jeudi 28 février 2013

Qui se ressemble (fort peu) s'assemble

Quand ils jouent aux Lego, Miss Thing One fait des maisons plates et larges, et Mr Thing Two fait des tours.
Quand ils dînent, Miss Thing One commence généralement par refuser de manger, puis exige qu'on lui donne lentement la becquée, tandis que Mr Thing Two termine son assiette avant qu'on ait le temps de dire ouf et réclame quatre desserts à la suite.
Quand ils regardent la télévision, Miss Thing One reste impassible quoiqu'il arrive, alors que Mr Thing Two rit, s'exclame, s'inquiète, et répond même parfois aux questions de Dora l'exploratrice.
Quand il faut s'habiller ou se déshabiller, Miss Thing One exige de mettre ou d'enlever un maximum de choses toutes seules (chaussons, bonnet, gigoteuse...), tandis que Mr Thing Two refuse de participer et pique une crise si on lui ordonne d'enlever ses chaussures lui-même.
Quand nous rentrons de la crèche, Miss Thing One réclame la poussette si elle n'est pas occupée par le Petit, pendant que Mr Thing Two marche vaillamment à côté, tous les soirs.
Quand elle défèque – des petites crottes bien dures, toujours –, Miss Thing One vient me le dire, et ne veut surtout pas s'asseoir ; il lui arrive aussi d'aller sur le pot. Mr Thing Two peut se vautrer dans sa bouse – très molle et très abondante, toujours – pendant deux heures et en avoir jusqu'au milieu du dos sans que ça le gène, et ne voit pas du tout l'utilité du pot.
Quand ils sont à la crèche, Mr Thing Two fait de grands discours. Quant à Miss Thing One, les deux puéricultrices m'ont dit toutes les deux hier, sans se concerter, qu'elles avaient failli tomber de leur chaise en l'entendant dire à son frère "Viens jouer avec moi". Jusqu'ici, elles n'avaient quasiment jamais entendu le son de sa voix.
Quand ils sont à la maison, Miss Thing One parle presque autant que son frère, et hurle beaucoup, beaucoup plus que lui. Mr Thing Two est plus facile à raisonner.
Quand le Petit s'approche d'eux, Miss Thing One se met à brailler "Non, pas bébé, PAS BÉBÉ !". Mr Thing Two dit "Ragade, il vient dire bonjour à moi !".
Quand ils courent dans le square ou dans la résidence, Miss Thing One regarde toujours où elle va. Mr Thing Two tombe une fois par minute, pleure dix secondes, et repart au galop sans prêter la moindre attention aux obstacles qui se trouvent sur son chemin.

Aujourd'hui, j'ai demandé aux puéricultrices avec quels enfants ils jouaient respectivement le plus souvent, pour en inviter un ou deux (maximum !) à leur anniversaire.
Réponse unanime : ils jouent presque toujours ensemble, et sont très complices.
Bon. Tant mieux, ça m'arrange : on va dire qu'ils vont s'inviter mutuellement à leur anniversaire, alors.

mercredi 27 février 2013

Visite éclair

Coup de téléphone d'une agence hier : ils ont organisé une visite pour aujourd'hui à 16h. Ce matin, tout est déjà à peu près propre et rangé. Néanmoins, à 14h30, je me mets à l'ouvrage. Dans la chambre des Things, je range jusqu'au moindre Lego ; je plie même leurs pyjamas. Dans la cuisine, je lave, je rince, j'essuie et je range tout ce qui traîne ; je planque dans les placards quelques-uns des petits éléctroménagers qui prennent toute la place sur le plan de travail (grille-pain, yaourtière, etc.) ; je balaie par terre ; je descends les poubelles. Dans notre chambre, j'empile joliment les livres sur les tables de chevet, je trie les vêtements "semi-propres" sur la chaise, je tire soigneusement la couette. Dans la salle de bain, je supprime un des deux pots des Things (de toute façon, pour l'usage qu'ils en font...), j'enlève le linge qui sèche, je mets le tapis de bain dans le bac à linge sale, je range toutes les bricoles qui traînent. Dans la chambre du Grand, je change le tapis de place, j'essaie tant bien que mal de réorganiser le bureau, je raccroche le rideau à moitié décroché. Dans la "chambre" du Petit, heu... rien, elle est plutôt jolie pour un cagibi. Dans le salon, je tire bien le plaid sur le canapé et je retape les coussins, je change la place des trois chaises hautes pour qu'elles n'occupent pas autant d'espace autour de la table, je trie les magazines, je nettoie soigneusement mon bureau, je range les inombrables médicaments de Darling ou des enfants qui traînent.
Et cætera.
A 16 heures, tout est impeccable. Je suis contente de moi. L'appartement a même l'air plus grand que d'habitude.
A 16h03, l'agente immobilière arrive avec l'acheteuse potentielle.
A 16h05, elles repartent. La dame ne voulait pas d'un premier étage.
"Au moins, plaisante l'agente, nous ne vous avons pas dérangée longtemps."
Grrrr.

mardi 26 février 2013

Valise cadenassée

La mère de Darling, appelons-la Oma, vient nous rendre visite pendant quelques jours. Elle apporte une grosse valise et une petite mallette assortie (c'est bien ça qu'on appelle un vanity-case, non ?). Méfiante, elle a cadenassé la valise. Hélas, dès son arrivée, à neuf heures du soir, elle se rend compte... qu'elle a oublié la clef du cadenas.
— Pas grave, dit-elle en substance et en allemand : nous n'avons qu'à le faire sauter avec un coup de marteau.
Sauf que oui mais non. Si c'était si facile, il ne servirait à rien, le cadenas. Je tente la pince, la scie, la clef à molette (on ne sait jamais), mais je ne réussis qu'à me faire mal. A la rigueur, je pourrais attaquer la fermeture éclair, mais elle est de bonne qualité : ce ne sera pas si aisé. Et si j'y arrive, inutile d'espérer récupérer la valise ensuite.
Heureusement, il y a le quincaillier, qui va bien nous manquer quand nous déménagerons. Toujours prêt à rendre service et à donner de bons conseils. Bien sûr, à cette heure-ci, il est fermé. Tant pis. Je propose à Oma de lui prêter un pyjama, une brosse à dent, un livre, bref, le strict minimum pour survivre jusqu'à demain. Elle me dit que c'est bon, qu'elle a tout ce qu'il faut dans sa mallette.
(Ah.)

Le lendemain matin, je vais chez le quincaillier. Il examine le cadenas.
— Pas de problème, je vais couper ça avec ma pince.
— Elle va en venir à bout, vous croyez ?
— Sans problème. Quand je faisais mon service militaire, je coupais des fils de fer barbelés épais comme mon doigt avec une énorme pince qui pouvait sectionner n'importe quoi.
— Et donc, de retour à la vie civile, vous avez acheté la même ?
— Non, j'ai piqué celle-là. Le dernier jour, je l'ai mise dans ma valise, sous mes fringues.
(Ah.)

Le quincaillier cisaille le cadenas en quelques secondes. Je reviens à la maison avec la valise. Je trouve Oma lavée et changée, avec des vêtements qui sortent de sa mallette.
Mais enfin, si elle a tout ce qu'il faut dans ce sac à peine plus grand qu'une trousse de toilette, qu'avait-elle besoin de s'encombrer de cette grosse valise ? Et surtout, la question qui me tarabuste depuis le début : qu'y a-t-il là-dedans qui justifie l'emploi d'un cadenas, alors qu'elle est venue en train et qu'elle n'a pas quitté sa valise des yeux de tout le voyage ?
J'ai eu la réponse quand elle a enfin ouvert ladite valise. Deux gâteaux. Quatre boîtes de biscuits. Des chocolats pour les gamins. Des chocolats pour moi. Une demi-douzaine de saucissons, saucisses, jambon, etc. Du pain noir. Des poireaux qu'elle n'a pas voulu laisser pourrir. Du beurre proche de sa date d'expiration. Les ingrédients pour faire un gâteau ici (au cas où je n'aurais pas de farine ni de sucre). Des pommes...

Bon, d'accord, finalement elle a bien fait de prendre ses précautions.

dimanche 24 février 2013

Bouillon maison

Avec la carcasse et la peau du poulet que j'avais fait rôtir la veille, j'ai fait un bouillon. J'ai ajouté quelques clous de girofle, une carotte, une branche de céleri, les feuilles les plus moches des poireaux que j'ai préparés pour le déjeuner, et j'ai fait bouillir à tout petit feu pendant deux ou trois heures. Puis j'ai filtré, j'ai jeté les légumes décomposés et les os, et j'ai obtenu deux ou trois litres d'excellent bouillon maison.

Mais ensuite, qu'en faire ? Pas le temps de chercher une recette qui requiert un vrai bon bouillon maison. Et pas de place dans mon congélateur.

J'ai donc fait un risotto, ce qui a au moins le mérite de plaire à tout le monde. Et il était bon, mon risotto.
Aussi bon que quand je le fais avec un bouillon bio quelconque, quoi.

Moyennant quelques minutes de travail, quelques légumes abîmés et quelques litres de gaz, j'ai économisé un cube de bouillon, pour un résultat à peu près similaire. Je peux être fière de moi. Non ?


(Darling prétend que j'exagère, et qu'il a senti la différence. Malgré les légumes, les lardons, les herbes, les épices, et le fromage. Il est trop fort.)

samedi 23 février 2013

Los Angeles

Le roman que je traduis actuellement se déroule en partie à Los Angeles. A cette occasion, l'auteur donne le nom complet de la ville, qui a été plus tard abrégé, vous allez comprendre pourquoi. Je vérifie l'orthographe exacte sur Internet, par habitude idiote du traducteur, qui perd un temps fou à vérifier des informations au lieu de faire confiance à l'auteur, et découvre ainsi plein d'erreurs qu'il aurait mieux fait d'ignorer. Autrefois, c'est-à-dire avant Internet, nul n'aurait songé à demander au traducteur de jouer ce rôle, bien sûr. Et parfois, je regrette presque cette époque que je n'ai pas connue.

En effet, selon Wikipedia en français, Los Angeles s'appelait tout d'abord El Pueblo de Nuestra Señora la Reina de Los Ángeles del Río de Porciúncula.
Selon mon auteur, et selon l'article sur Wikipedia dans sa langue, c'était La Ciudad de la Iglesia de Nuestra Señora de Los Ángeles sobra la Porziuncola de Asis.
Enfin, l'article sur Wikipedia en anglais ne mentionne ni l'un ni l'autre.

Bon, on va dire que je n'ai pas eu l'idée de vérifier, d'accord ?



(Je me demande ce que ça donnait, dans l'un ou l'autre cas, comme gentilé ?)

vendredi 22 février 2013

Une mère angoissée

Hier soir, à la crèche, une mère vient récupérer son gamin, du même âge que les Things. Il y a une goutte de sang sur son T-shirt. Elle s'affole auprès de la puéricultrice :
— Que s'est-il passé ? Il a saigné ?
— Oui, un peu, tout à l'heure. Il est tombé contre une barrière...
— Hein ? Quoi ? Il est tombé d'une barrière ? Vous l'avez laissé grimper sur une barrière ?
— Mais non, il s'est cogné contre une barrière. Il était debout sur un jouet, et il a perdu l'équilibre...
— Sur un jouet ? Mais il est tombé de haut, alors ?
— Non, non, un jouet de dix centimètres de haut, et il s'est cogné le nez...
— Le nez ? Il est tombé à plat ventre ? Et la nuque ? Sa nuque a heurté le sol ? Pourquoi ne m'a-t-on pas appelée tout de suite ? Vous auriez dû me prévenir !
— Mais non, il n'est pas tombé par terre, il a basculé en avant contre une barrière, et il s'est cogné, c'est tout ! Pas à la nuque, au nez, du coup il a saigné un peu de la narine droite...
— Quoi, quoi, quoi ? Il a saigné du nez ? Il a saigné du nez ? Mais il faut que je l'emmène à l'hôpital, alors !
— Ben...  Vous faites ce que vous voulez, mais ça ne me paraît pas nécessaire...
— Comment ça, pas nécessaire ? Ça ne vous fait pas beaucoup d'effet, on dirait ! Moi, on m'a dit qu'il fallait impérativement faire examiner un enfant qui saignait du nez !
— C'est la première fois que j'entends dire ça... A votre place, je ne m'inquiéterais pas trop, cela dit ; c'est courant, de saigner un peu du nez quand on se cogne.
— Oui, c'est bien ce que je disais, vous vous en fichez ! Cet enfant se blesse sous vos yeux, et ça ne vous fait rien ! Mais comment a-t-il fait pour se cogner au visage ? Expliquez-moi encore une fois ce qui s'est passé exactement, je vous prie.

Quant à moi, lorsque j'ai récupéré Miss Thing One, je me suis rendu compte qu'elle avait une petite griffure sur la joue. D'après la puéricultrice (qui a finalement réussi à se débarrasser de la dame sans perdre son sang froid, à ma grande admiration), elle a heurté un camarade qui avait un jouet à la main. J'ai hésité à appeler une ambulance et à l'emmener aux urgences toutes sirènes hurlantes, mais finalement, j'ai laissé tomber, j'avais encore le dîner à préparer.

jeudi 21 février 2013

Deux jours au paradis


La montagne, la neige, le soleil, la forêt. Et puis de la vitesse, des rires, du silence, des crêpes, des chocolats chaud en terrasse, une soirée raclette, des pistes rouges peu encombrées et bien damées, et même un bain très chaud.

Le grand bol d'air qu'il me fallait, assez d'oxygène pour tenir encore quelques mois malgré le stress du boulot, les microbes, les problèmes divers et variés. Le ski, les plus belles vacances qui existent, pour moi.

L'année prochaine, seule ou en famille, deux jours ou une semaine, dans les Alpes ou les Pyrénées, au chômage ou débordée, par grand soleil ou sous la tempête, j'y retourne. Qu'on se le dise.

lundi 18 février 2013

Deux jours de ski

Ce soir, je prends le train de nuit. J'adore voyager en train de nuit ; je sais, on dort très mal, c'est inconfortable, bruyant, mais je ne sais pas pourquoi, probablement des souvenirs d'enfance, ça représente un immense plaisir, pour moi. J'ai réservé la couchette tout en haut, bien sûr. J'adore dominer le compartiment (vous en tirez les conclusions que vous voulez) (elles ne seront sans doute pas complètement erronée), et puis je veux avoir accès aux boutons de lumière et chauffage moi-même. Je vais à la montagne. J'adore la montagne, surtout la haute montagne, en toutes saisons ; en été, entre des vacances à la mer et une randonnée à la montagne, je n'hésiterais pas une seconde (si j'avais le choix, je veux dire, au lieu d'aller passer une demi-douzaine de semaines au milieu des collines, mais je serais bien mal avisée de me plaindre). En cette saison, bien sûr, à la montagne, il y a de la neige. J'adore la neige, je suis vraiment très heureuse qu'il y en ait eu pendant quelques jours à Paris cet hiver et que les Things aient pu faire sa connaissance. Je vais faire une escapade de deux jours. J'adore les escapades, passer deux jours loin de ma famille, dormir sans me lever deux fois (cette nuit), quatre fois (la nuit précédente) ou sept (celle d'avant) (oui, ça va dans le bon sens, c'est déjà ça) pour m'occuper des gamins, ne pas devoir jongler entre le devoir professionnel et le devoir familial, me défausser de mes responsabilités de mère, juste deux jours, rien que deux jours. Je passerai la nuit de mardi à mercredi dans le petit appart qu'a loué ma mère pour cette semaine de vacances. J'adore ma mère, je sais, c'est bizarre, mais c'est comme ça, même à l'adolescence je n'ai jamais réussi à la détester comme il se doit. Et pendant deux journées, si le temps s'y prête, si je ne me casse rien, si rien de gravissime ne me retient ou ne me rappelle à Paris, si aucune catastrophe naturelle ou famililale n'advient, je vais skier. J'adore, j'adore, j'adore, j'adore skier. Je croyais que je ne réussirais pas à y aller cette année non plus, mais j'ai eu cette occasion, une nuit sur place, deux nuits dans le train, deux jours de neige, et je l'ai saisie envers et contre tout, malgré mon boulot en retard, mon compte en banque qui pleure misère, mes gamins incessamment malades, tant pis, je m'en fiche, j'ai droit à deux jours de vacances dans l'année, rien que deux jours, juste deux jours. Je pars. Je vais SKIER !

Jeudi, je vous dirai, j'espère, à quel point c'était formidable. Et puis après, je recommencerai à râler et à vous raconter mes malheurs, parce que bon, il y a eu trop de billets joyeux sur ce blog, ces derniers jours ; il est temps que cela cesse, vous n'allez plus me reconnaître.


(Nom d'un chien, j'ai du mal à y croire, d'ailleurs je n'y croirais que quand je grimperai sur le télésiège. Je vais SKIER !)

dimanche 17 février 2013

Une cocotte-minute capricieuse

Ma cocotte-minute XXL (10 litres) ne fonctionne plus correctement depuis quelque temps : la pression ne monte pas. Pas le temps d'aller la faire réparer. J'utilise donc plus souvent ma cocotte-minute S/M (6 litres). Mais ça ne suffit pas toujours. En particulier quand on veut faire cuire deux gros choux-fleurs pour faire un gratin. Pas grave, il suffit de s'y prendre à l'avance, et de faire cuire les choux-fleurs plus longtemps, comme dans un cuit-vapeur. Allez, on va dire une demi-heure, pour qu'ils ne soient pas trop durs, sinon les gamins râlent.

Sauf qu'aujourd'hui, va savoir pourquoi, ma cocotte-minute a recommencé à fonctionner. Et les choux-fleurs ont donc cuit sous pression pendant 30 minutes, au lieu des 6 préconisées.
Vous saviez, vous, que quand ils sont trop cuits, même à la vapeur, les choux-fleurs brunissent ?

Pas grave. J'ai planqué les miettes de chou-fleur marronasses sous un bon litre de béchamel, et tout le monde en a mangé sans protester.

samedi 16 février 2013

Premiers pas

J'étais tranquillement en train de rêvasser – bon, OK, j'étais en train de ranger à toute allure les Lego des enfants en prévision d'une visite de notre appart qui a finalement été annulée dix minutes avant l'heure du rendez-vous – quand des hurlements se sont élevés dans la salle à manger. Le Grand braillait "Maman, maman !" et Darling lui-même criait. Tellement que je me suis dit que ce n'était pas juste "Au secours, sa couche a débordé, il en a jusqu'aux sourcils et il a laissé une trace par terre de la chambre à la cuisine, sans compter qu'il y a une petite tache sur ma chemise, c'est une catastrophe" – et pourtant, Dieu sait que ce genre de choses peut lui faire pousser des cris d'effrois.
Je me suis précipitée dans la salle à manger, en pensant fugitivement que personne ne pouvait avoir reçu d'armoire sur la tête, sinon j'aurais entendu le bruit, mais alors, qu'avait-il pu se passer de si grave ?
En fait, ce n'était rien de grave, au contraire. Le Petit avait simplement fait deux ou trois pas hésitants vers son grand frère chéri, sans se tenir à un meuble.
— Il a marché ! Il a marché ! Il a marché ! répétait en boucle celui-ci, bouleversé.
Il a fallu que je fasse un grand sourire au Petit pour le rassurer, parce que vu les réactions, il se demandait clairement s'il fallait qu'il s'inquiète. Pareil pour les Things, qui étaient en train de finir de manger et ne comprenaient pas la raison de cette agitation.
Moi non plus, à vrai dire. Oui, bon, il a onze mois aujourd'hui, et il commence à marcher. Voilà, quoi. Je veux dire, s'il avait eu huit mois ou dix-huit, ça m'aurait sans doute fait plus d'effet. Mais si, mais si, c'est bien, c'est même très bien, il marche, mais bon, ça arrive à des tas de gamins, non ?

OK, j'exagère un tout petit peu... Même la quatrième fois, je ne suis pas encore complètement blasée. Quand il a réédité son exploit sous mes yeux, moi aussi je l'ai chaudement et bruyamment félicité. Peut-être même que j'aurais pris une photo, si je n'avais pas brisé mon appareil il y a quelques semaines ; c'est vous dire si je suis émue.

Cela dit, il y a d'autres premiers pas qui comptent presque autant. Hier soir, le Grand a regardé avec nous la première moitié du premier film du "Seigneur des anneaux" – et en anglais sous-titré, encore ! Son premier vrai film en dehors de "Harry Potter", ou presque. Bien sûr, il avait toujours refusé de le voir, parce que "je suis sûr qu'il y a plein de morts !" (heu, j'avoue...), mais là, ça s'est fait sans préméditation, nous voulions juste voir le début, l'histoire de la création des anneaux, et puis ensuite la présentation des hobbits, et puis l'arrivée de Gandalf, et puis... et puis nous avons regardé jusqu'à la fin du DVD, et le gamin est resté avec nous (ce qui nous a contraint à regarder le film en tout petit format, sinon les sous-titres sont hors champ ; c'est très agaçant, mais tant pis). Et ce soir, nous avons prévu de regarder la suite.

Un qui commence à marcher, deux qui apprennent à parler, un qui accepte de regarder des films "de grands"... Mes enfants sont en train de grandir, et c'est tant mieux.

vendredi 15 février 2013

Hernani

Darling trouve qu'aller voir Hernani au théâtre du Vieux Colombier le soir de la Saint-Valentin, ce n'est pas très romantique.
Pourtant, moi je dis, quoi de plus romantique que LA pièce qui symbolise le théâtre romantique ?



Maintenant que j'y pense, peut-être a-t-il dit ça parce que, faute de baby-sitter, j'y suis allée avec une copine et l'ai laissé à la maison garder les mômes ?



(Oui, c'était bien, mais j'étais tout de même un peu déçu par l'acteur principal, qui en faisait un peu trop à mon goût. Et puis un décor dépouillé, c'est bien, mais une scène entièrement vide, nue, rien du tout du tout du tout sur les planches, c'est, heu... vide, quoi, même si les splendides costumes compensaient un peu. Mais bon, ne boudons pas notre plaisir, j'adore Victor Hugo, et c'était bien agréable de voir enfin sur scène cette pièce que je ne connaissais jusqu'ici que par écrit.)

mercredi 13 février 2013

Ça fait mal pas !

Les Things jouent dans leur chambre. Soudain, Miss Thing One pousse un grand cri, suivi de pleurs. Je me précipite, et je la trouve assise par terre, se tenant le pied nu.
— Qu'y a-t-il, ma puce ? Tu t'es fait mal ?
— Oui ! Bouhou !
— Où ça ?
— Là !
Comme tous les enfants, elle comprend la question de travers, et me désigne le sol, mais ça me suffit pour deviner ce qui s'est passé. Je la console :
— Oh, ma pauvre chérie, tu as marché sur un Lego, tu t'es fait mal au pied ?
— Oui ! Mal au pied ! Bouhouhou !
Cependant, Mr Thing Two intervient :
— Mais non ! Pas mal au pied, marcher su Lego ! Ragade, va te montrer.
Il se lève, pose délicatement le pied sur un autre Lego, sans appuyer, et pousse un cri strident. Puis il prend un visage rigolard :
— Mais non ! Ça t'une blague ! Ça fait mal pas !

Et moi, à ce stade, j'étouffe de joie.
C'est donc vrai ? Je ne rêve pas ? Le temps a réellement passé, ces deux enfants approchent pour de bon de leur troisième anniversaire, et ils apprennent enfin à parler ? À répéter des mots, à utiliser des expressions, à construire des phrases ?
Pour un peu, j'en aurais dansé de bonheur, tiens. Mais bon, pas sûr que ma gamine aurait compris pourquoi sa mésaventure me mettait à ce point de bonne humeur...

(En revanche, soyons clair, même si Mr Thing Two s'exprime de mieux en mieux, son raisonnement ne vaut pas un clou. Marcher sur un Lego, par exemple au milieu de la nuit quand on se précipite dans la chambre pour calmer une fillette qui vient de faire un cauchemar où figure apparemment un moustique, ça fait MAL.)

mardi 12 février 2013

Je m'éclate

Je passe chez le quincaillier, qui trouve que j'ai une petite mine.
— J'avoue que je ne dors pas tout à fait assez la nuit, entre les cauchemars des uns et les maladies des autres...
— Et j'imagine que le jour, vous êtes assez occupée, non ?
— Ah, c'est sûr que je n'ai pas beaucoup de loisirs !
— Heureusement que vous vous éclatez dans votre boulot, sinon ce ne serait pas vivable.

Mon premier mouvement fut un geste d'étonnement. Je m'éclate, moi ? Moi qui ne sais jamais de quoi demain sera fait, moi qui reste constamment cloîtrée chez moi, moi qui n'ai pas de vacances, moi qui ne peux pas même m'octroyer une soirée devant un film sans mauvaise conscience ?

Et pourtant, deux secondes plus tard, j'ai approuvé. J'ai renchéri. Et je suis repartie toute requinquée, comme si ces quelques mots m'avaient rappelé une vérité importante.
C'est vrai, ça me barbe de me remettre au travail tous les soirs jusqu'à 23h passées. Mais pas tant que ça, en fin de compte. A quelques exceptions près, je traduis quasiment toujours des livres que j'aime. Des romans que j'aime lire et que j'aurais aimé écrire. Et ça tombe bien, c'est presque comme si je faisais les deux à la fois ! Je passe quelques semaines dans un monde médiévalisant plein de magie, puis je pars en voyage en 1850, puis je me plonge dans la biographie romancée d'un personnage haut en couleurs, puis je me délecte des amours et des prises de becs de deux adolescents caustiques... Et puis je joue avec les mots, je taille et polis mes phrases jusqu'à ce qu'elles soient aussi propres, aussi peu rugueuses que possible, ou je m'amuse à employer des paroles inusitées que je savoure comme des bonbons...

J'aime traduire, et j'aime ce que je traduis. Je ne sais pas si je ferais ce métier même si je n'avais pas besoin d'argent – le test suprême –, mais ce n'est pas exclus, au moins à petites doses. Pendant que des milliers, des millions de gens vont travailler avec une mine renfrognée et passent la journée à attendre la quille, rêvant d'être n'importe où plutôt que là où ils sont, il m'arrive fréquemment, lorsque je m'installe devant ma traduction en cours avec une tasse de thé fumant, de sourire de bonheur et de me dire que, tout simplement, je suis bien.

C'est important aussi de le rappeler, non ?

lundi 11 février 2013

24 gouttes par jour

Trois conjonctivites chez les trois plus jeunes enfants de la maisonnée, ça fait 24 gouttes par jour à introduire de force sous la paupière d'un gamin hurlant qui ferme l'oeil le plus possible, donne des coups de pieds et des coups de poing, et remue la tête dans tous les sens.
Sachant que le traitement dure 6 jours, ça fait donc 144 gouttes en moins d'une semaine.
Jusqu'à la prochaine fois.

A part ça, est-ce qu'on peut avoir la grippe deux fois en un seul hiver, ou bien est-ce que, quand ils auront tous eu leurs cinq ou six jours de fièvre intense accompagnée d'une otite pour faire bonne mesure, on pourra passer à autre chose ?

La nouvelle maison

Après avoir nettoyé les sols et avoir apporté quelques jouets, quelques chaises, et deux ou trois meubles, histoire que ce ne soit pas trop tristement vide, nous décidons de montrer aux Things la nouvelle maison. Cela fait quelques semaines que nous en parlons et que nous leur avons expliqué que dans très très longtemps, mais vraiment très très très longtemps (parce que "longtemps", pour eux, ça veut dire au mieux demain, au pire dans cinq minutes), nous allions aller habiter dans une nouvelle maison plus grande, avec un jardin, et plus de chambres. Je ne sais pas ce qu'ils ont compris de ce discours, mais ça les intrigue ; Mr Thing Two, en particulier, dit souvent qu'il veut voir la nouvelle maison.
Dimanche matin, donc, départ pour la nouvelle maison ! Les gamins sont tout excités – Déjà, nous y allons en voiture, ce qui est un évément en soi. Enfin, nous arrivons, je me gare, j'ouvre le portail, je fais rentrer les gamins dans le jardin, j'ouvre la porte de la nouvelle maison, je les fais entrer à l'intérieur. Et j'insiste encore une fois, lourdement :
— Voilà, c'est notre nouvelle maison !
(L'enseignement, c'est la répétition, disait mon prof de géographie.)
Mr Thing Two fait quelques pas à l'intérieur, jette un coup d’œil circulaire sur le salon encore quasiment vide, et s'étonne :
- Elle est où, nouvelle maison ?

M'est avis qu'il n'a pas encore complètement compris de quoi il était question.
(En fait, je crois qu'il s'attendait à un jouet ; une maisonnette en bois, ou quelque chose du genre...)

vendredi 8 février 2013

Un après-midi de liberté

J'avais promis, juré, craché sur à mon éditrice qu'elle l'aurait aujourd'hui, cette traduction (à rendre pour le 31 janvier). Et assez tôt dans la journée, même, pour pouvoir l'imprimer et la lire ce weekend. Du coup, j'avais tout calculé à la minute près : dernier chapitre lundi, vérifications diverses et correction orthographique et stylistique mardi, relecture sur papier mercredi et jeudi, intégration des corrections vendredi matin, envoi vendredi en fin de matinée ou en début d'après-midi.
Eh ! bien, figurez-vous que j'ai respecté mon programme. Malgré la double otite de Mr Thing Two, malgré le ménage fait mercredi dans ma nouvelle maison, malgré les réveils nocturnes du Petit. Je me suis couchée à deux heures du matin hier soir, mais j'ai terminé ma relecture. Aujourd'hui, je n'avais plus qu'à reporter sur mon texte les corrections faites sur papier. Ce fut chose faite à 13h.
Bien entendu, on ne commence pas une nouvelle traduction un vendredi après-midi, ce serait ridicule. Je savais donc que j'aurais un après-midi de liberté ! Tout un après-midi ! Quatre heures entières !
C'est peu dire que je fantasmais sur ce temps libre exceptionnel (je vous rappelle que je travaille tous les soirs jusqu'à l'heure d'aller me coucher). J'avais prévu de faire la sieste. Ou la cuisine. Ou une promenade. Voire un footing ? Peut-être même de regarder un film. D'aller m'acheter un nouveau pyjama. De rendre visite à une amie qui vient d'accoucher...

Finalement, je n'ai rien fait de tout ça, bien sûr. Rien que l'idée de perdre quatre heures (quatre heures !) me stressait. J'ai rangé mes factures, envoyé des chèques, rangé mon bureau, passé des coups de fils administratifs.
Quand on a perdu l'habitude, croyez-vous qu'on puisse réapprendre à prendre son temps, ou c'est sans espoir ?


(Je vous rassure, j'ai quand même pris quelques minutes pour faire des petits gâteaux, et téléphoner à une amie, et lire Télérama. Et ce soir, je me coucherai tôt, na !)

jeudi 7 février 2013

Livret de famille avec parent né à l'étranger

Donc, bientôt, tout le monde aura son livret de famille avec les deux parents et tous les enfants d'un même couple : concubins, pacsés ou mariés ; homosexuels ou hétérosexuels ; géniteurs ou adoptants ; français ou étrangers...
Ah non ? Ah non. Il reste encore une catégorie de couples qui n'y ont pas droit : les parents en concubinage dont l'un des deux parents est étranger et né hors de nos frontières. Pourquoi ? Parce qu'apparemment, "quand l'acte de naissance de l'un des deux parents est détenu par un officier de l'état civil étranger" (je cite), ce n'est pas possible. Non non, même avec une copie de l'acte de naissance traduite par un traducteur assermenté. Non non, même en allant dans son pays de naissance voir l'état civil qui détient l'acte de naissance original. Non non, même en vous graissant la patte au fonctionnaire qui vous délivre le livret de famille (cela dit, je dis ça, mais je n'ai pas essayé).
Remarquez bien que si le couple est marié, le fait que l'un des parents soit nés hors de nos frontière ne pose plus de problème. De même, on peut l'inscrire a posteriori s'il acquiert la nationalité française, même hors mariage. Ce qui me laisse à penser qu'en cherchant bien, on trouverait peut-être une solution. Mais malgré l'effort louable d'un sénateur, on n'a visiblement pas beaucoup cherché : regardez ici. C'est comme ça, c'est impossible, on vous dit ; pas parce qu'on n'aime pas les étrangers, mais parce que la naissance n'est pas enregistrée en France, c'est tout ! Comprenez : tant qu'on n'a pas vu l'acte de naissance d'origine, on ne peut pas être complètement sûr qu'il est né, ce monsieur (ou cette dame) qui vient d'avoir un enfant !

Et voilà pourquoi, toute respectable que vous me croyez, j'ai un livret de famille de "mère célibataire" (si si, il faut bien l'avouer, je suis une fille-mère ; une pécheresse, quoi), où le père n'a pas de page consacrée. Mais comme Darling a reconnu tous ses enfants, le brave homme, il apparaît tout de même en tout petit, dans un coin de la page, en "mention marginale" ; pas même sur quelques lignes dédiées, mais vraiment dans la marge. Là, visiblement, on peut écrire son nom, sa date de naissance, et tout ce qui figure sur son acte de naissance plurilingue – oui  oui, celui-là même qui ne suffit pas à établir suffisamment clairement son identité dans la page réservée au père, c'est bien ça.

Nous sommes bien d'accord, ce n'est rien. Rien du tout. Rien de grave, en tout cas. Un simple détail. Ça ne change strictement rien à ses droits, ni au partage de l'autorité parentale, ni au nom de famille porté par les enfants, ni aux actes de naissance des ces enfants, ni à ma situation... Ça ne change rien.
Et pourtant, vous savez quoi ?
Ça m'énerve. Passablement.


PS : Oui, je sais, nous pourrions nous marier. Mais moi, vous savez, je serais plutôt favorable au mariage pour personne... (Hum. Désolée. Je retourne bosser.)

mardi 5 février 2013

Un seau à technologie bionique

Je passe une commande (je fais toujours tous mes achats par Internet) de produits ménagers à faire livrer dans ma nouvelle maison toute poussiéreuse, afin de la nettoyer un peu. Pour commencer, il me faut un balais à franges avec un seau adapté. Je commence par le seau. Houra me propose plusieurs produits de ce type. Je vois tout d'abord un seau à 2,70 € avec un essoreur pour seau à 1,15 €. Puis je découvre un ensemble seau + essoreur à 10,50 €. Plus du double ! Par curiosité, je vais regarder ce qui justifie cette différence de prix, au cas où il y aurait une excellente raison. Et figurez-vous que oui, il y en a une :
Le seau-essoreur SuperMocio a été conçu spécifiquement pour améliorer les performances des balais SuperMocio grâce à sa technologie bionique !
Je vous jure. Même que du coup, on fait "40% d'effort en moins" (par rapport à quoi, ça, ce n'est pas dit, par contre. Un lavage du sol avec un seau d'une autre marque ? Un lavage du sol avec un balais-brosse et une serpillère classique ? Un lavage du sol avec une éponge et une bassine ?).
Il y avait encore trois ou quatre autres arguments imparables en faveur de ce seau-essoreur à technologie bionique, mais je n'ai pas cédé : j'ai pris le moins cher. Je me demande encore comment j'ai fait pour résister.

lundi 4 février 2013

Qu'allons-nous faire maintenant ?

J'aime bien cette auteure, qui sait décrire des personnages adorables et des atmosphère délicieuses, mais elle a un gros défaut : elle termine tous ses romans par une scène "d'action" (vous allez comprendre la raison des guillemets), avec en général un petit groupe d'enfants d'un côté, et une sorcière / un monstre / un dragon / un assassin en face.
Jamais, jamais l'héroïne toute seule contre le vilain.
Pourquoi ?
Parce que l'auteure aime bien les dialogues. Et qu'elle ne veut pas se priver d'en écrire. Quelles que soient les circonstances.
(Elle aime aussi les incises, à outrance, ce qui pose problème, surtout quand l'éditeur français rejette catégoriquement l'usage de guillemets.)
Ce qui nous donne à peu près ça :

Le sorcier se dressa devant eux, le poignard levé, en ricanant méchamment. Les trois amis reculèrent jusqu'au mur.
— Il va nous assassiner ! se lamenta Machine, paniquée.
— Non, il va nous ensorceler, corrigea Trucmuche, même si les circonstances ne se prêtaient guère aux disputes. Ce qui n'est pas beaucoup mieux, je te l'accorde. Surtout si personne n'est ensuite capable de briser le sort, puisque la magie a disparu de ce continent, comme vous le savez...
— Il faut faire quelque chose. Regardez, il approche !
[Pas trop vite, vous remarquerez. Il est poli, ce sorcier. Il laisse les gens terminer leur conversation avant de les attaquer.]
— C'est vrai, mais que pouvons-nous faire ? dit Untel, angoissé. Je n'ai pas d'armes.
Il se rongeait les ongles. La présence du sorcier l'empêchait de réfléchir clairement. Pourtant, il aurait fallu réagir. Leur oncle le leur avait bien dit : ce sorcier ne s'attendrait pas à ce que des enfants contre-attaque. Il fallait donc le prendre par surprise. Pouvaient-ils lui faire un croche-pied ? Non, ça ne fonctionnerait jamais.
— J'ai peur... gémit Machine. Fuyons !
— Par où ? demanda Trucmuche, qui regarda frénétiquement autour de lui. La porte est fermée. A moins que tu ne saches où est la clef ?
[Pendant ce temps, on suppose que le sorcier se mouche, admire les tableaux accrochés au mur, compte son argent afin de voir s'il a assez pour s'acheter un pain au chocolat, se lime les ongles, ce genre de choses.]
Soudain, un bruit s'éleva dans la cour. Des sabots de cheval. Leur oncle revenait-il enfin ?
Reprenant espoir, Untel s'écria :
— Il faut tenir jusqu'à l'arrivée de mon oncle ! Lui saurait certainement le combattre.
Le sorcier fit un autre pas en avant. [Il était temps !] Il avait entendu le bruit, lui aussi, et voulait en finir avec ces trouble-fête le plus vite possible. Les enfants se serrèrent les uns contre les autres.
— Attendez ! lança soudain Trucmuche. J'ai un plan ! Machine, peux-tu me passer le mouchoir que tu as dans ta poche ?
— Tu comptes l'étrangler avec mon mouchoir ? s'étonna Machine. Mais il n'est pas assez grand !
Trucmuche soupira, agacé.
— Mais non ! Passe-le-moi, tu verras...

Et patati, et patata, et patati, et patata, jusqu'à ce qu'ils réussissent à l’assommer avec un balais ou un truc de ce genre, non sans avoir longuement commenté leur projet auparavant et débattu des meilleurs moyens de le réaliser, en présence de leur future victime qui a aimablement fermé ces oreilles pendant ce temps.

Alors que fait la pauvre traductrice ? Elle passe un temps fou sur cette scène, elle coupe certaines phrases de dialogue, elle ajoute d'autres phrases pour justifier le fait que le sorcier ait fait quatre pas en autant de pages, elle transforme certains discours directs en pensées (on pense plus vite qu'on ne parle, c'est plus crédible), elle essaie de limiter les incises (difficile, quand il y a plus de deux interlocuteurs), et elle se dit que franchement, elle se serait bien passé de ce pensum supplémentaire juste à la fin du roman alors qu'elle doit rendre sa traduction pour le 31 janvier sans faute. Surtout que comme, après les coupes, le dernier chapitre en français est plus court que le chapitre en VO, elle est finalement moins bien payée que si elle avait laissé tel quel ce passage indigeste.
Mais en général, l'éditeur est content du travail accompli. Ça compense.



dimanche 3 février 2013

Procrastination

Parfois, entre deux chapitres, je procrastine, aussi :
- Je fais des études de marché pour déterminer le réfrigérateur/congélateur idéal, à grande contenance, avec quatre bacs à légumes, un froid ventilé, pas trop bruyant, et sans distributeur d'eau froide (je crois que j'ai enfin trouvé) ;
- J'étudie les différents modes de chauffage à bois et j'apprends les principes du fonctionnement des inserts, ainsi que les conditions sine qua non pour leur pose ;
- Je prépare les plans de ma future cuisine en essayant de caser un maximum de choses dans une pièce trop petite, de la manière la plus économique possible ;
- Je passe une commande de produits de premières nécessité, en particulier des produits ménagers (mais aussi du papier toilette, des mouchoirs, et... des petits gâteaux) à faire livrer dans ma nouvelle maison ;
- Et puis j'achète des vêtements pour les gamins, je réponds aux questionnaire de l'étude Nutrinet-Santé, je vérifie l'état de mon compte en banque, je prends des billets de train pour le Grand, je regarde quels sont les derniers livres écrits par des auteurs que je traduis et j'en informe les éditeurs, etc.

Quand je pense qu'autrefois, quand je procrastinais, je lisais des blogs humoristiques ou je faisais des réussites sur l'ordinateur – et qu'avant encore, il m'arrivait même de me lever de mon bureau pour bouquiner, jouer du piano ou aller dans des vrais magasins –, ça me fait rire. Jaune.

samedi 2 février 2013

Je traduis

Je traduis, je lave, je traduis, je berce, je traduis, je dors, je traduis, je mange sur le pouce, je traduis, je fais une tour en légo, je traduis, je reçois un agent immobilier, je traduis, je fais cuire des pâtes, je traduis, je donne trois douches d'affilées, je traduis, je me fâche, je traduis, je réserve des billets de train, je traduis, je me couche au rardar, je traduis, je distribue du doliprane, je traduis, je traduis, je traduis.

Que voulez-vous que je vous dise ? Aujourd'hui, j'ai gardé les enfants plus ou moins malades, je n'ai pas mis le nez dehors, et j'ai traduis jusqu'à quasiment minuit. Quand j'aurai recommencé à vivre, j'aurai peut-être des choses à raconter...