jeudi 31 octobre 2013

Alice au pays des éditions

Après douze jours de vacances, je demande au Grand s'il est vraiment certain de ne pas avoir un roman à lire pour lundi. Il a déjà répondu au moins deux fois par la négative à cette question, mais j'insiste, car le professeur de français nous avait annoncé qu'il leur imposerait une lecture à chaque périodes de vacances. Il râle ferme, mais il consent à vérifier. Et m'annonce, tout penaud :
— Ah si, en fait il y en a un.
Devant mon air affolé, il me rassure :
— Non mais t'en fais pas, on n'est pas obligé de tout lire d'un coup, il faut juste avoir lu le début, puisqu'on va commencer par étudier les premiers chapitres.
— Tu es au courant que nous partons en weekend demain ?
— Oui, ben, je le lirai dans le train !
— Mmm. Admettons. Et c'est quel livre ?
Alice au pays des merveilles.
— Dans quelle édition ?
— Je ne sais pas.
— Comment ça, tu ne sais pas ? Tu n'as pas d'autre précision ?
— Si, le nom de l'auteur. C'est de Lewis Carroll.
Me voilà bien avancée.
— Et le traducteur ?
— Il y a plusieurs traductions ?

Restons calme. Le roman date de 1865. Je n'ose pas imaginer combien de traductions, réécritures, versions abrégées, parodies, résumés etc. ont été publiés depuis. Mon édition est celle qui appartenait à ma mère quand elle était petite. Autant dire qu'elle n'est pas toute récente. Je l'ai aussi en anglais. Ça ne va pas nous aider.
— Mais comment ton prof veut-il que j'achète un bouquin pour lequel je n'ai aucune référence ?
— Il a dit qu'il les avait commandés à la papeterie en face de mon collège, et qu'il suffisait d'aller les acheter là-bas.
Sympa, le prof. C'est ce qu'on appelle un marché captif. Même si je détestais la papetière, ou si j'étais à court d'argent et que je voulais acheter le bouquin d'occasion, ou si j'avais trois aînés qui ont étudié le même roman et déjà trois exemplaires du livre à la maison, ou si mon conjoint était libraire et pouvait acheter les livres directement sur son lieu de travail sans me faire perdre deux heures de mon temps précieux (juste un exemple au hasard), je serais donc forcée d'aller à la papeterie, puisqu'il n'a pas daigné nous donner la référence. J'apprécie.

Inutile de s'énerver : quand faut y aller, faut y aller. Je prends donc mon sac, mes lettres à poster, mes chèques à donner à la banque, ma carte bleue pour retirer de l'argent, ma nappe à apporter au pressing, un cabas pour faire quelques achats au marché en revenant (toujours rentabiliser les déplacements, une règle absolue, chez moi), et je m'apprête à partir.
— Tu m'accompagnes, mon Grand ?
— Non, je préfère rester ici jouer à la DS en pyjama.
Sans blague.

Après avoir posté mes lettres, être passée à la banque, etc., je me présente à la papeterie.
— Bonjour, je voudrais acheter Alice aux pays des merveilles, pour mon gamin qui est en sixième au collège d'en face.
— Dans quelle édition ?
— Ben, justement, je ne sais pas, mais il paraît que vous, vous savez !
— C'est qu'il y en a plusieurs, des profs qui nous ont demandé d'acheter ce livre, et dans des éditions différentes, bien sûr... Attendez, je vais vérifier. En sixième, vous dites ?
Elle trouve deux piles d'Alice sur ses étagères. Mais elle fronce les sourcils :
— Non, ce n'est pas ça... Je crois qu'on les a déjà retournés, malheureusement. Vous comprenez, ça prend de la place, et on les gardait depuis la rentrée...

Par bonheur, elle a accepté de passer dix bonnes minutes à vérifier ses mouvements de stock pour chaque édition différente d'Alice au pays des merveilles référencée sur son ordinateur, jusqu'au moment où elle a découvert qu'elle en avait vendu une vingtaine dans la collection "Petits classiques Larousse". Alléluia !
— Voulez-vous que je vous le commande ? Il arrivera mardi.
— Pour le lire d'ici lundi, ça risque d'être un peu juste...

Conclusion : Darling nous le rapportera ce soir, SI cette édition est en stock. Et dans le cas contraire, tant pis, le Grand se contentera de regarder le dessin animé de Disney. Mais si, mais si, c'est presque la même chose. Non ?

mardi 29 octobre 2013

Les Things en vacances

— Alors, me demande Darling en rentrant hier soir, comment vont les Things ? Ça se passe bien, ces premières vacances sans nous ?
— Comment veux-tu que je le sache ?
Il me dévisage, les yeux ronds.
— Tu n'as pas téléphoné à ta mère pour prendre des nouvelles ?
— Heu... non.
Ça ne m'est même pas venu à l'idée. Non mais attendez, c'est très bon signe, ça veut dire que je ne suis pas une mère angoissée, vous comprenez ?
Bon, d'accord, je suis une mère indigne. On le saura.

Heureusement, ma mère, moins indigne que moi, m'a envoyé une photo pendant la soirée :

Tiens, les veaux aussi, ça boit des biberons ?

Franchement, ils n'ont pas l'air malheureux, il me semble ?


Edit : Depuis que j'ai rédigé ce texte, ils m'ont téléphoné. D'après ce que j'ai réussi à comprendre (Mr Thing Two a une voix à la limite des ultrasons), c'est très bien chez Mouna, et ils se sont déguisés, et ils ont fait un gâteau avec des pommes, et ils ont vu des moutons. Je savais bien que je n'avais aucune raison de m'inquiéter !

dimanche 27 octobre 2013

Les ailes coupées

J'ai rêvé que je vivais dans un monde où les filles, arrivées à la puberté, apprenaient à voler.
Mais si un homme les touchait, ou même simplement les effleuraient, non seulement elles perdaient ce pouvoir, mais elles devenaient aveugles. Je me suis réveillée au moment où j'essayais d'échapper à un homme qui me poursuivait, mains tendues.
Allô, docteur Freud ?
(Je vous ai dit que ma mère était psy ?)

samedi 26 octobre 2013

Premières vacances sans maman

Demain, je vais emmener les Things chez ma mère, et ils resteront là-bas jusqu'à vendredi, jour où nous irons les rejoindre. Pour la première fois depuis leur naissance, je ne vais pas voir mes jumeaux pendant cinq jours d'affilée. Le soir, il n'y aura que le Grand et le Filou pour égayer nos repas. Au moment du coucher, pas de long album à lire, pas de dents à brosser, pas de "viens faire pipi". Le matin, un seul biberon préparer, un seul enfant à habiller. Et eux, pour la première fois de leur vie, vont se passer de leur maman pendant cinq jours.

C'est drôle, hein ? On rêve de les jeter par la fenêtre, et quand on sait qu'on ne va pas les voir pendant quelques jours, on a une boule dans la gorge... On voudrait qu'ils soient indépendant, et on enrage de les voir se réjouir à la perspective d'aller chez leur grand-mère sans maman... On proclame haut et fort qu'ils nous fatiguent, et on craint d'avoir du mal à s'endormir en les sachant à l'autre bout de la France, si loin...

...

...

...

...

Vous y avez cru ?

(Si oui, vous ne me connaissez pas encore assez bien !)

(Mon seul regret est que ma mère n'en prenne que deux, en fait... Mais c'est déjà formidable : on l'applaudit bien fort !)

jeudi 24 octobre 2013

Au bout du compte

Déjeuner au restaurant japonais, de ceux où des petites assiettes pleines de bonnes choses tournent sur un tapis roulant, où on se sert soi-même, et où à la fin, il faut compter combien on a d'assiettes de chaque couleur pour calculer combien ça va coûter. Mr Thing Two voit son père compter et imite son geste. Amusée, je lui lance :
— Toi aussi, tu comptes les assiettes ?
— Oui !
— Alors, combien y en a-t-il ?
— Deux, trois, cinq, neuf... beaucoup beaucoup !

Bon. Ça va donc nous coûter cher cher.

mercredi 23 octobre 2013

Onassis et Morel sont dans un bateau...

Un des personnages de ma traduction en cours est un riche "shipping merchant". Je vois très bien ce que c'est : quelqu'un qui possède des navires utilisées pour le commerce. Quelqu'un qui travaille dans l'import-export, quoi, mais je ne peux pas vraiment utiliser cette expression pour ce roman situé dans l'Angleterre victorienne. Je ne peux pas non plus utiliser une longue périphrase pour ce personnage qui est à peine mentionné et qui n'apparaît pas au cours du roman. De toute façon, il y a un terme français pour ça, j'en suis presque certaine. Mais lequel ? Pour le moment, il m'échappe.

Mon dictionnaire sur CD-rom me donne "commerçant". Merci bien.
Wordreference me dit "transporteur". Ben voyons.
Mon dictionnaire sur papier me donne la traduction de "merchant shipping", soit "navires de commerce", mais pas de "shipping merchant". Ah, mais zut à la fin !

Pourtant, il existe, ce mot. Je le connais. Je l'ai sur le bout de la langue. Mais pourquoi diable est-ce que je pense à "armurier" ? Ça n'a rien à voir. Pourquoi mon cerveau ne me fournit-il pas le bon mot ?

Recherches sur google, recherches par coocurrence, recherches dans un thésaurus. Aucun résultat.  Ça fait une demi-heure que je suis bloquée là-dessus. Et je ne peux même pas me dire que je vais passer à la suite et que ça me reviendra après une bonne nuit de sommeil. C'est déjà ce que j'ai fait hier et avant-hier, et ça ne m'est pas revenu. Là, j'en suis au stade du polissage, juste avant la correction orthographique et l'impression pour relecture sur papier. Il faut que je trouve ce mot !

Je fais part de mon désarroi à Darling ; non que je m'attende à ce qu'il connaisse le mot français (Darling n'est pas français, pour ceux qui suivent), mais il aura peut-être une idée pour le retrouver. Finalement, nous l'avons en même temps, cette idée : faire des recherches sur quelqu'un qui faisait ce métier !

- Darling est allé consulter la page Wikipedia d'un certain Onassis, un homme apparemment célèbre dont je n'avais jamais entendu parler ;
- Moi, je suis allée vérifier dans Le comte de Monte-Cristo quel était le métier de Morel, vous savez, celui qui est sur le point de se suicider mais son bateau naufragé réapparaît miraculeusement juste au bon moment.
Une personnalité réelle pour lui, un personnage imaginaire pour moi. Ça doit vouloir dire quelque chose sur nous, mais quoi ?

(Onassis et Morel étaient armateurs. Pas armURIERS, armATEURS. Je ne remercie pas mon cerveau.)

mardi 22 octobre 2013

Inactivité

Aujourd'hui, je n'ai rien fait.

Je voulais terminer ma traduction, passer à la banque, téléphoner à une agence immobilière, déclarer à l'URSAFF mon assistante maternelle (à faire avant fin septembre). Je n'ai rien fait de tout ça.

Et comme ma traduction est presque finie, je voulais aussi regarder un film, lire quelques pages d'un roman, et puis faire une promenade avec les enfants, puisqu'ils sont en vacances (sauf le Filou).

Mais la journée s'est achevée avant d'avoir eu le temps de commencer. Je n'ai rien réussi à faire. Je ne me suis même pas assise à mon bureau pour répondre à mes emails. Je n'ai même pas envoyé un chèque pour les charges (à payer avant le 15 octobre). Je n'ai RIEN fait. Juste le strict minimum pour la survie d'une famille de sept personnes (le Grand a invité un copain pour les vacances) : lessives, cuisine, un peu de rangement.

Quatre lessives avec tri des vêtements sales, étendage, sèche-linge, pliage, rangement des vêtements dans les armoires respectives.
Cuisine pour cinq à sept personnes selon les repas, quatre fois (le goûter est un vrai repas, chez nous), avec vaisselle et rangement de la cuisine à chaque fois, et puis courses, bien sûr.
Rangement... Je vous ai dit que les enfants étaient à la maison ?

Voilà. Aujourd'hui, je n'ai rien fait. Et je suis épuisée.

C'est encore long, les vacances ?

lundi 21 octobre 2013

Les 39 clés

Il y a environ un an et demi, je vous racontais que mon Grand, qui jusqu'ici n'avait quasiment pas lu un seul roman en dehors de ceux imposés par ses instits, s'était lancé du jour au lendemain dans la série complète des Harry Potter, série qu'il a lu trois fois d'affilée (!) au cours des semaines suivantes, et probablement deux ou trois fois depuis.
Depuis, il s'est mis à lire des romans de temps en temps. Je ne dirais pas que c'est ce qu'on appelle un grand lecteur, étant donné qu'il se cantonne souvent à des relectures de BD qu'il connaît par coeur (ce qui veut tout de même dire qu'il lit, nous sommes bien d'accord), mais quand on arrive à lui donner envie de lire un roman et qu'il s'y met, il est capable de le terminer dans la journée.
Et bien sûr, c'est plus facile avec des séries. Les séries ont cet avantage qu'elles combinent les avantages des relectures et des découvertes. Commencer le deuxième ou dixième volume d'une série, c'est facile, car on connaît déjà les personnages, le style, l'ambiance, le genre ; et à la fois, c'est une autre histoire. Sans compter qu'avec mille ou deux mille page en tout, on a plus de temps devant soi avant de devoir quitter définitivement un univers où on se sentait bien.
En dehors de Harry Potter, d'une quinzaine ou vingtaine de Fantômette, de Au bonheur des monstres et sa suite, et des Kamo, il a donc lu au cours de ces derniers mois un certain nombre de trilogie ou de séries, plus quelques romans individuels. La dernière en date, peut-être celle qui l'a le plus happée (au point que cette fois encore, il a relu quelques tomes immédiatement après avoir terminé le dernier volume), c'est la série Les 39 clés.

J'avais lu les deux premiers volumes de cette série pour un éditeur quand elle était sortie en Grande-Bretagne, et j'avais fait des fiches tellement enthousiastes que mon éditeur avait fait une offre à l'éditeur anglais. Malheureusement, la vente des droits avait donné lieu à des enchères qui avaient atteint un montant que mon éditeur ne pouvait pas suivre. C'est donc Bayard qui l'a emporté, et qui a fait ce choix, à mon avis déplorable, de mettre ces titres dans la même collection que La cabane magique, avec des illustrations du même dessinateur.
Or, non seulement Les 39 clés vaut bien mieux, mais en plus, cela s'adresse à un public plus âgé. Les couvertures anglaises, sans être magnifiques, ont au moins cet avantage qu'elles ne semblent pas viser à séduire des gamins de 7 ou 8 ans.
De quoi s'agit-il donc ? D'une chasse au trésor, tout simplement. Dan et Amy, frère et soeur de 11 et 14 ans, sont deux orphelins membres d'une famille très riche et très prestigieuse ; à la mort de leur grand-mère, ils découvrent que cette dernière a organisé une gigantesque chasse aux indices qui permettra à celui ou ceux qui la remporteront de devenir maîtres du monde. Dan et Amy acceptent le défi et se lancent là-dedans avec la seule compagnie de leur baby-sitter "adulescente" (centres d'intérêt : fringues, MP3 et garçons). Ce qui est peu, quand on doit affronter une superstar, des jumeaux terriblement riches (et beaux), une famille quasiment paramilitaires, une tante prête à tout...
Chacun des dix volumes a été écrit par un auteur différent (mais toujours connu) et nous emmène dans un pays et un univers différents. Au passage, on apprend plein de choses sur des sujets aussi variés que Vienne et la musique classique, l'expédition en Égypte de Napoléon, la révolution russe, le Japon du XVIe siècle... Les aventures sont trépidantes, bourrées d'action, avec des rebondissements sans fin et un suspense qui tient en haleine. Surtout, j'ai apprécié les personnages, tous hauts en couleur et très réussis, et l'humour, présent même dans les situations les plus tragiques. Ce qui n'exclut pas, parfois, l'émotion...
A noter que la série de livres s'accompagne d'un site web où le lecteur peut se connecter avec un numéro individuel et faire sa propre chasse au trésor, mais aussi " apprendre grâce aux fiches documentaires, jouer en ligne, et gagner des cadeaux" (je cite). Je crois cependant que le Grand n'a même pas remarqué ce détail, et de mon côté, je me suis bien gardée de lui en parler (je ne tiens pas à ce qu'il monopolise mon ordinateur, merci !). J'ignore donc totalement ce que vaut le site et si cela représente réellement une valeur ajoutée. Mais même sans cet accompagnement, les livres valent le détour à eux seuls, promis !

dimanche 20 octobre 2013

Main dans la main (deux fois)

D'un côté, une petite main toute douce, menue, potelée, chaude.
De l'autre côté, une main plus grande, plus ferme, plus musclée. Souvent plus sale, aussi.
Même dans le noir le plus complet, je n'aurais pas une seconde d'hésitation si on me demandait de quel côté je tiens Miss Thing One et de quel côté je tiens Mr Thing Two...

(Il y a aussi d'autres indices. Un flot de paroles s'élève généralement du côté de Mr Thing Two. Il marche plus vite, aussi, et a moins besoin d'être tiré. Il a également tendance à me lâcher pour grimper sur un muret ou ramasser quelque chose par terre. Et dans ces cas-là, si j'ai le malheur de faire trois pas sans lui, il pousse des hurlements comme si je l'avais abandonné au milieu d'un désert. Mais de toute façon, c'est facile : Miss Thing One se trouve souvent à ma droite. En effet, elle préfère me donner la main gauche. Ainsi, son pouce droit est libre d'être fourré dans sa bouche...)

jeudi 17 octobre 2013

Un toboggan dans le métro

On a beau être une respectable dame aux cheveux gris vêtue de son plus beau tailleurs pantalon déchiré, comment voulez-vous résister à ça :


Quand ils ont demandé des volontaires, je n'ai pas hésité, et trente secondes plus tard, je glissais jusqu'en bas de l'escalier sur un coussin, au lieu d'emprunter dignement les marches à côté.

Le genre de détails qui peut illuminer ma journée...

(C'est à la station Auber, si vous voulez tout savoir, et c'est pour fêter la sortie d'un film, je crois.)

mercredi 16 octobre 2013

Les premiers mots du Filou

— Doudou !
— Tu veux ton doudou ?
— Ou.
— D'accord. Tiens, je le pose là. Oh, voilà papa !
— Papa !
— Attends, laisse-le enlever ses chaussures avant d'aller lui faire un câlin. Dis, bébé blond, tu n'as pas fini tes pâtes. Tu en veux encore ?
— Tâteau !
— Ah, tu préfères passer au dessert ! Non, je ne vais pas te donner de gâteau, mais tu veux une compote ?
— Ou.
— Tu commences à parler, mon amour ! Tu n'as pas idée à quel point ça me fait plaisir ! Et "maman", tu sais dire "maman" ?
— ...
— Tu dis "maman", mon chéri ?
— Nan.

Sale gosse.


(Selon l'assistante maternelle, il dit aussi quelque chose comme "Aït", ce qui pourrait correspondre au nom de son frère, et personnellement je l'ai déjà entendu dire plusieurs fois "tunutunutunu" en chatouillant un membre de la famille torse nu, imitation assez réussi de mon "tout nu tout nu tout nu !". Mais "maman", non, jamais, même pas une fois. Sale gosse !)

Parisienne pour la vie

Quand nous avons déménagé dans cette commune de proche banlieue, il y a trois mois, j'ai demandé à Darling :
— Tu crois que nous retournerons habiter à Paris intra-muros, un jour ?
Il a eu un petit sourire attendri, le sourire de quelqu'un qui a déjà été déraciné au moins trois fois, et m'a répondu :
— Non, probablement pas. Quand on a pris l'habitude d'habiter dans une maison, ça doit être dur de revenir en arrière...

Bien sûr, il ne faut jamais dire jamais. Qui sait où je serai, dans trente ou quarante ans ? Si ça se trouve, j'aurai envie d'ascenseur, de voisins de paliers, d'un massif de fleurs entretenu par des jardiniers professionnels en guise de jardin, d'un métro juste au pied de mon immeuble. Ou peut-être que je deviendrai si riche que je pourrai m'offrir une maison individuelle au cœur de Paris (mon rêve). Ou que pour n'importe quelle raison professionnelle, sentimentale ou familiale, j'aurai déménagé depuis longtemps à l'autre bout de la France, ou du monde...

J'aime beaucoup la maison où j'ai emménagé, j'aime ma nouvelle commune, j'aime les paysages des environs, j'aime avoir enfin une habitation assez grande pour que six personnes ne se marchent pas sur les pieds, j'aime l'idée de pouvoir faire des travaux et aménager l'espace plus ou moins à ma guise, j'aime la perspective d'avoir un ou deux arbres fruitiers et quelques légumes et herbes aromatiques dans un coin. Je ne regrette pas d'avoir fait ce choix, qui était le bon choix pour une famille avec quatre enfants.

N'empêche, avant-hier, je suis passée là en fin de journée :


Et franchement, j'en aurais pleuré.

(Je sais, c'est ridicule, d'autant plus qu'il me faut à peine un quart d'heure de plus qu'avant pour arriver sur l'île de la Cité. N'empêche que j'aurais tant aimé rester parisienne pour toujours, et pas seulement dans l'âme...)

mardi 15 octobre 2013

Gla gla

Avant, dans notre appart parisien, nous avions toujours chaud. Les gens qui venaient nous rendre visite en hiver s'en plaignaient : ils devaient ôter deux ou trois couches avant d'être à l'aise. Moi-même, j'étais toujours en T-shirt, manches courtes l'été, manches longues l'hiver. Et pas parce que nous surchauffions notre appartement, bien au contraire : les radiateurs n'étaient généralement allumés que dans la salle de bain et la salle à manger, et nous dormions toute l'année fenêtre ouverte. Mais avec des voisins au-dessus, au-dessous, à droite, à gauche, qui chauffaient leur appartement, je crois que nous aurions même pu nous passer d'allumer les radiateurs, tout court, et conserver tout de même une température agréable.

Lorsque j'ai acheté cette maison, j'ai compris que c'était fini, tout ça. Pas de maison mitoyenne, des vieilles fenêtres avec des vitres fines comme du papier à cigarette (je sais, il va falloir les changer vite), trois étages différents... En bonne bobo écolo, je m'en suis presque réjouie. Tout le monde sait que c'est très vilain de trop chauffer sa maison, et qu'en baissant la température ne serait-ce que d'un degré, on économise plein de ressources (et aussi plein de sous, par la même occasion). Je me suis promis que cet hiver, pour la première fois de ma vie ou presque, j'allais porter des pulls. Une amie m'a même tricoté des mitaines, pour protéger mes doigts gourds pendant mes longues heures de travail sur mon clavier (et elle me les a offert en plein mois d'août, en vacances, un jour où il faisait 35° à l'ombre, ce qui avait un petit côté cocasse).
Il y a quinze jours ou trois semaines, quand les températures ont commencé à baisser pour de bon, Darling a suggéré d'allumer le chauffage. Je me suis indignée. Pas question ! Halte au gâchis ! Mettons des pulls ! Soyons écolos ! Pas de chauffage avant le 1er novembre, au plus tôt !

Et puis il y a quatre ou cinq jours, j'ai craqué. Je ne sais pas si c'était quand je me suis relevée en pleine nuit pour mettre une couverture par-dessus la couette, ou quand j'ai enfilé un pull en polaire par-dessus mon pull en laine et mon T-shirt, ou quand je me suis rendu compte le jeudi que le linge étendu le dimanche n'était pas encore sec. En tous cas, j'ai monté le thermostat, qui a fait un "clic" très prometteur.
Et ensuite, il ne s'est rien passé.
Perplexité. La chaudière fonctionne, pourtant. Et très bien, même : je m'ébouillante à chaque fois que je fais la vaisselle. Y aurait-il une position "été" qui coupe le chauffage ? Tout ce que je vois, c'est qu'il y a deux boutons, et qu'ils sont tous les deux sur "ON".

Allô, un chauffagiste ?

Le premier n'a jamais décroché son téléphone.
Le deuxième m'a dit qu'il me rappellerait et ne l'a jamais fait.
Le troisième m'a expliqué qu'il était surbooké (non mais franchement, ces gens qui attendent qu'il fasse froid pour vérifier si leur chauffage fonctionne, ce n'est pas un peu n'importe quoi, dites ?).
Le quatrième m'avait promis de passer ce soir. Vu l'heure qu'il est, j'ai un peu perdu espoir.

A l'heure où je vous écrit, le thermomètre accroché juste au-dessus de mon bureau affiche 16°C. Et je suis dans la pièce la plus chaude de la maison. Mais ne vous inquiétez pas, emmitouflée dans une couverture en laine, avec mes deux pulls et mes mitaines, j'arrive encore à travailler. Et ma bonne conscience me réchauffe : plus écolo que ça, tu meurs. De froid.

lundi 14 octobre 2013

Suis-je bobo ?

Hier, un internaute de passage sur ce blog m'a traitée de "bobo", un mot que j'ai parfois employé moi-même à mon propre sujet. Je sais qu'il est souvent utilisée de manière péjorative, mais je ne comprends pas vraiment pourquoi. Par curiosité, je suis allée voir la définition de Wikipedia :
Le terme bobo, contraction de bourgeois-bohème, est une expression désignant des personnes relativement aisées, dont les valeurs se situent à gauche. À partir de cette définition générale, différents attributs peuvent être ajoutés à l'archétype du bobo : urbain, écologiste, idéaliste (...)
Dans la foulée, j'ai réécouté la chanson de Renaud, Les bobos, une chanson qui avait choqué pas mal de monde quand elle est sortie, et qui moi me fait beaucoup rire, car en dehors de deux ou trois passages, je trouve le portrait très juste. Et j'ai essayé de voir jusqu'où il s'appliquait à moi :

On les appelle bourgeois-bohêmes
Ou bien bobos pour les intimes
Dans les chansons d´Vincent Delerm
On les retrouve à chaque rime
Alors, ça commence mal, je ne connais pas Vincent Delerm. Je ne suis pas très au fait de tout ce qui est chanson française après Jean-Jacques Goldman et... Renaud lui-même, justement. Mais du coup, je vais peut-être écouter Vincent Delerm la prochaine fois que j'aurai envie de découvrir un nouveau chanteur, tiens.
Ils sont une nouvelle classe
Après les bourges et les prolos
Pas loin des beaufs, quoique plus classes
Je vais vous en dresser le tableau
Ça me semble assez bien trouvé, comme définition. Ni bourges, ni prolo, et plutôt classe... Oui, ça me va !
Sont un peu artistes c´est déjà ça
Mais leur passion c´est leur boulot
Dans l´informatique, les médias
... ou l'édition. C'est vrai. C'est chouette, de faire un boulot qu'on aime, non ?

Sont fiers d´payer beaucoup d´impôts
Je ne sais pas s'il veut dire qu'ils sont fiers de bien gagner leur vie grâce à leur travail, ou s'ils sont fiers de ne pas pratiquer l'évasion fiscale et de participer à la répartition des richesses. Dans les deux cas, j'en suis !
Ils vivent dans les beaux quartiers
Ou en banlieue mais dans un loft
Ateliers d´artistes branchés,
Bien plus tendance que l´avenue Foch
Avant d'acheter ma nouvelle maison en banlieue, j'ai visité un loft super chouette, et je me suis même dit que ça me correspondrait mieux que cette maison un peu trop classique. Mais il n'y avait pas de jardin, et les bobos rêvent de faire pousser leurs propres topinambours ou des variétés de tomates ancienne, c'est bien connu.
A part ça, il oublie de dire qu'un loft en banlieue, c'est certes plus tendance que l'avenue Foch, mais aussi (et surtout) moins cher.
Ont des enfants bien élevés,
Qui ont lu le Petit Prince à six ans
Le Grand vient seulement de le lire, à onze ans, mais je ferai mieux avec les suivants, promis. Je vais même acheter le livre lu par Gérard Philippe, par sécurité.
Qui vont dans des écoles privées
Privées de racaille, je me comprends
Oui, alors soyons précis : soit ils vont dans des écoles privées à la pédagogie alternative (Montessori, Steiner, ou des écoles bilingues), soit ils vont dans l'école publique de leur quartier, mais comme ils vivent "dans les beaux quartiers", il n'y a pas de racaille, forcément. Ils ne vont pas dans des écoles privées catholiques, en général.
Ils fument un joint de temps en temps,
Ah non, pas moi, jamais ! Mais j'en connais, c'est vrai. Je désapprouve très fort, cela dit.
Font leurs courses dans les marchés bios
Bien entendu. Et à la biocoop, au rayon vrac, pour éviter le suremballage.
Roulent en 4 x 4, mais l´plus souvent,
Préfèrent s´déplacer à vélo
Alors le 4x4, c'est un des trucs qui me laissent perplexe dans cette chanson. Les bobos sont le plus souvent parisiens et écolos, si j'ai bien compris, donc pourquoi auraient-ils un 4x4 ?
Par contre, pour le vélo, c'est vrai. Certains extrémistes se déplacent même en triporteur !
Ils lisent Houellebecq ou Philippe Djian,
Houellebecq, je pense que ça ne me plairait pas. Philippe Djian est dans ma PAL (pile à lire), par contre.
Les Inrocks et Télérama,
Ah, Télérama ! Ma bible !
Leur livre de chevet c´est Cioran
Ça, c'est plutôt Darling.
Près du catalogue Ikea.
Ça, c'est moi ! Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, un loft d'architecte ou une maison classieuse s’accommodent très bien de meubles IKEA premier prix, customisés ou non.
Ils aiment les restos japonais et le cinéma coréen
Dans mon cas, plus les restos japonais que le cinéma coréen, mais c'est encore vrai !
Passent leurs vacances au cap Ferret
La Côte d´Azur, franchement ça craint
Souvent en montagne, aussi, non ? Beaucoup de bobos sont des randonneurs, il me semble. Ou bien je généralise d'après mon propre cas ?
Ils regardent surtout Arte
Canal plus, c´est pour les blaireaux
Sauf pour les matchs du PSG
Et d´temps en temps un p´tit porno
Si je regardais la télévision, je regarderai surtout Arte, en effet. En l’occurrence, je me contente de lire les résumés et critiques des programmes d'Arte dans Télérama. (Les résumés des matchs de foot et des pornos sont d'un intérêt limité, il faut l'avouer.)
Ils écoutent sur leur chaîne hi-fi
France-Info toute la journée
Alain Bashung Françoise Hardy
Et forcément Gérard Manset
En fait je n'écoute pas grand-chose, et surtout pas la radio. (Mais je lis les critiques des bons programmes dans Télérama.) (Si, je vous jure)
Ils aiment Desproges sans même savoir
Que Desproges les détestait
Vlan, dans les dents. C'est vrai que Desproches est une star chez les bobos. Mais comment pouvait-il les détester, alors que les bobos n'existaient pas encore ?
Bedos et Jean-Marie Bigard,
Même s´ils ont honte de l´avouer
Je n'ai pas du tout honte d'avouer que j'aime bien Guy Bedos. Bigard, heu, bof.
Ils aiment Jack Lang et Sarkozy
Alors là, Sarkozy, ça me laisse autant perplexe que les 4x4. On parle bien du monsieur qui est allé en voyage de noce à Disneyland ? Du président qui n'a cessé de réduire le budget de la culture, et qui a même dit du mal de La princesse de Clèves, le vilain ? Pourquoi plairait-il à des intellos ?
Mais votent toujours écolo
Ah, voilà qui me rassure. Mais raison de plus : pourquoi aimeraient-ils Sarkozy, qui n'est pas vraiment écolo ?
Ils adorent le maire de Paris,
Ah oui, oui, oui ! Et il y a de quoi : Velib et pistes cyclables, Autolib, Paris-Plage, Nuit Blanche, et des tas d'autres choses moins visibles... Et puis bon, après Chirac et Tibéri, les parisiens revenaient de loin : on ne pouvait que faire mieux !
Ardisson et son pote Marc-O
Là, ma culture générale trouve une fois de plus ses limites. Je ne sais pas de qui il s'agit. Des gens qui passent à la télévision, j'imagine.

La femme se fringue chez Diesel
Et l´homme a des prix chez Kenzo
Pour leur cachemire toujours nickel
Zadig & Voltaire je dis bravo
Bon, moi c'est plutôt Monoprix, dans le meilleur des cas, mais je ne suis pas représentative, sur ce coup-là.
Ils fréquentent beaucoup les musées,
Les galeries d´art, les vieux bistrots
Si j'avais le temps, j'en ferais autant... C'est plutôt sympa, comme programme !
Boivent de la manzana glacée
En écoutant Manu Chao
Ou un thé vert en écoutant de la musique baroque ? Ça marche aussi ?
Ma plume est un peu assassine
Pour ces gens que je n´aime pas trop
Par certains côtés, j´imagine
Que j´fais aussi partie du lot
J'avoue, ça me fait rire que Renaud dise ne "pas trop" aimer ces gens, alors qu'à mon avis, 80% de son public sont des bobos, et qu'en effet, il en est peut-être aussi un lui-même... non ?


Bon, alors, après avoir lu la définition de Wikipedia et la chanson de Renaud, je peux me poser à nouveau la question : suis-je bobo ?

Mmm, voyons... Laissez-moi y réfléchir encore un peu...

(Demain, je m'interroge pour déterminer si je suis une grande lectrice, et après-demain, si je suis gourmande. Il ne faut rien considérer comme une évidence, dans la vie.)

dimanche 13 octobre 2013

Aucun résultat trouvé

Je fais la vaisselle. Les Things jouent à l'étage. Le Filou traîne dans le salon. Il fait sûrement des bêtises : il a dix-huit mois, et à cet âge-là, un enfant sans surveillance fait des bêtises, en tous cas les miens (à l'exception de Miss Thing One, peut-être). Dans les deux heures précédentes, il a déjà ouvert un tiroir de la cuisine et déroulé consciencieusement tout le papier sulfurisé, fait tomber un par un tous les DVD à sa portée, vidé mon sac à main, et même tenté de remplir un chèque après m'avoir piqué mon chéquier et un stylo (précoce, le gamin) (mais pas au point de réussir à ouvrir le stylo, ouf).

Je me sèche les mains et je viens voir ce qu'il fait. Gagné, une bêtise. Il est assis à mon bureau, devant mon ordinateur, et joue alternativement avec le clavier et la souris. Bien entendu, j'ai enregistré mon travail avant de me lever de mon siège, comme toujours, mais les gamins ont le chic pour transformer le clavier azerty en qwerty, ou supprimer la corbeille, ou ce genre de choses que je serais incapable de faire même si je le voulais, mais ça tombe bien, je ne veux pas. Je me précipite donc, un peu inquiète. Et je découvre qu'en cinq minutes, il a :
- ouvert Internet ;
- ouvert un moteur de recherche qui n'est pas celui par lequel je passe d'habitude ;
- zoomé plusieurs fois ;
- tapé une recherche.

L'écran affichait donc, en très gros :

Aucun résultat trouvé pour HGVJNVJJNJNVFFVFVKJVBFGKGVFB?GJBVFJJGRGJR BHHBBHHBNHBHNJBGHJBGGVFN BN B BBBBNG W S.? N J?H J?BBBBBBBVGS

Sans blague ?

samedi 12 octobre 2013

Boule japonaise customisée

J'aime beaucoup la cuisine, mais je ne suis pas très portée sur la déco, les travaux manuels, la couture ou les petits bricolages. C'est un euphémisme. Du coup, j'étais très, mais vraiment très fière de cette merveilleuse boule japonaise "customisée" (c'est bien le terme d'usage ?) pour le Grand. Avoir eu l'idée, toute seule, de prendre des feutres et écrire des onomatopées sur la boule japonaise premier prix IKEA, ça m'a semblé un coup de génie, pas moins. Je suis certaine que personne n'a jamais eu d'idée de ce genre avant moi.


Sauf qu'une fois accrochée au plafond, ça a donné ça :

Pour ceux qui ont la vue basse et qui n'ont pas envie de zoomer : je l'ai tenue dans le mauvais sens. J'ai tout écrit à l'envers.

Je crois que je vais m'en tenir à mes petits plats moches-mais-délicieux et laisser la déco à d'autres.

(Je pourrais aussi dire que c'est fait exprès, que c'est symbolique, parce que cet enfant n'est pas seulement bruyant, il est renversant. Non ?)

vendredi 11 octobre 2013

Double-sens cyclables, ou comment se faire des amis

Il y a environ deux semaines, j'ai appris que dans la commune limitrophe de la mienne se tenait l'assemblée générale de l'association locale pro-vélo. Comme il n'y a pas d'association semblable dans ma propre commune, j'ai pensé que ça pouvait être intéressant. Coup de bol, ça tombait le seul jour de la semaine où Darling rentrait assez tôt pour que je lui confie les enfants. Allons-y, me suis-je dit. C'est une cause qui me tient à cœur. Et qui sait, ça pourrait être un moyen de me faire de nouveaux amis.

Il faut dire que quand j'ai emménagé ici, j'ai été absolument effarée par l'état des aménagements cyclables. État qui peut se résumer en un seul mot : absence. Dans toute la commune, il y a une seule malheureuse piste cyclable mal fichue et qui s'interrompt brusquement à un moment alors qu'elle se trouve sur le trottoir, ce qui fait que le pauvre cycliste qui l'emprunte se retrouve d'une seconde à l'autre en infraction. Pour moi qui vient de Paris, ça a été un choc. Habituée à pouvoir presque toujours aller d'un endroit à l'autre en passant par des pistes cyclables, des contre-allées, ou au pire des voies de bus ouvertes aux vélos, je n'ai pas apprécié cette ignorance totale de l'existence de moyens de transports alternatifs. Même les aménagements les plus simples, comme les double-sens cyclables en zone 30, n'ont pas été réalisés. Or, depuis un décret de 2008, toutes les rues à sens unique en zone 30 devraient pouvoir être empruntées à contresens par les vélos (sauf exceptions dûment motivées au cas par cas), car de nombreuses études ont prouvé que ça n'a que des avantages, et même que contrairement à ce qu'on pourrait croire tout d'abord, ça réduit le nombre d'accidents au lieu de l'augmenter. Plus d'explications ici, par exemple.

Bref, je suis allée à la réunion des joyeux cyclistes militants. J'ai bien fait, ils avaient prévu des petits gâteaux et du jus de pomme (bio) (je vous jure). Il y avait tout au plus une quinzaine de personnes, qui se connaissaient toutes entre elles, mais il en faut davantage pour m'intimider. J'ai écouté les débats, j'ai versé mon obole pour adhérer (dix euros) (cinq verres de jus de pommes plus tard, j'étais rentrée dans mes frais). Et j'ai même pris la parole, pour raconter un peu comment ça se passait chez moi, et pour m'indigner de ces inombrables sens uniques qui m'obligent à emprunter une horrible départementale avec des voitures qui filent à toute vitesse au lieu de ruelles résidentielles où ne passe jamais un chat. J'ai ajouté que quand j'avais posé la question au maire, à la cérémonie d'accueil des nouveaux habitants de la commune, il avait expliqué qu'il était contre les double-sens cyclables (et face à cette opinion personnelle, que peuvent valoir toutes les études réalisées partout en Europe, et les règles imposées par le législateur ?), et avait même pris l'assemblée à témoin sur le mode "Vous vous rendez compte, si on respectait le décret de 2008, on ne pourrait même plus rouler tranquillement (sous-entendu, à 60 km/h) dans les sens uniques en zone 30 sous peine de prendre un vélo en face (sic !) et après on risquerait d'avoir la voiture couverte du sang du cycliste, et il faudrait la laver, franchement, vous trouvez ça civilisé, vous ?"

De manière générale, j'ai passé une bonne soirée, et les discussions étaient bien plus reposantes que celles des mômes.
Le lendemain matin, j'ai reçu un coup de fil de la part du président de l'association, avec qui j'avais agréablement bavardé la veille en sirotant mon jus de pomme.
Ça marche ! me suis-je dit. Je me suis fait de nouveaux amis !
— Oui, allô, Fofo, j'ai repensé à ton histoire de zone trente sans double sens cyclable. Ce n'est pas légal.
— Oui, je sais bien, mais qu'est-ce qu'on peut faire ?
— Déposer un recours contre le maire. On a deux mois pour le faire.
— Alors, ça doit être trop tard : les dernières zones 30 datent de cet été.
— Justement, je suis passée à la mairie ce matin pour vérifier, l'arrêté municipal a été pris le 7 août, donc il reste quelques jours pour agir. Qu'est-ce que tu en penses ?
— Du fait que l'association va attaquer le maire ? Heu, du bien...
— Sauf que pour déposer un recours, il faut prouver qu'on est concerné, sinon ce n'est pas recevable. Autrement dit, il faut résider dans la commune. Donc c'est toi qui va devoir le faire. Le cas s'est déjà présenté dans une ville voisine, nous avons une lettre modèle, je vais t'envoyer ça, il faut juste que tu l'adaptes à ton cas et que tu l'envoie en recommandée d'ici le 7 octobre, d'accord ? Tu me donnes ton adresse email ?

Et voilà comment, au cours des trois jours suivants, j'ai échangé au moins trente emails avec une demi-douzaines de personnes différentes de plusieurs communes avoisinantes, et même comploté avec des gens rencontrés en chair et en os, afin de fignoler le recours que j'ai déposé en bonne et due forme contre mon nouveau maire.
J'avais raison, adhérer à une association de militants, ça permet de se faire des amis.
Et des ennemis, aussi...


Edit : Fin de l'histoire ici.

mercredi 9 octobre 2013

Une auteure en situation difficile

Nouvelle commission d'attribution de bourses pour des auteurs et illustrateurs jeunesse, hier. Parmi les dossiers qui défilent, celui d'une auteure qui a déjà une douzaine de titres dans sa bibliographie, dont au moins deux appréciés par les lecteurs et la critique. C'est moi qui les ai lus, et je confirme qu'ils sont de bonne qualité, bien écrits, à partir d'un sujet intéressant. Le synopsis et l'extrait du roman sur lequel elle est actuellement en train de travailler, et pour lequel elle demande une bourse, sont prometteurs. Ses personnages sont intéressants, son style travaillé, et elle change à chaque fois de contexte ou d'époque, ce qui demande de longues recherches.
Qui plus est, contrairement à certains auteurs qui reviennent trop souvent, elle n'a encore jamais demandé d'aide. Elle explique qu'une bourse lui permettrait d'avoir l'esprit tranquille, financièrement parlant, pendant le temps nécessaire à l'élaboration et l'écriture de son roman. Elle ajoute que si elle sollicite une bourse à présent alors qu'elle n'en avait pas eu besoin jusqu'ici, c'est parce qu'elle a connu une grosse baisse de revenus récemment. En effet, elle a dû déménager pour suivre son conjoint à qui on a proposé un poste en Chine, et là-bas, bien sûr, elle ne peut pas faire des rencontres scolaires, des interventions, des ateliers d'écriture, tout ce travail "à-côté" qui représente au moins la moitié des revenus des auteurs jeunesse (car il faut savoir que bien peu d'auteurs jeunesse pourraient gagner leur vie uniquement grâce à leurs droits d'auteurs, même parmi les plus talentueux. Triste à dire, mais vrai). Elle ne touche donc plus que 600 ou 700 euros par mois, et même si son mari gère les dépenses courantes, c'est peu.
Un dossier en or, donc.
Aucune objection ?
Attendez, juste une seconde avant de lui accorder l'aide maximale. Pourquoi donc cette femme et son mari ont-il accepté ce poste en Chine, alors qu'ils savaient que ça aurait pour conséquence une telle baisse de revenu du couple ?
Ah, oui.
Ah, d'accord.
Parce que le mari gagne plus de 12.000 euros par mois.
OK.

Nous lui avons répondu que son travail nous semblait tout à fait intéressant, que son désir d'indépendance financière était compréhensible, que ses motivations étaient louables, tout ça tout ça, mais que, heu... non, quoi.





lundi 7 octobre 2013

Pause

Après quelques mois fatiguant, après quelques semaines épuisantes, et après quelques jours de folie ponctués de nuits à moitié blanches ;
Après avoir rendu la traduction la plus longue de ma courte carrière (640.000 signes, pour ceux à qui ça dit quelque chose) avec seulement un jour de retard (presque en avance, donc), et un album dans la foulée avec seulement deux jours de retard, et des fiches de lecture urgentes avec seulement trois jours de retard (toutes ces dates de remise qui tombent en même temps, ça me rappelle le lycée, quand le prof de maths, la prof de français et le prof d'histoire prévoyaient tous une interro le même jour sans se concerter) ;
Après avoir ouvert les derniers cartons de livres, et rangé le bureau, tout en se disant que maintenant, plus d'excuse, il va bien falloir s'attaquer au reste de la maison ;
Après avoir raté le même jour l'opération Nuit Blanche et un vide-grenier local, deux événements que je ne voulais surtout pas manquer ;
Après avoir fêté une pendaison de crémaillère un peu à la va-vite, en oubliant d'inviter plein de monde parce que "demain, j'envoie des invitations officielles à tout le monde" (à répéter tous les jours, pendant trois semaines, jusqu'à ce que "demain", ce soit la crémaillère) (du coup, seuls ceux qui ont été en contact de vive voix avec moi ou Darling ont été invités) (tant pis, j'inviterai individuellement tous les "oubliés" : ça me donnera d'autres occasions de mettre les petits plats dans les grands, c'est parfait) ;
Après avoir préparé cinq gâteau et aussi quelques plats salés (il paraît qu'il y a des gens qui préfèrent le salé, même parmi mes amis : des gens bien, donc), avoir astiqué la maison, avoir déballé les verres encore en carton, avoir remonté des chaises de la cave, avoir planqué tout le bazar qui traînait dans des endroits improbables, m'être disputée dix fois avec Darling à cause de nos idées très différentes sur les priorités ;
Après avoir rangé la maison jusqu'à une heure du matin après le départ des invités et fait tourner le lave-vaisselle à plein régime, tout en engloutissant ce qu'il restait des gâteaux ;
Et avant de commencer la traduction suivante, avant de rédiger enfin les douze ou quinze fiches de lectures à faire pour juin dernier (ou mai, ou avril, ou mars...), avant d'aller passer la journée en commission, avant d'essayer d'organiser un peu la maison, avant de faire venir des artisans pour plein de travaux urgents et indispensables, avant de m'attaquer au problème de l'appart non vendu, avant d'essayer de transformer la jungle qui entoure la maison en jardin, avant de bosser de nouveau jusqu'à minuit pendant plusieurs semaines d'affilées, avant de régler des centaines de formalités administratives, avant de garder les gamins à la maison pendant les prochaines vacances tout en bossant pendant la sieste, avant de repartir sur les chapeaux de roues...
... je me suis octroyé presque une journée complète de pause. Un film romantique, un petit-déjeuner à base de restes de gâteaux, une virée "shopping" avec peut-être la seule amie en compagnie de qui je ne ressens pas de crise d'angoisse en poussant la porte d'un grand magasin, un déjeuner dans un restaurant chic et bon, un retour triomphal avec quelques vêtements dont j'ai besoin depuis plus d'un an, des fou-rires, une soirée sans bosser.
Vous savez quoi ?
C'était bien.
C'était incroyablement bien.
Une journée sans travail et sans enfants. Et avec une amie, en prime.
Il va falloir que je refasse ça de temps en temps...

dimanche 6 octobre 2013

Des Lego jumeaux

Miss Thing One me présente deux petits personnages en Lego identiques.
— Maman, regad', ils sont pareils !
Et moi, sans réfléchir :
— Ah oui, ce sont des jumeaux !
Crétine. Idiote. Andouille. Alors comme ça, on apprend à ses enfants à associer automatiquement le fait d'être jumeaux et le fait d'être semblables en tous points ? Triple buse, va !
Mais elle, pas du tout décontenancée, acquiesce avec un grand sourire, et me désigne les deux bonshommes tour à tour :
— Oui ! Ça, c'est Lila*, et ça, c'est Aït* !
Et elle est repartie toute contente, avec ses jumeaux parfaitement identiques, deux bonshommes à la même tête de bouledogue en noir et blanc, retrouver son propre jumeau – trois bon centimètres et deux bon kilos de plus qu'elle, garçon alors qu'elle est fille, blond alors qu'elle est brune.

On va encore travailler un peu sur le concept de gémellité, je crois. Enfin, moi, surtout.

*Leurs prénoms, tels qu'ils les prononçaient autrefois.


vendredi 4 octobre 2013

Radio-réveil

Lors de mon déménagement, mon réveil, déjà bien mal en point depuis quelques années, a définitivement rendu l'âme. C'était un réveil dans lequel on pouvait mettre des CD et programmer la chanson de son choix, acheté il y a presque vingt ans ; un des meilleurs investissements de ma vie, car me réveiller avec "Mistral Gagnant" ou "Il changeait la vie" ou "La chasse aux papillons" me mettait de bonne humeur pour la matinée.

Du coup, en attendant de me faire offrir à Noël un réveil-MP3, j'utilise désormais le radio-réveil de Darling. Mais même si c'est toujours mieux qu'un horrible bip bip bip strident, je n'aime pas me réveiller avec la radio, en plein milieu d'une phrase ou d'une chanson que je n'ai pas choisie. En plus, malgré mes recherches, je n'ai pas réussi à trouver de station qui m'offrirait un réveil agréable sur fond de notes de piano : apparemment, à 7h08, toutes les radios sont en plein milieu d'un bulletin d'informations, même France Musique ou Radio Classique.
(Et non, je ne mettrai pas mon réveil à 6h52 pour être certaine d'avoir de la musique. Mes nuits sont déjà bien trop courtes, merci.)

Quand Le Filou n'a pas l'amabilité de devancer le réveil, je suis donc réveillée chaque matin par un présentateur qui, ayant terminé de donner les nouvelles importantes, parle de sport, de météo, de people ou d'économie. Ce qui ne me donne pas particulièrement envie de redevenir lucide pour mieux écouter. De temps en temps, quand je suis au plus profond du sommeil, les phrases débitées par le monsieur se mêlent à mes rêves, ce qui donne des résultats surprenant. Je ne saurais jamais si, il y a une semaine, il y a réellement eu un reportage sur des nouveaux fauteuils roulants à trois roues censés être plus faciles à manier, ou s'il était tout simplement question handicapés ou de fauteuils design et que mon triporteur s'est invité dans mon inconscient.
Bref, dans l'ensemble, ce n'est pas aussi efficace pour me réveiller rapidement que "Miss Maggie" ou "La Ballade Nord-Irlandaise", il faut bien l'avouer.

Sauf ce matin. Ce matin, la phrase prononcée par le présentateur m'a fait quasiment bondir dans mon lit.
"Et maintenant, un scoop révélé par le journal Les Echos : Renaud change de cap !"
Oh mon Dieu, me suis-je dit, effarée. Comment ça, Renaud change de cap ? Il retourne sa veste ? Il appelle à voter Sarkozy aux prochaines élections ? Il se prononce contre le mariage homosexuel ? Il veut le rétablissement de la peine de mort ? Il s'évade fiscalement ?
Avant que mon cerveau ait le temps d’échafauder d'autres hypothèses consternantes, heureusement, le présentateur a continué :
"Après ses déboires avec les véhicules électriques, Renault prépare en effet une voiture hybride..."
Ah !
Ah, d'accord !
Pas Renaud, Renault !

Du coup, puisque je n'en avais rien à faire des bagnoles, hybrides ou pas, et que j'étais désormais tout à fait réveillée, je suis allée prendre ma douche en sifflotant "Les Bobos".