dimanche 29 novembre 2015

Lettres au Père Noël de la famille Fofo

Bonjour Père Noël,
Je t'aime beaucoup. Est-ce que je peux avoir un Pikachu ? Et un livre des Pokemons. Je veux une montre en jouet qui est assez grande, et des Légo, mais à moi, et un déguisement de chevalier ou de reine des neige ou de Spiderman noir.
On est allé voir Gnafron*, c'est le bébé de ma tante et c'est mon cousin. Maintenant on a un chat et il s'appelle Virgile et il vient de chez Nony.
Au revoir Père Noël,
Miss Thing One

*Oui, c'est un surnom.


Cher Père Noël,
Ce matin, on a fait les décorations de Noël. On a un petit Père Noël avec un saxophone. On a fait un petit sapin en jouet. Et on a sorti les calendriers de l'avent. On a aussi décoré les fenêtres.
Est-ce que je pourrais avoir s'il vous plaît un déguisement de Spiderman ? Est-ce que je peux avoir des Pokemons s'il te plaît ? Et aussi des cartes Pokemon et un livre Pokemon, s'il te plaît.
Est-ce que tu voudras une tasse de thé quand tu viendras à Noël ?
Comment tu fais pour habiter au Pôle Nord alors qu'il fait très froid et qu'il n'y a rien à manger ?
Merci Père Noël, au revoir,
Mr Thing Two


Cher Père Noël,
Filou veut des Pokemons et de la pâte à modeler et aussi le kruc pour faire de la pâte à modeler.
Au revoir Père Noël,
[gribouillis illisible]


Cher Père Noël,

Je t'envoie ci-joint les lettres de mes trois enfants les plus jeunes, parce que le Grand n'a plus la patience d'écrire des lettres depuis longtemps. J'ai eu un peu de mal à leur faire comprendre qu'il fallait écrire une lettre et pas une liste, mais comme tu peux le constater, les Things ont fait un effort (le Filou n'était pas censé écrire, mais il a voulu faire comme les autres). Ils ont également fait de très beaux dessins que tu apprécieras, j'espère. En tous cas, je suis très contente de renouer une correspondance avec toi ; ça m'a rappelé des souvenirs, de l'époque où c'était le Grand qui me dictait des phrases déconnectées. Et j'ai hâte de voir leur ravissement quand tu répondras une longue lettre où tu raconteras sûrement encore les bêtises commises par ton assistant l'Ours Blanc.*

Ce premier weekend de l'avent a été fêté dignement, avec des décorations, donc, et ces lettres, et puis quelques premières fournées de petits gâteaux de toutes les formes, et un Christmas pudding, et des chansons de Noël braillées à tue-tête, et notre crèche de plus en plus riche, et la première bougie allumée sur la couronne de l'avent... J'avoue être épuisée, ce soir, mais préparer Noël avec de jeunes enfants a vraiment un charme dont je ne me lasse pas. Il faut absolument que j'en profite : dans une demi-douzaine de Noëls tout au plus, ce sera beaucoup moins joyeux et surtout moins merveilleux.

Je profite de cette occasion pour te donner quelques idées de cadeaux pour moi, même si je sais qu'en théorie, tu n'en apportes qu'aux enfants (mais j'ai conservé mon âme d'enfant, comme on dit ; ça compte ?). Je te rassure tout de suite, je ne veux PAS des Pokemons (désolée, mes gamins ont été endoctrinés par leur grand frère, c'est terrible). Si tu veux me faire plaisir, tu peux glisser dans mes souliers :
- Quelques sorties, parce que cette année je n'ai pas pu prendre d'abonnement au théâtre, et ça me manque ;
- Quelques DVD, parce que je réussis à en regarder un peu plus souvent qu'avant ; je pense par exemple à Tootsie, Légendes d'automne, Lawrence d'Arabie, Qu'elle était verte ma vallée, et puis aussi le premier coffret de Kaamelot, parce que j'ai une amie qui n'arrête pas d'en parler et qu'elle m'a donné envie de m'y mettre (et le format court est parfait pour les soirées où un "vrai" film serait trop long) ;
- Quelques livres, essentiellement des livres en anglais donc tu vas me dire de m'adresser à mon Darling et tu n'auras pas complètement tort, mais si par hasard tu as De cape et de mots ou Alors vous ne serez plus jamais triste ou Vie de Jude frère de Jésus ou Y a-t-il une vie après le périph ? sur tes étagères, je les lirais volontiers ;
- Un Kindle paperwhite, parce que j'ai vraiment pris goût à lire sur liseuse (surtout les manuscrits envoyés par les éditeurs, que je recevais autrefois imprimés sur des feuilles volantes, ce qui était très pénible et lourd et peu pratique), et j'aimerais passer au modèle supérieur pour pouvoir rechercher plus facilement un passage, consulter les dictionnaires, et surtout lire au lit même en tournant le dos à la lampe de chevet (ou dans le train, ou sur la terrasse de nuit en été...) grâce à l'éclairage intégré.

Des place de théâtre, des films et des livres : je me rends compte que ça fait très "abonnée à Télérama", cette liste... Sinon, je veux bien aussi un séjour au ski tous frais payés, ou un insert pour ma cheminée, ou des vacances à Londres pour six, ou un vélo longtail à assistance électrique. Dans ce cas, je te promets de ne pas trop regretter les DVD.

Sur ce, je te laisse, j'ai encore la moitié d'un roman à lire ce soir pour pouvoir faire la fiche demain matin. Ah oui, j'oubliais, si tu avais un peu de temps libre au fond de ta hotte, je prends aussi...

Bien à toi,
Fofo

* Pour comprendre d'où viennent ces lettres, et pour savoir quelle est ma position sur le mythe du Père Noël quand il est imposé aux enfants, voir ici. Chez nous, on fait semblant d'y croire – mais on fait bien semblant !

vendredi 27 novembre 2015

Quand l'appétit va, tout va (et inversement)

Retour de l'école. Goûter. Un gâteau avec des pépites de chocolat. J'en tends un au Filou, mais il secoue la tête :
— Z'ai kro fakigué pou manzer.
— Pardon ? Tu ne veux pas de gâteau ?
— Non.
Je me précipite dans la salle de bain et je reviens avec le thermomètre. Cela dit, j'ai à peine besoin qu'il me confirme mon diagnostic. Un Filou qui refuse son goûter, c'est un Filou très mal en point. Bingo, il a de la fièvre.
Un peu plus tard, il grignote une demi-pomme, mais refuse le dîner, dessert compris. Quand je le couche, il brûle un peu moins, grâce au Doliprane, mais je sais déjà que ça va remonter dans la nuit.
— Poussin, si tu es malade cette nuit, si tu ne vas pas bien, tu m'appelles pour que je te redonne du médicament, d'accord ?
— D'accord.
Je couche les deux autres, puis je redescends, et j'arrive à peine en bas de l'escalier que je l'entends qui crie :
— Maman !
Je remonte.
— Qu'est-ce qu'il y a, mon Filou ?
— Z'ai malade, maman.

jeudi 26 novembre 2015

Mr Thing Two, l'interrupteur et le marteau

J'appelle le monsieur qui s'occupe de toutes les petites réparations que je ne suis pas capable de faire moi-même dans la maison, en particulier en matière d'électricité et de menuiserie.
— Allô, bonjour, c'est Fofo, je me demandais si tu pouvais passer un de ces jours pour un petit boulot ? J'ai un interrupteur cassé à changer.
— Pardon ? Mais comment avez-vous fait pour casser un interrupteur ?
— C'est Mr Thing Two qui a tapé dessus avec un marteau. Très fort.
— ... ?
— Oui, je sais.
— Il ne s'est pas électrocuté, au moins ?
— Non, et c'est dommage, ça lui aurait servi de leçon. Par contre, le Grand s'est coupé.
— Hein ?
— Oui, parce que le bord de l'interrupteur cassé est tranchant, maintenant, donc il s'est fait mal en allumant la lumière.
— Mais c'est vraiment très coupant ?
— Non, mais tu connais le Grand. Il a appuyé sur le bouton en chahutant, sans regarder...
— Ah. Bon, je vais tâcher de passer demain, alors. Et à part ça, tu n'as pas besoin d'autre chose ? Tu n'as pas cassé d'autres lattes de plancher en tapant du pied ?

Parfois, je me demande quelle vision ce monsieur peut bien avoir de notre famille...

mercredi 25 novembre 2015

Visite inattendue (ou presque)

16h35, les gamins sont en train de goûter, il y en a deux qui se disputent, un qui me réclame un verre d'eau, le chat miaule de sa petite voix, je dois sortir le sachet de thé qui est en train d'infuser avant que mon thé ne devienne imbuvable, et juste à ce moment-là, on sonne à la porte. Je n'ai pas d'interphone : je dois donc ôter mes chaussons, enfiler des chaussures, trouver mes clefs, sortir sous la pluie pour aller ouvrir le portail. Un inconnu aux cheveux gominés m'adresse un grand sourire. Le dixième élagueur du mois ? D'habitude je suis polie, mais là ce n'est pas le moment. Je suis un instant tentée de lui lancer un "J'ai pas l'temps !" et de lui refermer la porte au nez pour couper court à toute discussion, mais un reste de bonnes manières me retient. J'attends qu'il prenne la parole pour me débiter son laïus (décidément, il n'a pas vraiment la carrure d'un élagueur, ni la tenue. Un vendeur de pommes "tout droit venues de notre ferme" qui vont pourrir en trois jours d'avoir été sorties de la chambre froide où elles croupissaient depuis deux ans, peut-être ?), mais il se contente de sourire encore. Il a presque l'air de s'attendre à ce que je l'invite à entrer se mettre à l'abri de la pluie. Quel culot !
- Oui ?
- Bonjour, madame Fofo. Vous allez bien ? Je suis désolé, j'ai quelques minutes de retard, mais comme vous m'aviez dit que vous préfériez plus tard que plus tôt, puisque vous aviez vos enfants à aller chercher à l'école...

???

...

!!!

- Madame Fofo ?
- Euh, oui, bonjour, monsieur. Ne vous inquiétez pas, c'est parfait. Entrez donc !



Peut-on oublier à la fois un rendez-vous pris par téléphone la veille ET le visage d'un architecte déjà vu au moins deux fois, qui vient vérifier que les travaux d'isolation ont été effectués correctement ?

On peut. Ce n'est pas facile, mais je peux vous donner des leçons, si vous voulez.


lundi 23 novembre 2015

Correction orthographique

J'ai un excellent correcteur orthographique, Antidote, dont je suis tombée amoureuse dès le jour où je l'ai utilisé pour la première fois, quand il m'a signalé qu'on écrivait "Par acquit de conscience" et non "par acquis de conscience" (ma grand-mère m'a depuis expliqué que l'expression était dérivée d'acquitter, et pas d'acquérir ; du coup, je ne ferai plus jamais cette erreur). Mais comme c'est un programme assez lourd, je ne l'utilise qu'après avoir terminé toute ma traduction. Au jour le jour, pour corriger les coquilles et les plus grosses bourdes, j'utilise le correcteur orthographique de mon traitement de texte. Qui me réserve parfois des surprises.

Mon héroïne est en train de décrire un magnifique vase qui représente les Muses, dont Clio, à laquelle le peintre à fait six orteils au pied droit. Mais voilà, le vase avec Clio-aux-six-orteils est malencontreusement brisé...
"Clio-aux-six-orteils" ? Connais pas, me dit le correcteur orthographique de LibreOffice Writer, après avoir tourné quelques secondes de plus que d'habitude. Vouliez-vous par hasard dire "Radicaux-socialistes" ?

...
...
Euh, non.

(Je n'ai pas encore compris comment il était arrivé à cette conclusion. Et je me demande quelle tête ferait mon éditrice si je lui rendais un roman où figure un vase mythologique représentant des radicaux-socialistes...)

dimanche 22 novembre 2015

Comptabilité

Hier, un peu accablée devant mon compte en banque sur lequel figure glorieusement un total de 7,25 €, j'ai décidé pour la première fois de ma vie de faire mes comptes. J'ai additionné toutes les dépenses fixes mensualisées (taxes, remboursement du prêt immobilier, factures d'eau de gaz de téléphone etc, complémentaire santé et assurance vieillesse obligatoire, cantine des mômes, abonnements presse, dons à des associations, frais bancaires...), puis les dépenses de nourriture d'après une moyenne établie sur trois mois.

Et puis je me suis arrêtée, et j'ai pleuré.

J'ai ensuite vaillamment repris mon clavier pour calculer grosso modo ce que nous sommes susceptibles de dépenser chaque mois en moyenne en train, location de voiture, travaux divers (plombier, élagage...), dépenses médicales non remboursées (lunettes...), livres, sorties, et même occasionnellement vêtements, et puis j'ai de nouveau pleuré un bon coup. Et quand j'ai comparé avec nos revenus, j'ai enfin compris pourquoi j'étais à découvert à longueur de temps.

Du coup, Darling et moi avons passé la soirée à nous creuser la tête pour essayer de trouver une solution à ce problème. Après de longues réflexions, nous sommes arrivés à une conclusion. En fin de compte, c'est simple, il suffit de :
- dépenser moins ;
- gagner plus.

Génial, non ?

(Plus qu'à mettre au point les détails) (on y travaille) (après avoir étudié ma liste pendant deux heures, je me suis dit que je pouvais sans doute arrêter mon versement régulier aux Restos du cœur et à Amnesty, et acheter du sucre non bio) (on y travaille, je vous dis)

vendredi 20 novembre 2015

Un espion dans la place

— Tu sais, maman, pendant que tu étais pas là, papa ils nous a pas lavés tous les soirs, seulement une fois, ou alors deux. Et on s'est presque pas lavé les dents non plus. Et papa, il nous a pas raconté de livres, c'était toujours le Grand. Et il criait beaucoup, tous les matins, parce qu'il était en retard, et c'est normal de se fâcher, aussi parce que le Filou il faisait des caprices, mais il s'est fâché très très très fort, c'est pas la peine. Et il a crié contre Oma, aussi, parce qu'elle l'embêtait, mais je sais pas ce qu'ils disaient parce qu'ils parlaient pas en français. Et tu sais, le Grand, hier soir, quand il est venu nous chercher à l'école avec Oma, il nous a emmené dans un magasin, un grand, et il a acheté plein plein plein de bonbons, et on en a mangé beaucoup beaucoup beaucoup, et après il nous a dit de pas le dire et on a quand même mangé le goûter. Et tu sais, à l'école, j'ai vu les fesses de l'animatrice, parce que son pantalon il était trop bas, alors quand elle s'est assise on voyait ses fesses quand on était derrière, et après elle m'a puni mais j'avais rien fait du tout, mais moi je m'en fiche si elle me gronde, je pleure même pas.


Moins de trois minutes après être sorti de l'école maternelle, Mr Thing Two m'avait déjà fait son rapport complet sur ce qui s'est passé pendant mes quelques jours d'absence. Pratique.

jeudi 19 novembre 2015

Premières interrogations sexuelles

Tiens, j'ai oublié de vous raconter cette anecdote :
A l'occasion de la naissance de leur premier cousin, je re-raconte aux petits un album sur le thème "Comment on fait les bébés". Quand j'arrive au moment où le zizi du monsieur se dresse, Mr Thing Two m'interrompt, perplexe :
— Moi, des fois, mon zizi il devient tout dur, et pourtant je suis pas amoureux !

Je suis héroïque : je n'ai même pas ri.
(Sur le moment, je veux dire.)

mercredi 18 novembre 2015

Parisienne, et rien à déclarer

Je ne sais plus comment dire aux gens que ce n'est pas parce que je suis française, et à plus forte raison quasi-parisienne, que j'ai quelque chose d'intelligent à dire sur les attentats. A part "C'est gentil de vous inquiéter pour moi, mais vous qui prenez la voiture tous les jours, vous avez statistiquement beaucoup plus de chance de vous faire tuer dans la fleur de l'âge que moi d'exploser dans le RER", mais ce n'est pas vraiment ce qu'ils veulent entendre. Et quand ça dérive sur des sujets tels que la nocivité de l'Islam (par rapport à l'innocuité de leur chère Eglise Catholique à travers les siècles, c'est bien ça ?) ou les méfaits de l'immigration (alors, comment vous dire que j'ai moi-même une double nationalité ?), j'ai un peu de mal à rester polie.

Du coup, depuis hier matin, à chaque fois que je rencontre un voisin ou un commerçant qui me connaît et que je les vois prendre une mine tragique, j'entame la conversation par "Bonjour, ça ne vous dérange pas de ne pas me parler des attentats, s'il vous plaît ?". Qu'ils en tirent la conclusion qu'ils veulent.

( Désolée, dès demain j'en reviens à des sujets strictement futiles, promis.)

mardi 17 novembre 2015

Portable et mensonge

Un train régional, du genre de ceux qui vont d'une grande ville à une moyenne ville et qui passent toutes les heures. Le haut-parleur annonce que nous arrivons à destination. Mon voisin sort alors son téléphone portable, appelle quelqu'un (sans prendre la peine d'aller sur la plateforme pour ne pas déranger les voyageurs, cela va sans dire) et j'entends mot pour mot la conversation qui suit :
— Allô ? T'es où ?
(La phrase la plus prononcée au monde depuis l'invention des portables)
— ...
— Ah, t'es encore là-bas ? Pfff... Oui, bon, tu seras en retard, quoi.
— ...
— Oui, d'accord, n'empêche que tu seras en retard.
— ...
— Moi ? Je suis déjà arrivé à la maison, moi. Enfin, tant pis, je vais t'attendre. A tout à l'heure.

Franchement, j'ai été à deux doigts, mais vraiment à deux doigts, de dire bien fort quelque chose comme "Monsieur, vous voulez bien me laisser passer, le train va bientôt ENTRER EN GARE ?" Ou alors, plus succinct : "MENTEUR !".

(Ça me rappelle une jeune femme de ma connaissance : "Oui oui, je suis en train d'arriver, là." "Mais j'entends de l'eau, il ne pleut pas, pourtant ?" "Euh, non, c'est ma douche. Mais j'en ai pour cinq minutes, je te jure !")

lundi 16 novembre 2015

Solitude et indépendance (ou presque)

Et donc, pour clore une semaine de montagnes russes émotionnelles commencée avec la mort de ma grand-mère, suivie par l'arrivée du chat chez moi, le voyage à l'autre bout de la France pour l'enterrement, la naissance de mon neveu, et ne parlons même pas des attentats, dimanche matin, je me suis levée à 4h45 du matin pour prendre le train afin de faire un petit voyage dans notre maison estivale, celle héritée de mon autre grand-mère, afin de réaliser toutes les démarches que je n'ai jamais le temps de faire en été avec les gamins dans les pattes.

Quand je suis arrivée, la nuit tombait (à 16h30, beaucoup plus tôt qu'à Paris), j'avais mal à la tête d'avoir si peu dormi, tout le paysage était caché par le brouillard typiquement automnal, la maison était froide et sombre, les tapis étaient enroulés, et je n'entendais pas un bruit. Nul doute que ma soeur (la plus petite) aurait trouvé que c'était un cadre parfait pour un film d'horreur.
En plus, le frigo et le garde-manger étaient vides. L'horreur, je vous dis.

Malgré tout, j'aime venir ici toute seule pour trois ou quatre jours. J'aime la manière dont le temps se dilate. Je cours à la poste, à la mairie et à l'agence de téléphone, je traduis, je relis des épreuves, je fais des lessives (onze paires de draps qui datent de cet été), et malgré tout, j'ai l'impression que les journées font 48 heures. Le silence m'enveloppe, je m'entends de nouveau penser, je choisis mes horaires, et pendant quelques jours, plus personne ne dépend de moi. Un sentiment enivrant.

Sauf...
Sauf quand le dimanche soir, Darling me demande "mais au fait, qui va chercher les enfants à l'école demain ? Ils sortent à quelle heure, déjà ?", et qu'il faut que je réexplique le programme de la semaine (idiote que je suis, avant je l'affichais sur la porte, cette fois j'ai oublié).
Et surtout, sauf quand le téléphone sonne à trois heures du matin, parce que le Filou a une otite, que le doliprane ne calme pas la douleur, et que Darling veut savoir si on a quelque chose de plus fort, en attendant d'aller voir le médecin le lendemain.
(Oui, nous avions de la codéïne, et je connaissais la posologie par cœur. Je suis une mère formidable.)
J'ai mis deux heures à me rendormir. Et je ne pouvais pas faire la grasse matinée : je devais me lever à 7h du matin pour aller à la poste m'entendre dire qu'on ne pourra pas terminer cette fois-ci la succession de ma grand-mère (morte il y a cinq ans, oui oui, donnez-moi encore cinq ans et on en viendra à bout), et qu'il faudra que je revienne dans deux mois.

(Je n'ajoute rien, je trouve que ça se passe de conclusion)

(Voyons le bon côté des choses : j'ai trouvé un café avec Internet qui fait un bon capuccino.)

samedi 14 novembre 2015

Un neveu tout neuf

Et hier soir, à 19h, pendant que certains s'apprêtaient à aller tuer un maximum de personnes, à deux stations de métro de là, ma sœur mettait au monde un petit bonhomme. Je suis allée le voir aujourd'hui. Le chagrin n'étouffe pas le bonheur.


PS : Et depuis tout à l'heure, j'ai la chanson de Jean-Jacques Goldman dans la tête :
Fais des bébés, fais des bébés
Si tu sais plus c'que tu fous là, ni à quoi tu sers
Eux le sauront pour toi, redeviens mammifère
Pas compliqué, fais des bébés
Ça f'ra p'têtre des cadavres pour leurs saletés de bombes
Mais aussi des cerveaux pour ne pas qu'elles tombent
ABCD, fais des bébés !

jeudi 12 novembre 2015

Pépéniche

Mon oncle par alliance va bientôt être grand-père pour la première fois (d'où on peut en conclure que ma cousine est enceinte). Il n'a pas envie d'être appelé "papy" ou "pépé" par le futur bébé. On cherche une appellation plus originale, plus personnelle. Par exemple sur le modèle de mon propre grand-père, qui a longtemps habité en Afrique et que ses petites filles appelaient "Papa Brousse". Or, cet oncle habite (à temps partiel, pour l'instant) sur une péniche.
— On pourrait dire "Pépéniche", propose mon oncle (un autre).
— Ah non, j'aime pas ! proteste mon oncle (le futur grand-père).
— Mais si, c'est mignon ! appuie ma tante (l'ex de mon oncle) (oui, cet oncle-là) (la future grand-mère, donc) (si vous ne suivez pas, ce n'est pas très grave).
— Bof, ça fait un peu chien, non ? "Pépé-niche"... dit quelqu'un d'autre (j'arrête avec les liens familiaux).
— Et surtout, dis-je, ça pourrait être gênant si le gamin zozote et prononce les "ch" comme des S...

Après un grand fou-rire (tout le monde était pompette), nous avons donc rejeté "Pépéniche" à l'unanimité.
(Pour l'instant, on est sur "Papy-bateau", qui rappelle un peu "Papy gâteau". Ou pas.)

mardi 10 novembre 2015

Le Grand et la messe

Aujourd'hui avait lieu la cérémonie religieuse avant l'enterrement de ma grand-mère. Cela faisait des années que je n'étais pas entrée dans une église dans un but autre que touristique : depuis l'enterrement de mon autre grand-mère, en fait, et avant ça, depuis qu'elle n'était plus en état d'y aller elle-même et donc de m'y traîner. J'ai proposé au Grand de nous accompagner, et il a accepté très volontiers (pensez donc, ça lui faisait rater les cours).

D'abord, le prêtre a demandé des volontaires parmi les membres de la famille. Je me suis approchée, mais quand on m'a tendu une petite corbeille, j'ai soupiré.
— Franchement, faire la quête pour la richissime église catholique, ça me pose un cas de conscience, ai-je plaisanté avec Darling.
— Tu n'as qu'à demander au Grand de le faire. Lui, il n'a pas de conscience.
— Bonne idée. Mon Grand, quand le prêtre te fera un signe, tu passeras dans les rangs avec ce petit panier pour que les gens donnent de l'argent.
— C'est vrai ? Et je pourrai le garder, après ?

Puis il y a eu le début de la messe. Au nom du père, du fils, et du saint-esprit... Le Grand m'a observée, et m'a imitée. En miroir.
— Pst, mon chéri, si tu fais le signe de croix à l'envers, c'est un symbole satanique.
— Un symbole de quoi ?
— Du diable.
— Ah, zut, c'est embêtant.

Puis il y a eu le sermon. Longuet, il faut bien l'avouer. Mais à la fin, le Grand, très poli, a levé les mains. Heureusement, il a interrompu son geste en remarquant le silence environnant.
— On n'applaudit pas ?

Puis il y a eu la cloche, au moment où le prêtre lève l'hostie. Le Grand a visiblement sursauté. Il ne s'y attendait pas. Il ne me l'a pas confirmé, mais je mettrais ma main à couper qu'il a cru qu'un retardataire venait de sonner à la porte.

Puis il y a eu la communion. Les gens se sont avancés.
— Je peux en avoir aussi ?
— Non, tu n'es pas baptisé.
— Mais j'ai faim !
— Ce n'est pas ça qui te nourrira. Pas physiquement, en tous cas. L'hostie ressemble à du papier, tu sais, un peu comme les feuilles blanches qui entourent les plaques de nougat...
— Ah bon ? Mais le prêtre vient de dire que Jésus avait dit que c'était du pain !

(C'est décidé, désormais, j'emmènerai mes enfants à la messe de temps en temps. Disons, une fois par an. A partir d'un certain âge. Histoire de compléter leur éducation.)

lundi 9 novembre 2015

Il ne manquait plus que chat...

Et donc, ma grand-mère aimait les chats de race, auxquels elle donnait des noms latins ou grecs. Et bien entendu, à sa mort, le problème s'est posé : que fait-on de son chat, le dernier en date, onze ans à ce jour ?

Personnellement, j'aime beaucoup les chats. Un jour, j'en prendrai un. Mais plus tard. Quand je n'aurai pas déjà quatre enfants à caser ou à occuper pendant les vacances scolaires. Quand j'aurai les moyens de payer nourriture et vétérinaire. Quand je n'aurai pas plus de corvées ménagères qu'il ne m'en faut entre deux pages de traduction. Bref, quand les enfants auront grandi. Un jour. Mais pas maintenant. Et pas ce chat-là, aux poils plus longs que mes cheveux, qui ne peut manger qu'une nourriture déterminée, et qui n'a plus trois ou quatre années d'espérance de vie, m'a-t-on dit.

En attendant de trouver une solution (c'est fait : ma mère a craqué, c'est elle qui va l'emmener à la prochaine occasion) (un chat de race norvégienne en Provence, on aura tout vu), j'ai cependant accepté de l'héberger quelques semaines. Je ne me souvenais même plus de la couleur qu'il avait, ce chat (Mr Thing Two, qui ne l'a pas vu depuis janvier dernier, s'en souvenait très bien, lui) (je suis vexée), mais je me rappelais qu'il était calme, sage, et pas du tout agressif. Et insoulevable, m'a-t-on avertie, mais aussi gros soit-il, il est encore loin des 19 kg du Filou, donc je le trouve presque léger, en fait. Bref, j'ai proposé qu'on me l'apporte.

Et donc, aujourd'hui est arrivé chez moi...
(roulement de tambours)
... Virgile du Moulin de Vilgris.
Si, c'est son vrai nom.
En plus du chat, d'une caisse toute neuve, et de croquettes achetées spécialement chez le vétérinaire, on m'a aussi remis le pedigrée de Monseigneur Virgile. Où l'on apprend que son père, lui, s'appelait Till l'Espiègle de la Cachouteba. Nous avons aussi le nom de sa mère, celui de ses grands-parents, celui de ses arrières-grands-parents, et de ses arrières-arrières-grands-parents. Oui, tous les seize (quoiqu'il y ait un nom qui revienne deux fois, d'où j'en conclus qu'il y a eu un mariage entre cousins. Je me demande si on a obtenu une dispense du pape.)

Moi qui n'ai pas un  nom à double particule et qui serais bien en peine de citer le nom de tous mes arrières-grands-parents (sans même aller au-dessus), j'ai donc pris la décision qui s'imposait :
Désormais, je vouvoyerai ce chat.
Il faut ce qu'il faut.

dimanche 8 novembre 2015

Clignotant

L'ampoule du plafonnier de la salle de bain a claqué. Je vais à la cave chercher une ampoule de rechange, en espérant en trouver le bon modèle. Oui, il m'en reste une, IKEA. Je remonte, je l'installe, je m'électrocute au passage (oui, j'aurais dû couper le courant, mais comment voulez-vous trouver le bon disjoncteur si on ne peut pas faire des tests pour déterminer lequel fait éteindre la lumière, hein ?), puis je presse sur le bouton, et là, sous mes yeux ahuris, la lampe s'allume, puis s'éteint, puis s'allume, puis s'éteint, puis s'allume, puis s'éteint...

Après avoir fait le test avec une autre lampe, je dois me rendre à l'évidence : c'est l'ampoule qui est en cause. Mais ça ne semble pas être un problème de fabrication : l'alternance allumé/éteint est trop régulière. J'examine l'emballage, et finalement, je comprends : c'est une ampoule dotée d'un capteur de lumière, faite pour être utilisée en extérieur, s'allumant toute seule à la tombée de la nuit et s’éteignant au lever du soleil. Très pratique dans le jardin, mais dans un plafonnier ou avec un abat-jour, ça donne ça :
- L'ampoule s'allume, et la lumière se réfléchit sur le plafond ou l'abat-jour, du coup le capteur de lumière détecte qu'il y a de la lumière, du coup...
- ... l'ampoule s'éteint, et le capteur de lumière se rend compte qu'il fait noir, du coup...
- ... l'ampoule s'allume, du coup le capteur de lumière se dit que le soleil s'est levé, du coup...
- ... l'ampoule s'éteint...
... etc.
Bref, elle clignote.
Remarquez bien que c'est original, au moins. Ça donne une petite ambiance de Noël au lavage de dents...

(J'ai déjà vu un jour une veilleuse avec capteur de lumière qui faisait la même chose quand elle était branchée contre un mur blanc. Il fallait donc lui mettre une rallonge pour qu'elle ne clignote pas toute la nuit. Pratique.)

samedi 7 novembre 2015

Portraits de famille, par Mr Thing Two

Dans l'ordre, nous avons donc :

 - Maman qui travaille devant son ordinateur (ou qui blogue, ou qui fait les courses en ligne, ou qui découvre dans le cadre d'une traduction l'existence du recourbe-cils, ou qui traîne sur des sites consacrées aux vélos, mais les petits ne font pas encore la différence, et du moment que je suis devant mon ordinateur, ils estiment que je travaille) (remarquez mon air concentré)


- Papa qui regarde la télé, à un moment où son équipe de foot préférée vient de marquer un but :


- En bonus, le même vu par Miss Thing One, sauf que ce portrait-ci a été réalisé un jour où Manchester United n'était pas en forme (non, la télévision n'est pas derrière le canapé chez nous ; disons qu'à cinq ans, on ne maîtrise pas encore complètement la perspective) (désolée, les feutres étaient pourris) :


- Le Grand sur son lit, en train de jouer sur sa console :


- Et un autoportrait de Mr Thing Two, portant un t-shirt suisse qui ne figure pas dans sa garde-robe (ne me demandez pas où il a pêché cette idée), en train de jouer dans la salle de jeu (dont vous admirerez au passage les magnifiques étagères garnies de livres colorées) :


 Chacun dans sa pièce, et même, pour les plus grands, chacun devant son écran. Bon sang que c'est triste (mais drôle, aussi.)
(Non, Mr Thing Two n'a pas jugé nécessaire de dessiner sa sœur jumelle ou son petit frère.)

vendredi 6 novembre 2015

Traductions sans transition

- Un roman "pour filles" avec une princesse, des paillettes, de la magie, et Venise en toile de fond ;
- Un roman "sérieux" et actuel avec des homosexuels, une tentative de suicide, de la drogue ;
- Une "fantasy animalière" avec des bestioles qui se battent à l'épée dans les ruelles de New York ;
- Un "polar historique", avec des jeunes filles de bonnes familles qui essaient de retrouver un assassin entre deux tasses de thé.

J'ai traduit les trois premiers au cours des derniers mois, et je me lance tout juste dans le quatrième. Et pendant ce temps-là, au fil de mes recherches, j'apprends tout sur les coutumes traditionnelles vénitiennes, puis sur les différentes formes de drogues et leurs effets secondaires, puis sur les principaux monuments de Manhattan, et bientôt sur l'éducation donnée aux jeunes aristocrates anglaises il y a cent ans.

Je vous ai dit que l'une des choses que j'adore dans ce métier, c'est sa variété ?

mercredi 4 novembre 2015

Ma grand-mère maternelle

Quand j'avais cinq ans, j'avais deux grands-mères, deux grands-pères, et deux arrières-grands-mères.
Et puis, bien sûr, ils ont commencé à partir. D'abord les deux arrières-grands-mères. Puis les grands-pères. Il y a cinq ans, j'ai perdu ma grand-mère paternelle, que je porterai toujours dans mon cœur. Il ne me restait plus que ma grand-mère maternelle.

C'était une femme énergique, cultivée, farouchement indépendante, que j'ai toujours beaucoup admirée. Je ne vais pas faire son portrait ici. Mais je me souviens...

Je me souviens qu'il y avait toujours des fleurs, chez elle. Et un chat, toujours trop gâté, toujours de bonne race, toujours avec un nom latin ou grec. Et des pots de miel qu'elle me donnait à chaque visite parce qu'elle avait retenu que je faisais du pain d'épices avec. Et des livres, partout, dans tous les coins.

Je me souviens que tout le monde disait que c'était une excellente professeure, de français et lettres classiques. Je me souviens que quand j'étais arrivée à la fin de la première, elle avait été nommée pour faire passer le bac de français dans le lycée où je le passais moi-même. Je n'étais pas tombée sur elle à l'oral (et heureusement, parce que tout le monde aurait pu la soupçonner de complaisance, alors que ce n'était vraiment pas son genre ; ma mère qui l'a eue comme prof peut en témoigner). Je me souviens qu'à la fin de mon oral, j'étais sortie dans le couloir juste au moment où elle sortait elle-même d'une autre salle pour appeler l'élève suivant, et que je lui avais fait un clin d’œil discret et que j'avais levé le pouce pour lui faire comprendre que ça c'était très bien passé. Elle m'avait répondu par un grand sourire.

Je me souviens que c'était elle qui était allée chercher mes résultats du bac, et que quand on lui avait annoncé mes notes et qu'elle s'était rengorgée, on lui avait dit "Ah, c'est sûr que ça doit faire plaisir à une mère", ce qui avait doublé sa fierté. Elle avait l'air si jeune, à l'époque.

Je me souviens qu'il y a trois semaines, à l'hôpital, je lui avais lu une nouvelle de Maupassant qu'elle ne connaissait pas. Elle regrettait tellement de ne plus pouvoir lire, plus encore que de ne plus pouvoir marcher. Je me souviens que j'en avais profité pour vanter les mérite de ces liseuses qui permettent d'emporter tous les contes et les nouvelles de Maupassant sur soi en permanence.

Je me souviens qu'un jour, je l'avais rencontrée dans la rue à Milan. Oui, en Italie. Par pur hasard. C'était la première fois que je mettais les pieds dans cette ville, et j'ignorais qu'elle y était en vacances elle-même. Je voyageais avec une amie, elle aussi. Elles sortaient d'une église que nous étions sur le point d'aller visiter. Probablement la coïncidence la plus incroyable que j'aie jamais vécu.

Je me souviens que pour ses 80 ans, j'avais passé des heures sur Internet à faire un album photo, et puis de nouveau des heures sur un autre site, avec forcément une mise en page différente, pour être certaine qu'au moins l'un des deux albums arrive à temps, parce que je m'y étais prise un peu tard. Je me souviens qu'elle avait ri en voyant certaines photos que nous avions collectées chez ses proches, amies, cousines, etc.

Je me souviens que quand j'étais adolescente, deux années de suite, à Pâques, j'avais passé des vacances avec elle et avec ma cousine germaine de neuf ans ma cadette, alors que ce n'était vraiment pas une combinaison habituelle. Je me souviens que nous avions beaucoup ri en chantant des chansons idiotes, que nous avions visité une villa romaine en ruine avec un plan à la main en faisant un gros effort d'imagination, que nous avions passé plusieurs soirées à jouer au Nain Jaune, que nous avions mangé des croustades aux pommes.

Je me souviens qu'un jour, je l'avais appelée, désespérée, au milieu d'une traduction, parce que le correcteur orthographique refusait "infranctuosité" sans rien me proposer d'autre à la place, et que je ne trouvais pas le mot dans le dictionnaire. C'était elle qui m'avait donné la bonne orthographe, "anfractuosité", et qui m'avait expliqué son étymologie par la même occasion, pour que je ne l'oublie plus jamais.

Je me souviens de beaucoup d'autres choses encore, et je ne les oublierai pas. C'était vraiment une femme "épatante", pour reprendre un terme un peu désuet qu'elle utilisait souvent.

Elle s'est éteinte ce matin, après de trop longues années de souffrance, juste avant de devenir arrière-grand-mère pour la cinquième fois. J'espère qu'elle est déjà dans ce paradis auquel elle croyait plus ou moins, qu'elle a recouvré la vue, et qu'elle s'est plongée illico dans un bon bouquin.

mardi 3 novembre 2015

Double attente

Je vérifie que le téléphone fixe est bien raccroché. Je vérifie que mon portable est bien chargé. Je vérifie que personne n'a appelé en mon absence. Je me couche tous les soirs en me demandant si quelqu'un va me téléphoner ou m'envoyer un texto pendant la nuit...

Depuis quelques jours, j'attends deux coups de fil. Je continue à vivre normalement, mais j'y pense à longueur de temps. Un membre de ma famille proche est en fin de vie. Un autre est sur le point d'accoucher. A n'importe quel moment, je pourrais apprendre une naissance, ou un décès. Je ne sais pas ce qui viendra en premier. J'ai un gros nœud dans la gorge, mais je le ravale. C'est trop tôt. Je ne pleure pas, je ne me réjouis pas. Je me mords les lèvres, et je fais comme si de rien n'était.

J'attends.

lundi 2 novembre 2015

Généralité parentale

Dimanche soir :
— Demain, les poussins, vous retournez à l'école.
— Ouiiiii ! s'impatiente Mr Thing Two. Tu nous l'as déjà dit !
— C'est parce que je voudrais éviter les caprices à 7h et demie du matin. Je préfère que vous soyez habitués à cette idée.
— J'ai pas envie d'aller à l'école.
— Je sais, mon bonhomme, mais c'est comme ça. Tous les enfants doivent aller à l'école.
— Et papa, il retourne au travail ?
— Oui. Il n'en meurt pas d'envie, mais il y retourne.
— Et toi, tu recommences à faire des traductions.
— Exactement.
— C'est comme ça. Toutes les mamans sont traductrices.

dimanche 1 novembre 2015

Cinéma ou poussette ?

J'ai envie d'aller au cinéma, mais Darling ne peut pas venir avec moi (pas de baby-sitter) et le Grand ne veut pas (il a l'intention de passer la soirée à regarder un documentaire sur la Seconde Guerre mondiale) (franchement, ça devient lassant). A tout hasard, je téléphone à ma sœur, qui habite à quelques dizaines de mètres du cinéma où je projette d'aller. L'une de mes deux petites sœurs (je suis l'aînée), mais la plus grande (vous suivez ?)*. Autrement dit, pas celle de 14 ans : celle qui n'a que huit ans de moins que moi, qui sort tout juste de l'adulescence (elle va me tuer), et qui attend un heureux événement d'un jour à l'autre.

— Allô, c'est Fofo, ça va ?
— Mouais... J'ai mal au dos, et puis j'en ai marre, j'ai déjà fait les vitres, lavé toute la maison, je demande toujours à passer sur des rues pavées quand je vais quelque part en voiture, bref j'ai essayé toutes les méthodes pour accélérer l'accouchement, même les moins avouables, et ça ne vient toujours pas...
 — Allez, courage, ce n'est plus très long. Dis, je me demandais si tu voulais aller au cinéma avec moi ce soir ? C'est un peu notre dernière occasion avant longtemps...
— Ah, c'est gentil, mais... en fait j'avais l'intention d'aller dans un showroom de poussettes...

Si on m'avait dit qu'elle prononcerait un jour une phrase pareille, je ne l'aurais pas cru. J'ai repensé à toutes ces fois où elle m'a dit que je ne sortais pas assez parce que j'avais toujours le nez dans mes biberons, alors qu'elle-même allait de fête en soirée et de party en after, et pendant tout le trajet vers le cinéma, en pédalant sur mon vélo, j'ai chanté à tue-tête.



* Un concept totalement incompréhensible pour les Things, qui passent leur temps à dire des phrases qui commencent par "Quand je serai une grande sœur" (autrement dit, quand j'aurai l'âge du Grand) ou même "Quand le Filou sera un grand frère" (!!). Impossible de leur faire entrer dans la tête la relativité de ce concept...