce n’est pas vous qui avez perdu cette bague ?
— Ah non, moi j’ai perdu ma voiture, j’en voudrais une autre.
Son collègue, que j’avais eu au bout du fil une heure plus tôt, a repris l’affaire en main, et après installation des rehausseurs etc., nous avons pu repartir à bord d’une voiture qui roulait ! Qui roulait vraiment ! Sans biper, sans puer le diésel, sans clignoter en orange ! Et à midi, nous étions rentrés ! Moins de 24h après le moment de retour prévu ! J’ai même pu me laver les dents et changer de slip et de t-shirt ! On sous-estime le bonheur des petites choses.

Ne restait plus qu’à récupérer une 7 places, puisque j’avais un ami qui arrivait lundi.
— On vous téléphonera lundi matin pour vous dire si le véhicule vous attend à l’agence en centre ville ou ici, m’avait promis le monsieur de l’aéroport. Peut-être que ce sera votre propre véhicule qui aura été réparé. On vous appelle. Entre 10h et 10h30, lundi matin. Sans faute.
— Juré, hein ? J’en ai absolument besoin lundi soir.
— Oui oui, c’est bien noté. Sans faute !

Lundi matin, rien.
Lundi après-midi, rien.
Lundi à 16h, j’appelle.
— Ah oui ! Euh, attendez, on va se renseigner.
Conversation téléphonique parallèle, puis le monsieur me reprend :
— Alors, votre voiture est morte, donc on va vous mettre une autre à disposition. Une Opel, avec une immatriculation française. Elle sera prête demain.
— Demain ? Mais j’avais dit que j’avais un ami qui arrivait aujourd’hui !
— Ah ? Désolé.
Je fulmine. Heureusement, j’ai d’autres invités qui pourront aller chercher mon ami. Je ne prends même plus la peine de m’énerver. Je me contente juste de demander :
— Je peux ramener celle-ci sans faire le plein, au moins ? J’aurais fait un aller-retour de 150 km pour venir la récupérer, puisque vous ne pouvez pas me l’apporter dans une agence plus proche de ma maison de vacances.
— Ah si, il faut faire le plein ! Vous négocierez ensuite avec le service client pour vous faire rembourser.
Bien sûr.
— Elle est en centre ville, au moins ?
— Ah non, à l’aéroport.
Évidemment. Paf, 80 km de plus.
— Bon. Vous ouvrez à quelle heure demain matin ?
— À 8h. Mais la voiture ne sera prête qu’à 14h.
En plein milieu de la journée. Naturellement.

Mardi, donc, nous reprenons la route. Nous nous promenons en ville le matin, puis je remise mes gamins chez mon amie si gentille, et je file à l’aéroport (trois quarts d’heure, quand même). Je me présente enfin au guichet vers 16h :
— Bonjour, je viens échanger ma voiture.
— Pardon ?
— Mais oui, vous savez bien, je vous ai déjà vu vendredi dernier, et j’ai téléphoné hier. On m’a préparé une Opel 7 places avec immatriculation française.
— Ah ! Mais, heu, on vous a dit qu’elle serait prête ?
— Ah oui ! Elle aurait même dû l’être hier.
— Attendez, je vais vérifier…

Est-ce que cela étonnera quiconque si je vous dis que l’Opel n’était pas là ?
Heureusement, on m’en a trouvé une autre, également à 7 places. Et on m’a dit que je pouvais rentrer en France avec. Ma dernière discussion a concerné le GPS :
— Il n’y a pas le GPS, dans celle-ci.
— Non, en effet.
— Il y était dans la Nissan.
— Et alors ?
— Et alors j’ai un GPS amovible à la maison, mais je ne l’ai pas emporté parce qu’il y en avait un dans la voiture. Or, il n’y en a plus. Pouvez-vous donc me prêter un GPS ?
— Ah non, je suis désolé, ce n’est pas inclus dans le prix.
— Mais il était dans la voiture que j’ai louée à l’origine !
— Je sais, mais que voulez-vous, il arrive que les voitures tombent en panne, ce n’est pas notre faute.
Du coup, je me suis perdue en revenant de l’aéroport.

Donc, résumons :
- Deux journées entièrement consacrées à résoudre cette affaire ;
- Une nuit hors de chez moi avec mes enfants, sans aucun bagage ;
- Au moins cinq ou six heures de communication téléphonique à partir d’un téléphone portable français (je n’ose imaginer la facture) ;
- Le péage pour l’aller-retour supplémentaire jusqu’à la ville, puis jusqu’à l’aéroport, deux fois ;
- Le carburant pour ces trajets en plus, sans compter celui qui s’est écoulé lentement puis de plus en plus vite dans les rues de la ville ;
- Un trajet en taxi ;
- Un GPS en moins ;
- Pas une seule fois un seul mot d’excuse, pas une seule proposition d’hôtel ou de taxi (celui que j’ai pris, c’est de ma propre initiative), pas un seul geste commercial, rien.

Moi je dis, avec l'énorme compensation que va me verser Avis pour me faire oublier le préjudice moral et économique subi, je vais pouvoir me payer à mon tour une bague sertie de diamants. Non ?

lundi 8 août 2016

Le coup de la panne (deuxième partie)



(Suite du billet précédent)

(Je jure que je n’ai rien exagéré ; j’ai même largement coupé les redites, certains appels inaboutis, etc. En réalité, j’ai dû passer en tout cinq heures au téléphone dans la journée. Heureusement que l'amie chez qui j'étais avait un chargeur compatible avec mon portable.)

Donc, il est 18h20, ma voiture a été embarquée par la dépanneuse, et j’attends qu’Avis ou Europe Assistance me trouve un véhicule de remplacement. On m’a promis de me rappeler. Ce qu’on a fait, juste au moment où j’étais avec le dépanneur : je n’ai pas pu répondre. Je rappelle, et tombe sur une voix enregistrée :
— Vous ne pouvez pas appeler ce numéro.
Je téléphone encore une fois à Avis Assistance en France.
— Désolé, on a transféré le dossier à Avis Assistance Italie.
Je téléphone à Avis Assistance Italie.
— Si vous avez un problème technique avec votre véhicule, tapez un. Si vous désirez changer de véhicule pour toute autre raison, tapez deux.
Je tape un.
La ligne est coupée.
Je réessaie.
Idem.
Je recommence, et je tape deux.
— Nos bureaux sont ouverts du lundi au vendredi de 8h à 18h. Veuillez rappeler ultérieurement.
Je rappelle Europe Assistance.
— Désolée, mais Europe Assistance peut seulement vous envoyer une dépanneuse, pas vous trouver un autre véhicule : c’est du ressort d’Avis. Essayez la centrale réservation. Je vais quand même chercher de mon côté, et je vous rappellerai.
J’appelle la centrale réservation d’Avis.
— Désolé, nous n’avons pas de véhicule à sept places disponible dans votre région actuellement.
— Bon, alors donnez-moi une voiture normale jusqu’à lundi : pour l’instant nous sommes cinq.
— Rien de disponible, désolé.
— Comment ça, rien de disponible ? Mais alors je fais quoi ? Je suis coincée loin de chez moi avec mes quatre enfants, et…
— Pas la peine de vous énerver, madame ! Si je vous dis qu’il n’y a pas de véhicule disponible, c’est comme ça, je ne peux pas en inventer un !
— Mais… qu’est-ce que je suis censée faire ?
— Ce n’est pas mon problème : c’est une centrale de réservation, ici. Au rev…
— Attendez ! Il doit bien y avoir un service client, chez Avis, non ? Donnez-moi le numéro.
— 011 213…
Et après m’avoir dicté le numéro d’une voix exaspérée, il raccroche sans ajouter un mot, très agacé par mon incapacité à me tirer d’affaire toute seule.
J’appelle le service client.
— Nos bureaux sont ouverts du lundi au vendredi de 9h à 18h. Veuillez rappeler ultérieurement.
Je rappelle Europe Assistance.
— Ah oui, alors en fait nous ne vous avons pas rappelée parce que comme nous n’avons pas votre numéro de contrat de location, Avis nous a dit qu’on ne pouvait rien faire.
— Hein ? Mais vous plaisantez ? Jusqu’ici, mon nom et le numéro d’immatriculation du véhicule suffisaient, en tous cas ça a suffi pour enlever la voiture, mais pas pour m’en trouver une autre ?
— Désolée.
Je n’ai pas le contrat de location sur moi. Je rappelle Avis Assistance France.
— Désolé, mais en fait nous ne sommes pas vraiment Avis mais une société de sous-traitance, donc nous n’avons pas accès à la base de données d’Avis. Mais je vais vous donner le numéro de téléphone d’une agence encore ouverte, à l’aéroport, ils pourront vous donner votre numéro de contrat.
J’appelle l’agence Avis de l’aéroport de Roissy.
— Tous nos correspondants sont occupés. Veuillez rappeler ultérieurement.
J’appelle l’aéroport d’Orly.
— Attendez une minute, madame.
Pendant un quart d’heure, j’entends l’homme qui m’a répondu débiter des explications à un client dans un anglais exécrable, mais il finit par reprendre le téléphone et par me donner le numéro du contrat.
À ce stade, il est 21h. Les enfants sont en train de manger une pizza.
Je rappelle Europe Assistance en Italie.
— Alors, à cette heure-ci il n’y a plus que des agences dans des aéroports qui soient ouverts, mais je vais me renseigner. Je vous rappelle.
(Interruption. Je colle mes gamins devant Shrek, retrouvé providentiellement sur une clef USB qui traînait dans mon sac – non, ce n’est pas du piratage, j’ai le DVD à la maison – et je mange à mon tour.)
A 21h55, on me rappelle.
— J’ai trouvé un véhicule disponible à l’aéroport le plus proche.  Mais c’est une voiture à cinq places seulement. Il faudra que vous vous arrangiez avec eux pour avoir un véhicule plus grand ultérieurement.
— Dans l’état de désespoir où je suis, je suis prête à tout accepter. On va me l’apporter ?
— Ah non, bien sûr que non, il faut que vous alliez la chercher.
— A l’aéroport ? A trente kilomètres d’ici ? Avec quatre enfants ? A dix heures du soir ?
— Ah oui, désolée.
— On me remboursera le taxi, au moins ? Ou plutôt les deux taxis, puisque nous sommes cinq ?
— Je ne sais pas. Peut-être. Je vais vous donner le numéro de l’agence Avis pour que vous vérifiiez avec eux les modalités de retrait du véhicule. 011 545…
Je téléphone à l’agence de l’aéroport.
— Tous nos opérateurs sont occupés. Veuillez cependant rester en ligne pour ne pas perdre votre priorité. Tous nos opérateurs sont occupés. Veuillez cependant rester…
Cela dure dix minutes, puis ça coupe.
Je réessaie.
Même jeu.
Je recommence.
Idem.

C’est à ce moment-là que j’ai laissé tomber. J’ai compris que je n’arriverais pas à rentrer dormir chez moi. Mon amie nous a préparé au débotté cinq couchages. J’ai enfin pris une douche et j’ai remis avec une grimace mes vêtements imprégnés de sueur, puisque je n’avais aucune tenue de rechange. Nous avons dormi en sous-vêtements, sans nous laver les dents. La nuit se serait bien passée, si je n’avais eu des insomnies à cause de mon énervement, et si Miss Thing One, qui partageait mon lit, ne m’avait réveillée alors que je me rendormais enfin à six heures du matin :
— Maman, un mouchoir, vite ! J’ai le nez qui coule !
— Hein, quoi ?
— Ah non, c’est du sang !
Ma sœur aussi saignait parfois du nez la nuit quand il faisait chaud, donc je ne me suis pas affolée, et la gamine non plus. Mais je défie quiconque de se rendormir après avoir couru jusqu’à la salle de bain en laissant une traînée rouge derrière soi, lavé la fillette qui en avait jusqu’aux pieds, lavé le sol de la salle de bain et du couloir, enfoncé du papier toilette dans une narine plusieurs fois de suite jusqu’à ce qu’il en ressorte blanc, etc.
Bref, tant bien que mal, la nuit a passé, et le moment de repartir au combat a sonné…

(Suite et fin – j'espère – au prochain numéro)

samedi 6 août 2016

Le coup de la panne (première partie)



Darling devait prendre le train à 17h dans une grande ville à une centaine de kilomètres d’ici. Nous avions donc décidé de partir le matin, de déjeuner avec lui en ville, et de rentrer en début d’après-midi après l’avoir déposé à la gare, pour pouvoir jouer dans la piscine avant le dîner : la journée promettait d’être terriblement chaude.

Las, à l’approche de la ville, j’ai cru voir une petite fumée blanche dans le rétroviseur. Une fumée qui nous suivait.
— Arrête-toi à la prochaine station-service pour vérifier, a dit Darling.
Arrêt. Vérification. La porte du coffre est toute grasse. Nous hélons un pompiste qui passe par là. Il jette un rapide coup d’œil et décrète :
— À mon avis, vous avez une petite fuite de diésel.
— Ah, diable ! C’est dangereux ?
— Non, le diésel n’est pas inflammable. Mais il vaudrait mieux aller tout de suite voir un garagiste.
— C’est une voiture de location…
— Tant mieux pour vous ! Vous les appelez, et ils vont vous la remplacer tout de suite.

Plutôt qu’attendre la dépanneuse dans une station-service, nous reprenons la route à petite vitesse vers IKEA. L’endroit idéal pour patienter une heure ou deux. Pendant ce temps, Darling essaie de téléphoner à Avis Assistance. Sauf que le numéro inscrit sur la clef de contact est un numéro en 0800, donc utilisable uniquement en France. On envoie un texto à une amie, qui nous donne le numéro de l’agence qui nous a loué le véhicule. On l’appelle. Elle nous donne le numéro… d’Avis Assistance, en 0800. Nous lui réexpliquons le problème. Elle comprend, elle va nous rappeler. Ce qu’elle fait quelques minutes plus tard. Darling attrape le téléphone et décroche avec une telle hâte qu’il l’envoie voler à travers l’habitacle ; il pousse un juron sonore, récupère l’appareil, le place à l’envers contre son oreille, jure de nouveau, le remet à l’endroit, et finit par dire :
— Excusez-moi, madame ! Que puis-je faire pour vous ? Heu, je veux dire, que pouvez-vous faire pour moi ?
La dame lui annonce qu’elle a contacté Europe Assistance en Italie et qu’ils vont nous rappeler « sous peu ». Bon.
À ce stade, il est 11h du matin.

On arrive à IKEA. On colle les trois petits à Småland, l’aire de jeux des petits : il y a une animatrice parle français, et puis pas besoin de causer pour jouer à la piscine à boules. Darling, le Grand et moi faisons tranquillement le tour de l’étage supérieur, celui des meubles, où nous n’avons besoin de rien. Puis celui de l’étage en-dessous, où nous ramassons quelques bricoles : une cruche, un oreiller, une planche à découper, des ampoules, etc. Enfin, mon téléphone sonne. Il est 13h. Heureusement que nous ne sommes pas restés dans la station-service.
— Bonjour, on vous envoie une dépanneuse d’ici une demi-heure.

Comme je sais qu’ici, une demi-heure peut faire facilement cinquante minutes, nous terminons nos achats, nous payons, nous récupérons les enfants et nous allons à la cantoche. Je suis dans la queue quand le téléphone sonne. Il est 13h45, j’ai presque gagné. Je laisse Darling avec les enfants et je me précipite dehors. En faisant au pas de course tout le tour de l’étage libre-service, puisque dans un IKEA, il est impossible de sortir par l’entrée. Deux fois, puisque la première fois, j’avais oublié la clef de la voiture. Il fait 36°. J’arrive enfin sur le parking extérieur, échevelée, rouge comme une tomate, et je tends la clef sans un mot au monsieur, puis je m’assieds pour engloutir un litre d’eau et éponger un litre de sueur pendant qu’il fait vrombir le moteur. Il redescend, et m’annonce :
— Elle a une petite fuite, en effet. Je ne peux pas la réparer ici : je vais l’emporter.
Moi, effarée :
— Hein ? Vous voulez me laisser ici, sans véhicule, avec un mari qui doit prendre le train dans un peu plus de deux heures, quatre enfants, et trois rehausseurs à dossiers ?
— Ça vous ennuie ?
— Heu… oui.
— Bon, alors vous n’avez qu’à aller vous-même jusqu’au garage Machin, où j’allais l’emmener. Elle peut rouler jusque-là, mais n’allez pas trop vite. Si ça se trouve, on pourra vous la réparer sur place.

Je remonte dans la cantoche, retrouve ma petite famille qui a fini son repas, avale à mon tour du saumon et des boulettes, et nous voilà repartis. Plutôt que d’aller au garage, je décide d’aller d’abord déposer Darling à la gare, et voir à l’agence Avis près de ladite gare si je peux échanger la voiture. On trouve l’agence, on trouve une place, on trouve un parcmètre, on trouve la force de porter le Filou qui n’en peut plus de chaleur et de fatigue, mais…
— Ah non, désolé, je ne peux pas vous donner une autre voiture. De toute façon, je n’ai plus de voitures à sept places. Non, je ne peux pas vous donner une cinq places non plus. Non, je ne peux pas regarder où il y en a une de disponible. Non, je ne peux pas vous en faire envoyer une chez vous. Non, je ne peux pas vous aider.

Il est 16h. Nous laissons Darling à la gare, et nous nous dirigeons vers le garage Machin indiqué par Europe Assistance. La mort dans l’âme, je me prépare mentalement à attendre une heure ou deux pendant qu’un mécanicien examine la bagnole et que les enfants chahutent ou pleurnichent. J’ai tort. Le verdict prend exactement une minute :
— Désolé, je ne fais pas les Nissan.
— Hein ? Mais on nous a dit de venir ici !
— Je ne fais pas les Nissan.
— Mais vous vous y connaissez sans doute mieux que moi, donc est-ce que ne pourriez pas au moins jeter un coup d’œil pour me dire…
— Non. Je ne fais pas les Nissan, je vous dis !
— Mais où devons-nous aller, maintenant ?
— Aucune idée. Au revoir. Vous pouvez faire demi-tour là-bas.

J’en ai marre. Vraiment, vraiment marre. En plus, je n'ai presque plus de batterie sur mon portable. Allez, on rentre. On appellera une dépanneuse une fois à la maison. Au pire, on se passera de voiture pendant vingt-quatre heures : pas grave, je viens de faire le plein au supermarché.
Sauf que nous nous sommes à peine engagés sur l’autoroute quand tous les voyants du tableau de bord se mettent à clignoter. Au centre, un gros triangle menaçant m’intime de m’arrêter.
— Si on tombe en panne sur l’autoroute, on risque de se faire percuter ! panique le Grand. On est morts !
— Mais non. Au pire, on devra attendre une heure ou deux sur la bande d’arrêt d’urgence, sous un soleil de plomb, avec les trois petits épuisés, et des gourdes vides… OK, tu as raison, on est morts.

Plus qu’une solution : aller nous réfugier chez une amie à moi qui habite dans cette ville. Pendant que je sors de l’autoroute et que je rebrousse tout doucement chemin en direction du centre-ville, le Grand l’appelle, lui explique le problème, lui annonce notre arrivée. Les voyants clignotent de plus belle et veulent absolument que je m’arrête. Je désobéis. Plus que cinq kilomètres… Plus que trois… On est en ville, au pire on prendra le métro… Plus que quelques centaines de mètres… On y est ! Et on trouve même une place pas très loin. Et un parcmètre du premier coup.
On monte chez mon amie, on avale quelques litres d’eau, on se rafraîchit vaguement, on prend un petit goûter, et j’appelle de nouveau Europe Assistance.
— Pas de problème, on vous envoie une autre dépanneuse.
J’ai oublié de demander s’ils comptaient emmener la voiture au garage Machin.
Au bout de vingt minutes à peine, voilà la dépanneuse. J’ai à peine eu le temps de vider la bagnole. L’homme jette un seul coup d’œil à la voiture, constate qu’on peut la suivre à la trace en suivant les gouttes de diésel dans la rue, et embarque l’engin, en me laissant sur le trottoir avec un sac plein de bricoles IKEA et trois énormes rehausseurs avec dossiers.
Il est 18h20.
Bien. Et maintenant ?


(A suivre)

(Et croyez-moi, le pire reste à venir) (si si, vous verrez)