mercredi 30 décembre 2015

La Défense : cartes postales

Décidément, j'aime bien ce quartier complètement différent du centre de Paris ou de ma banlieue pavillonnaire. Rien de tel pour une promenade bien dépaysante...

(Cliquez sur les photos pour les voir en grand)






mardi 29 décembre 2015

Virus et pollyanneries

J'ai passé la journée à me répéter en boucle "ça va passer, ça va passer, ça va finir par passer". Et c'est vrai, ça va passer, hein, dites ?
Alors, sans transition :

- Je suis contente parce que même s'il faisait gris ce matin, le soleil a pointé son nez entre deux nuages cet après-midi, ce qui m'a permis de faire la sortie en vélo promise aux Things, et les ados nous ont accompagnés sans trop râler ;
- Je suis d'ailleurs contente que Darling soit malade lui aussi, parce que même si ça ne rend pas vraiment mes nuits plus douces ni mes journées plus faciles, ça me permet de sortir à l'heure de la sieste du Filou, sans quoi nous deviendrions tous chèvres ;
- Je suis contente parce que le Filou a eu aujourd'hui deux plages d'une heure pendant lesquelles il était presque comme d'habitude, et il n'a dépassé 40° que trois fois, et il n'a pas du tout vomi, et il a même avalé deux compotes et une demi-banane, donc je prends ça comme un signe de guérison (plus ou moins) prochaine ;
- Je suis contente parce que je n'ai plus le temps de manger ou presque, et que ça compense un peu le fait que j'ai encore moins le temps de faire du sport ;
- Je suis contente d'avoir une machine à laver qui peut expédier 10 kg de linge d'un coup ;
- Je suis contente parce que malgré la fatigue, j'ai regardé La cage aux folles avec les ados ce soir, et ça les a beaucoup fait rire (bon sang, quelle performance d'acteur !) ;
- Je suis contente parce que pour l'instant, les Things ne semblent pas avoir chopé le virus qui a terrassé leur petit frère et leur père ;
- Je suis contente de ne pas attacher d'importance particulière au réveillon, puisque nous n'allons très probablement pas le fêter ;
- Je suis contente de ne pas avoir une traduction urgente à rendre pour le 4 janvier, et de pouvoir passer ces journées loin de mon ordinateur sans avoir ce stress supplémentaire ;
- Je suis contente parce que dans cinq jours, les écoles rouvrent leurs portes ;
- Je suis contente parce que dans un mois, je vais partir quelques jours en voyage pour des raisons administratives et professionnelles, et ça va bien me changer les idées ;
- Je suis contente, comme toujours – et c'est toujours une des premières choses auxquelles je pense quand je cherche de bonnes raisons de me réjouir – de ne pas avoir de gamins ayant de réels problèmes de santé ou problèmes psychologiques. Bon sang, pourvu que ça dure, et j'accepterai toutes les angines otites gastro grippes et compagnie sans me plaindre. Enfin, sans trop me plaindre.

Pollyanna a raison : finalement, ce n'est pas si difficile de voir le bon côté des choses, n'est-ce-pas ?

lundi 28 décembre 2015

Tant qu'on a la santé...

Darling est malade, si malade qu'il n'a pas pu retourner au boulot aujourd'hui et qu'il ne sort plus de son lit, ni de jour, ni de nuit.
Le Filou est malade, si malade qu'il dépasse 40° au moins deux ou trois fois par jours depuis quatre jours (oui, depuis Noël, donc), qu'il vomit, qu'il frissonne et claque des dents, qu'il ne mange strictement rien, qu'il ne dort la nuit que par tranches de 20 minutes.
Par bonheur, je ne suis pas malade, moi. Je suis donc tout à fait en état de me lever 20 à 30 fois par nuit, d'assurer les quatre repas par jour des sept personnes qui sont actuellement chez moi à temps plein (plus la vaisselle, les lessives, etc.), de faire une virée à la piscine avec les Things qui s'ennuient, d'emmener les malades chez le médecin en triporteur, et de ranger la maison et faire les courses par Internet après avoir couché tout le monde, avant d'affronter ma quatrième nuit-presque-blanche d'affilée.
— Tu as vraiment de la chance d'être toujours en bonne santé, me dit Darling.

(Soupir)
(En vrai, il a raison, parce que si j'étais malade, je serais bien obligée de faire tout ça quand même...)
(Demain, une liste de pollyanneries, d'accord ?)

dimanche 27 décembre 2015

L'Avare au Théâtre Michel

Après plus de 48h passées en compagnie d'un petit bonhomme malade comme il l'a rarement été (faible, geignard, amorphe, et malheureux comme les pierres), après une nuit épouvantable où j'ai dormi maximum deux heures, assaisonnée de fièvre à 40,2°, de vomi, de cauchemars, etc., quelle était LA sortie que je n'étais pas si certaine de vouloir faire ?

(A part un aller-retour en une heure et demie chez ma sœur pour nourrir son chat "et lui tenir compagnie parce qu'il doit s'ennuyer tout seul, le pauvre minet", et manquer de me faire griffer par l'animal qui, après avoir férocement craché, s'est caché sous un meuble d'où il n'est pas ressorti.)


Réponse : accompagner deux ados voir un pièce de Molière, en les arrachant à leurs écrans respectifs (smartphone et tablette), et en sachant déjà qu'on n'aura pas le temps de dîner.

C'est peu dire que je redoutais les râleries.
Eh ! bien, j'avais tort.

L'Avare au théâtre Michel, mis en scène par J.P. Daguerre, c'est super. Vraiment excellent, très très drôle (j'ai rarement autant ris devant une pièce du répertoire classique !), animé, rebondissant, et si je ne dis pas "jubilatoire", c'est parce que j'ai peur qu'on me croie contaminée par Télérama (qui accorde trois T bien mérités à cette pièce, d'ailleurs).

"Montre-moi tes mains ! Les autres !"
Personne n'a râlé, les ados ont à peine moins ri que moi, et le Grand a même demandé si on pourrait revenir voir les autres pièces présentées par la même troupe. En mangeant nos sandwichs Prêt-à-manger (délicieux) dans le RER, au retour, nous étions tous les trois de très bonne humeur. Et en prime, nous allons nous coucher à une heure très raisonnable, grâce à la séance qui commençait à 19h et au jeu mené tambour battant, sans aucun temps mort. Bonus : c'est très loin d'être hors de prix.

Promis, juré, le théâtre Michel, on y retournera.

samedi 26 décembre 2015

Un repas de réveillon pas vraiment inoubliable

Alors, il faut bien l'avouer, nous avons eu repas de réveillon plus réussi. Nous avions eu l'idée de faire un buffet plutôt qu'une énorme tablée pour 19 personnes, et nous avions préparé :
- des cakes saumon/poireaux qui se sont avérés un peu secs, corrects-sans-plus ;
- une salade lentilles/quinoa/saumon fumé/noisettes qui avait l'air délicieuse sur le papier mais qui, en fin de compte, était un peu trop bonne-pour-la-santé pour être vraiment bonne ;
- des mini-croissants au fromage et au lard qui n'étaient pas mauvais mais pas non plus à se rouler par terre (en fait ils étaient bien meilleurs quand j'en avais goûté un quelques heures plus tôt, à peine sortis du four) ;
- un christmas pudding réalisé à la demande insistante du seul membre de la famille qui n'a pas pu venir, et que personne d'autre n'a vraiment touché (l'un des seuls qui s'y soient hasardé a ensuite déposé son assiette pleine discrètement au milieu des santons de la crèche) (comment pourrais-je lui en vouloir alors que je n'aime pas ça moi-même ?) ;
- des pannacottas (pannecotte ?) tout à fait quelconques ;
- une bûche Picard même pas en forme de maison.
A cela venait s'ajouter trois foies gras récupérés chez ma grand-mère dont l'un s'est avéré être un pâté de campagne, de la charcuterie également assez quelconque... et puis, cerise sur le gâteau, les personnes chargées d'apporter le plateau de fromages l'avaient oublié à la maison. Du coup, pour ne pas arriver les mains vides, ils se sont arrêté dans la première supérette venue et nous ont régalé d'un camembert Président, une bûche de chèvre, un Caprice des Dieux et un Babybel. Il paraît que nous avons échappé de peu aux Vaches-qui-rient.
Ah, et j'oubliais de dire qu'après la première bouteille, personne n'a pensé (ou osé réclamer ?) davantage de champagne. Une seule bouteille pour une bonne douzaine de buveurs, même en y ajoutant ensuite deux bouteilles de vin, ça n'a pas dû griser grand-monde. Du coup nous avons encore deux bouteilles au frigidaire. En plus de ce qui reste des cakes, de la salade quinoa/lentilles/etc., du christmas pudding, et du fromage. J'ose croire que d'ici demain soir, nous en serons venus à bout (des restes, pas du champagne) (La charcuterie, les gamins s'en sont chargés) (et ensuite ils ont eu soif toute la nuit).

Bon, mais qu'importe, après tout ? Parfois c'est réussi, parfois... moins. On se rattrapera l'année prochaine. En attendant, nous avons eu l'occasion de nous voir, de plaisanter, de nous extasier sur la dernière petite merveille de la famille (mon neveu tout neuf n'avait encore jamais autant tourné de bras en bras, je parie), de faire peur à la prochaine jeune maman ("Mais oui, c'est normal s'il pleure comme ça, tous les enfants en font autant à la tombée de la nuit, pendant deux ou trois heures, mais vers six mois ça commence à aller mieux"), et personne n'a renversé le sapin, donc on peut dire que c'était une soirée plutôt chouette, non ?

vendredi 25 décembre 2015

Cadeau d'ado insolite

Je me demande combien d'ados trouveront dans leurs souliers cette année une carte Michelin de la bataille de Normandie de juin 1944 ?
Au moins un, en tous cas. Et il est enchanté.

mardi 22 décembre 2015

Vitrines de Noël

Je n'avais pas osé il y a deux ans, pas eu l'occasion l'année dernière, mais cette année, c'est fait : nous avons emmené les trois petits voir les vitrines animées. Celles du Printemps sur le thème du conte, et celles des Galeries Lafayettes sur le thème de "Noël sur une autre planète" (robots, extra-terrestres, tout ça) (toute ressemblance avec un film ayant déjà fait des millions d'entrée en moins d'une semaine ne serait qu'un coup de bol fortuit).


C'était chouette, même si c'est totalement inphotographiable pour cause de reflet dans les vitrines.


Ensuite, sur l'insistance des petits, nous avons pris notre courage à deux mains et nous sommes entrés. Bon, à 10h du matin, il n'y avait pas encore trop de monde. L'occasion d'admirer la magnifique et gigantesque décoration des Galeries Lafayettes...


... et même de rencontrer un personnage mythique.


Oui, je sais, nous sommes des parents formidables, incroyablement dévoués à notre progéniture.
(Et surtout, ça fait une sortie à la fois sympa pour les gamins, et gratuite) (ne perdons pas le sens de réalités)

Prochaine étape : le marché de Noël des Champs-Élysées. Même pas peur.







dimanche 20 décembre 2015

La forme d'une bûche


Un premier déjeuner de Noël, aujourd'hui, avec une branche de la famille qui ne pourra pas être rassemblée le 25 décembre. On a fait facile (et bon) : raclette, crudités, et dessert Picard. Entre la raclette et la suite, les gamins vont jouer, et puis Mr Thing Two revient dans la cuisine au moment où je sors les desserts :
— Maman, t'as dit qu'on allait manger des bûches !
— Oui, et je le confirme, je suis en train les préparer.
— Mais c'est quoi, une bûche ?
— Eh bien, c'est un dessert de Noël, ça s'appelle comme ça parce que...

Mais il ne m'écoute déjà plus. Il a vu l'une des deux "bûches" Picard sur le plan de travail, et il repart en courant. Dans l'escalier, je l'entends qui crie à sa sœur :
— Une bûche, c'est un gateau en forme de maison !

Ah ben oui, forcément.

http://demandware.edgesuite.net/aahv_prd/on/demandware.static/-/Sites-catalog-picard/default/dwfb093331/produits/patisseries/edition/000000000000082035_E1.jpg

samedi 19 décembre 2015

Soirée jeux de société

Petit bonheur du jour :

Être invitée par une amie assez récente à une soirée "jeux de société" avec des quasi-inconnues ;
Se dire qu'on n'a pas joué à un jeu de société depuis, oulala, au moins tout ça ;
Se dire qu'en fait, on n'aime pas trop jouer ;
Se dire que néanmoins, jouer avec des adultes et non pas avec des gamins capricieux, sans devoir tricher pour perdre, c'est peut-être plus amusant ;
Se dire qu'une soirée entre copines et sans enfants, ça ne se refuse pas ;
Y aller, manger un délicieux buffet, rencontrer des femmes charmantes, beaucoup rire, et passer une excellente soirée à la fin de laquelle on se promet qu'on recommencera très vite.

(En plus, j'ai gagné à "Dixit", youpi !)

jeudi 17 décembre 2015

Littérature jeunesse et voitures omniprésentes

— Darling, tu crois qu'il serait plus honnête de ma part de refuser une traduction si le message de l'auteur va à l'encontre de mes principes ?
— Hum... je crois qu'il faut savoir mettre ses principes dans sa poche quand on a besoin d'argent. De quoi s'agit-il ?
— Du petit livre pour les 6-8 ans qu'on vient de m'envoyer.
— Et alors ? Il est épouvantablement sexiste ?
— Non, enfin si, un peu, d'ailleurs ; mais surtout, le héros est un petit chien automobiliste acharné...

Darling a ri. Pourtant, traduire un bouquin dont la première phrase commence par "Machintruc était très fier de sa voiture, et il la lavait tous les weekend pour la faire briller", ça me tente moyennement...

(OK, j'exagère un peu. Mais très sérieusement, vous êtes-vous déjà interrogés sur la place ahurissante que prennent les voitures dans les fictions destinées aux enfants ? Il y a eu Cars, bien sûr, mais aussi beaucoup, beaucoup d'autres dessins animés – je pourrais vous en citer au moins trois dont les héros sont soit des voitures vivantes, soit des humains ou des animaux humanisés qui passent leur vie à circuler en voiture pour sauver le monde ou aider les gens –, et des albums à n'en plus finir, et ne parlons même pas des jouets et des figurines... Et après, on s'étonne que les adultes aient des rapports aussi irrationnels avec leurs bagnoles. Même si on n'est pas un militant anti-voiture, les automobiles sont des outils, nom d'un chien. Voit-on des rayonnages entiers de vélos miniatures dans les magasins de jouets ? Des dessins animés qui mettent en scène des réfrigérateurs ou des perceuses qui parlent ? Des albums qui nous présentent la vie passionnante de Totoche la lampe de poche ? Ce n'est pas du bourrage de crâne, dites ?)

mercredi 16 décembre 2015

Fofo sur son vélo sur le frigo

Vous vous êtes toujours demandé à quoi pensent ces cyclistes qui sifflotent joyeusement en vous dépassant quand vous êtes coincés dans les embouteillages* ?


Eh bien voilà, vous avez la réponse : ils préparent mentalement leur liste de courses.

(Si ça continue, il va falloir que j'ouvre une rubrique intitulée "Fofo vue par Darling sur le frigo". Voir ici ou .)
(Mais en vrai, j'ai un vélo hollandais, sans barre au milieu.)

* Je ne résiste pas l'envie de mentionner ce slogan vu au dos d'un gilet jaune, et qui rappelle une vérité assez fondamentale : "Vous n'êtes pas coincés dans les embouteillages, vous êtes les embouteillages..."

mardi 15 décembre 2015

Traductrice et contente de l'être

21h40. Après les lavages de dents, livres lus, câlins successifs, pliage de linge, rangement, etc., je m'assois devant l'ordinateur dans l'intention de traduire encore un petit chapitre de mon roman en cours avant d'aller me coucher. Quoique... n'ai-je pas des choses plus urgentes à faire, maintenant que je suis à mon bureau ?
- Ce chèque à envoyer, ce virement à faire, ce dossier à compléter ? Non, non, pas ce soir, je suis prise d'angoisse rien qu'en pensant à ces trucs administratifs ; je m'y mettrai demain matin, sans faute.
- Cet album de contes pour les 3-4 ans à traduire pour après-demain ? Non, il n'y a pas d'urgence, j'ai encore le temps, je ferai ça demain entre deux chapitres.
- Ce site internet de l'association de cyclistes de ma commune, auquel j'ai promis de contribuer ? Franchement, j'ai la flemme, il faudrait relire tous les emails que nous nous sommes échangés à ce sujet, pas envie, pas ce soir.
- Ce post de blog que je me promets de rédiger depuis quinze jours, au sujet de ma collection d'albums sur le thème de Noël ? Trop long, il faut scanner les couvertures, chercher les infos, ça me barbe, on verra ça plus tard.
- Cette fiche de lecture à terminer avant les vacances de Noël ? La barbe, je ferai ça demain quand je serai un peu plus réveillée.
- Cette lettre personnalisée de la part du Père Noël en réponse à celle des enfants ? C'est vrai qu'il va vraiment falloir que je m'y mette, mais là je suis fatiguée, je n'ai pas le courage...

Alors, certes, cela explique pourquoi je traîne en permanence des urgences de toutes sortes comme des boulets qui pèsent sur ma conscience. Néanmoins, se rendre compte qu'à 21h40, ce qu'on a le plus envie de faire*, c'est ce qu'on a choisi comme métier, c'est tout de même une très bonne nouvelle...


* hors "temps libre", bien sûr. Je n'aurais rien contre un peu de lecture "pour le plaisir"...

lundi 14 décembre 2015

Une famille nombreuse qui a bon appétit

"Un jour, dans quatre ou cinq ans, ils reviendront affamés tous les après-midi vers 17h, trois enfants et un ado maigre comme un clou, plus quelques copains éventuels. Faudra-t-il alors que je prépare un gâteau tous les jours ?", demandais-je en 2012.

Comme j'étais naïve.

Trois ans plus tard, cela fait longtemps que je prépare tous les jours, pour le le goûter, soit un gâteau, soit quelques plaques de cookies ou autres biscuits. Aujourd'hui, j'avais préparé un bon gros gâteau aux pommes, bien épais, bien bourratif. Les petits avaient fêté un anniversaire, à l'école, donc ils en ont à peine mangé. Même après mon propre goûter, il en restait les trois quarts. Puis le Grand est arrivé...
(soupir)

J'essaie donc de m'accoutumer à l'idée que dans quelques années, ce sera deux gâteaux par jour. Et s'il n'y avait que les gâteaux...
Quelques exemples ?


- Ce soir, au dîner, j'ai servi deux poulets. Je n'en pouvais plus des batailles et des caprices pour la moindre miette (et puis ils voulaient TOUS un pilon). Il reste pas mal de blanc, de quoi agrémenter le risotto ou les pâtes demain, et les carcasses permettront de faire un délicieux bouillon en vue d'un minestrone rassasiant. N'empêche. Deux poulets. Pour six personnes, dont la moitié ont moins de six ans. Dans quatre ans, trois poulets ? Et dans huit ans, si le Grand est encore là, quatre poulets ? Au moins, ce sera une excellente motivation pour devenir végétarienne.

- Lorsque je fais de la purée mousseline, je fais systématiquement deux sachets, et il n'en reste jamais. Loin de là, ils se plaignent toujours qu'il n'y en a pas assez. Je vais bientôt devoir passer à trois sachets.

- Quand je ne suis pas là, Darling a encore le réflexe "picardises". Vous savez, ces plats intitulés "esprit de famille", sur lesquels est écrit "pour trois à quatre personnes". Il fait deux paquets d'un coup, bien sûr. A eux cinq, ils mangent tout. Quand les petits grandiront, il faudra passer à trois paquets. Mais où trouverons-nous une poêle assez grande pour les réchauffer ?

- J'ai acheté un plat à lasagnes gigantesque, le plus grand que j'aie pu trouver : il a la taille d'une plaque à pâtisserie, donc à peine moins large et profond que mon four. L'idée était de pouvoir faire des lasagnes, gratins etc. en quantité suffisante pour les soirs où nous avions des invités. Et ça marche encore, ou à peu près. Mais je sais que ça ne va pas durer. Nous ne sommes déjà pas loin de finir le plat à nous seuls. Donc s'il y a une ou deux personnes en plus, il faudra que je fasse deux plats, bien sûr.

- Un de mes dîner classique, dans la série "pas trop long, équilibré, et tout le monde aime ça", c'était la tarte aux légumes. J'en fais désormais moins souvent, car il faut que je fasse deux tartes, ce qui signifie le double de pâte à étaler, mais aussi de légumes à éplucher, d’œufs à battre, etc.

- Je ne fais plus jamais, jamais, jamais de repas sans féculents. Tous les jours, pâtes, riz, pommes de terre sont au menu. Pour que Darling, diabétique, ne risque pas les crises d'hypoglycémie ? Oui. Mais pas seulement. Quand nous étions trois, avec un seul enfant petit et pas d'ado, je faisais parfois une petite fondue de poireaux, par exemple. J'en utilisais sept ou huit. Logiquement, maintenant, il en faudrait vingt. Pas le temps, pas le courage.

- Hier, j'ai fait des pizzas. Trois différentes, chacune de la taille d'une plaque à pâtisserie. Elles étaient bonnes – nous n'en avons rien laissé –, mais la pâte était trop fine. "La prochaine fois, double les quantités", m'a conseillé Darling. Sauf que j'avais déjà eu bien du mal avec mes 1,2 kg de pâte. Mon kitchenaid peinait, et j'ai dû terminer le pétrissage à la main. Avec deux kilos et demi de pâte, je n'ose imaginer...

Etc. Je pourrais aussi vous parler du lait (42 litres, lors de ma dernière commande : le livreur avait l'air un peu étonné) ; des pommes (je ne peux plus aller les acheter en vélo, il n'y en a jamais assez, même quand je remplis panier ET sacoches : il va falloir ressortir le triporteur), des contenants toujours trop petits (pourtant, autrefois, je le trouvais grand, ce saladier...), des problèmes de feux (une cuisinière à cinq feux, c'est bien joli, mais pour peu que vous vouliez caser une cocotte et une poêle et une marmite de la taille nécessaire pour six, ça ne tiendra pas : ça m'éneeeeerve !), mais je vous quitte, j'ai des yaourts à lancer... Tiens, d'ailleurs, il serait peut-être temps de m'acheter une deuxième yaourtière ?

(Sérieusement, quand je pense à ce que ça pourrait être quand ils auront respectivement dix, douze, douze et vingt ans, ou même, avec un gamin de moins, treize, quinze et quinze ans, j'ai des sueurs froides...)

samedi 12 décembre 2015

Sapin en livres

J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour les gens qui se fabriquent un sapin au lieu d'acheter un arbre, vrai ou faux. J'en ai déjà vu en papier, en tissu, en bois, en bougies, en coussins, en cintres. Mais je dois dire que celui-ci, vu ce matin chez une amie, est sans doute mon préféré...

jeudi 10 décembre 2015

Arguments anti-cantine

Le Grand part au lycée à 9h45 : le jeudi, il commence à 10h.
Dix minutes plus tard, le voilà qui revient avec un copain.
— Maman, on a rencontré des garçons de notre classe qui nous ont dit que le prof de français n'était pas là, c'est chouette, on avait deux heures de français ! Ça veut dire qu'on n'a pas cours ce matin.
— Ah.
— Du coup, est-ce qu'on peut déjeuner ici au lieu d'aller à la cantine ?
— Certainement pas.
— Oh, mais pourquoi ?
— D'abord parce que je n'ai absolument pas envie de cuisiner quelque chose alors que si je suis toute seule, je peux me contenter du reste du gratin de choux d'hier soir ; ensuite parce que vu le prix que me coûte la cantine, je ne veux pas que tu rates un repas alors qu'on l'a payé ; et enfin parce que indépendamment de questions d'argent, ton repas est déjà en cours de préparation, et si tu ne le manges pas, il va finir à la poubelle.
— Mais non, maman ! Il y a toujours pleins d'élèves qui veulent du rab. Même quand c'est très mauvais. Et des fois, c'est vraiment très, très mauvais, tu sais. Et justement, c'est le cas aujourd'hui ! J'ai regardé le menu, et aujourd'hui, il va y avoir... des asperges. Elles sont affreuses, pleines d'eau...
— Des asperges ?
— Oui.
— En décembre ?
— ... Pourquoi, c'est pas la saison ? Ah, non, je me suis trompé, c'était pas des asperges, c'était... euh, euh, euh...
— Dis, mon Grand, si vous n'êtes même pas allés jusqu'au collège, comment as-tu fait pour consulter le menu ?
— ...

(Finalement, comme je n'ai rien voulu savoir et que je les ai mis dehors à midi moins dix, ils sont allés déjeuner... chez le copain. Si.)

mercredi 9 décembre 2015

Pronopagnosie

Et donc, l'autre jour, je vous ai raconté que je m'étais inventé une maladie, l'aphysionomapathie, l'incapacité de se souvenir du nom et surtout du visage des gens (sauf proches). On en a plaisanté – mais oui, maman, je te reconnaîtrai la prochaine fois que tu sonneras à ma porte –, mais en réalité je vous jure que ce n'est pas toujours drôle. Surtout l'oubli des visages, qui est beaucoup moins aisément pardonné que celui des noms : les gens croiront plus volontiers que vous ne les avez pas oubliés si vous les reconnaissez, même si vous ne savez plus comment ils s'appellent, que si vous avez besoin de leur demander "euh, on se connaît ?". On vous soupçonne d'être hautain, de ne pas vous intéresser aux autres. Je vous raconte deux anecdotes de plus ?

Un jour, quand j'avais environ vingt ans, j'ai rencontré dans une ville de province une fille qui m'a sauté au cou. Nous avons longuement bavardé, nous avons même déjeuné ensemble. Mais je ne la reconnaissais pas du tout. De désespoir, j'ai fini par lancer, un peu maladroitement :
— C'est drôle de se rencontrer ici, ça fait si longtemps qu'on ne s'est pas vues !
— C'est vrai !
— Oui, ça fait au moins... Oh la la, je ne sais plus combien de temps...
— Ben, depuis la terminale, j'imagine.
Au moins, j'ai compris que c'était une ancienne élève de mon lycée. Mais je n'ai jamais su qui. Si elle m'avait dit son nom, peut-être que ça m'aurait évoqué quelque chose, ou alors j'aurais pu interroger d'autres anciens élèves. Encore mieux : si elle m'avait dit "Tu sais, j'étais avec toi en seconde, j'étais assise au troisième rang sous la fenêtre, un jour le prof d'histoire m'a donné une dissert de quatre pages à faire sur le thème de l'amour courtois au Moyen-Age parce que j'avais lancé une plaisanterie grivoise en cours", je m'en serais souvenu, j'en suis certaine.

Quand une éditrice pour qui je bossais a quitté sa boîte pour une autre, et que son assistante l'a remplacée, j'ai pris rendez-vous avec cette dernière pour continuer notre collaboration. Hélas, quand je suis arrivée, on m'a demandé de l'attendre dans un hall très passant. J'avais été présentée à cette jeune femme, je connaissais son nom, nous nous tutoyions par email depuis longtemps. Mais j'étais incapable de dire si elle était blonde ou brune. Je savais que je ne la reconnaîtrais pas dans le flot de gens qui allaient et venaient. Elle allait donc certainement penser que je n'avais jamais fait attention à elle parce qu'elle n'était "que" l'assistante (alors que ça m'arrive aussi avec les directeurs). J'ai alors eu une idée de génie : je me suis tournée vers le plan de sécurité de l'immeuble, et je l'ai fixé intensément comme si j'étais une grande angoissée qui avait besoin de connaître par cœur l'emplacement de toutes les sorties de secours avant de monter à l'étage. Quand elle est arrivée, j'ai donc eu une très bonne excuse pour ne pas la voir avant qu'elle vienne me taper sur l'épaule.
Aujourd'hui, je la reconnais même hors contexte... mais je serais incapable de reconnaître son assistante.

Bref, on en rigole, mais franchement, c'est assez handicapant, même pour quelqu'un qui n'a pas une vie sociale très intense.
Je me souviens qu'au mariage d'une de mes amies, je n'ai pas retrouvé le marié parmi les hommes qui entouraient la mariée. C'était son copain depuis des années, et il avait dîné au moins deux fois chez moi.
Je me souviens avoir un jour décidé de prendre des notes sur l'apparence des gens en sortant d'un rendez-vous ("petite et brune, cheveux courts", "lunettes rondes", "très maigre"), sauf que j'avais vu quatre personnes à ce rendez-vous, et qu'en sortant j'avais déjà oublié les caractéristiques physiques de chacune d'entre elles.
Je me souviens qu'un ami avait plaisanté un jour sur le fait que si je me faisais attaquer, il n'aimerait pas être le flic chargé de faire le portrait-robot de mon agresseur d'après ma description.
Je me souviens avoir fait une recherche sur google pour trouver la photo d'un auteur que j'avais déjà accompagné l'année précédente avant d'aller l'accueillir à la gare.
Je me souviens avoir été plusieurs fois très agacée quand quelqu'un, sur le point de me présenter à quelqu'un d'autre, me lançait "Mais vous vous connaissez peut-être déjà ?", et avoir eu envie de lui répondre "Eh bien, présentez-nous d'abord, et je vous dirai ça ensuite".
Je me souviens avoir été complètement perdue en regardant certains films, parce que je n'arrivais pas à reconnaître les personnages dès que les acteurs changeaient de tenue.

Bref, je pense que vous avez compris l'idée.
Alors pourquoi est-ce que j'en remets une couche aujourd'hui ?
Parce que grâce à un commentaire suite à mon article de l'autre jour, j'ai découvert que cette pathologie que j'avais inventé existait vraiment. Elle ne s'appelle pas réellement aphysionomapathie, en revanche, mais prosopagnosie (c'est dommage, je vais avoir plus du mal à le retenir). Il y a même une fiche wikipedia, regardez. Et des articles dans des journaux très sérieux.
Alors, je ne sais pas si je suis réellement prosopagnosique, et si je le suis, c'est de manière modérée, car contrairement aux cas les plus graves décrits ici ou là, je reconnais mes proches. Mais je me suis vraiment retrouvée dans certaines des situations évoquées. Par exemple, dès que quelqu'un cache ses cheveux, dès qu'il ou elle met un chapeau ou un bonnet de bain, ça me complique énormément les choses (une raison de plus d'être contre le voile) (désolée). Sérieusement, je ne jurerais pas que je reconnaîtrais immédiatement une amie si je la croisais dans une piscine loin de chez elle (une raison de plus de ne jamais aller à la piscine) (OK, j'arrête).

Tout ça pour dire que si un jour quelqu'un que vous avez déjà vu dix fois ne vous reconnaît pas d'emblée, ne vous vexez pas. Ce n'est pas forcément de l'indifférence, ni de la mauvaise volonté, ni du mépris. Peut-être que cette personne se souvient beaucoup mieux que vous de ce que vous avez mangé la dernière fois que vous avez déjeuné ensemble, et des sujets que vous avez abordés pendant le repas. Donnez-lui, donnez-nous une chance...

(PS : Et encore merci mille fois à la personne qui m'a mis le lien dans les commentaires, je commençais vraiment à me dire qu'il me manquait une case. Ce qui est le cas, d'ailleurs, mais c'est très rassurant de savoir laquelle, et de savoir que je ne suis pas la seule !)

mardi 8 décembre 2015

Un point c'est tout

Le Filou vient traîner dans la cuisine pendant que je prépare le repas, dans l'espoir de récolter quelque chose à se mettre sous la dent.
— Moi z'a faim, maman.
— Eh bien ça tombe bien, on va manger dans un quart d'heure. Mais d'abord, je vais te donner une douche.
— Mais moi z'a faim, tu peux donner kèke soze à manzer à moi ?
— Non. Tu attendras le dîner, comme tout le monde.
Il se met à chouiner. J'ai l'habitude. Je tiens bon :
— Arrête de me casser les oreilles, ça ne servira à rien. Je vais t'emmener prendre une douche, et tu mangeras ensuite. Un point c'est tout !
Il s'énerve :
— Non, pas un point c'est tout !
— Ah non ?
— Non, n'a deux points : la dousse, et le dîner !

lundi 7 décembre 2015

Bartleby le scribe



C'est un magnifique album paru en 2013 aux éditions Sarbacane, et qui reprend le texte intégral de Bartleby le scribe, célèbre nouvelle de Melville, avec de superbes illustrations, en très grand format, de Stéphane Poulin. Bartleby, je le connais depuis que Daniel Pennac en a parlé dans l'un de ses romans, Des Chrétiens et des Maures. Sa description (« Qui a lu cette longue nouvelle sait de quelle terreur peut se charger le mode conditionnel ») avait éveillé ma curiosité. Bartleby, c’est donc ce copiste qui, lors d’une demande de son patron, répond « I would prefer not to » : je préférerais ne pas le faire. Et lors de sa relecture de la nouvelle, le narrateur de Des Chrétiens et des Maures, l’aîné des Malaussène, nous dit même :

Suivait une note sur la traduction la plus adéquate de l’expression utilisée par Bartleby : I would prefer not to. Fallait - il écrire, comme la traductrice l’avait fait dans une précédente édition : « Je préférerais n’en rien faire », ou moderniser l’expression en optant pour ce « J’aimerais mieux pas », moins poli mais plus ferme ? La difficulté résidait dans ce not to final, particularité anglaise intraduisible chez nous. Or, toute la détermination de Bartleby vient de cette opposition entre l’apparente politesse du conditionnel I would prefer et le tranchant de ce not to.

Quand j’ai vu l’album au Salon du Livre, j’ai donc regardé, par curiosité, pour quelle formule le traducteur* avait opté. Et je suis tombée sur…
Je préférerais ne pas.
Si, si.
C’est une formule que vous utilisez tous les jours, non ? « Tu peux me passer le sel ? » « Je préférerais ne pas, c’est déjà bien assez salé comme ça ».

Il est très beau, cet album. Vraiment très beau. Pourtant, je vous jure que je ne l’achèterai pas.

* Normalement, je cite toujours le nom du traducteur, bien sûr. Cette fois, je m’abstiens, pour des raisons évidentes, mais aussi parce que je ne suis absolument pas certaine que ce soit le traducteur qui soit l'auteur de cette phrase ahurissante (et répétée à maintes reprises : ce n’est pas une faute de frappe). N’importe quel éditeur se piquant de comprendre l’anglais, n’importe quel correcteur trop zélé a pu décider qu’ici, le mot-à-mot s'imposait. N’empêche que je me demande comment ça a pu être validé, et s’il y a eu des protestations, ou si personne n’a osé piper mot…

Mysanthropie matinale

Hier soir, j'ai regardé Interstellar avec Darling. Du coup, j'ai passé la nuit à chercher en rêve le moyen de sauver l'humanité de l'extinction. Et puis ce matin, j'ai vu les résultats des élections, et je me suis demandé si ça en valait vraiment la peine...

samedi 5 décembre 2015

Aphysionomapathique

Je vous ai raconté moult fois à quel point j'ai du mal à reconnaître les gens ET à me souvenir de leur nom. Cela m'a valu quelques moments très gênants au cours de mon existence, en particulier dans la vie professionnelle. Du coup, je suis toujours très inquiète lorsque je vais dans un salon du livre, en particulier lors d'une inauguration.
Mercredi soir, lors de l'inauguration du Salon du livre jeunesse, lorsque je suis arrivée sur le stand de l'un des éditeurs pour qui je travaillle, j'étais très fière de moi : j'ai reconnu quelqu'un du premier coup d'oeil.
— Ah, ça c'est la directrice littéraire, celle qui a été obligée de se présenter la dernière fois ! Ah, super, je progresse. Je me souviens très bien d'elle, elle s'appelle... elle s'appelle...
...
Incurable.
Heureusement, pour lui dire bonjour, je n'ai pas eu besoin de son nom, qui m'est revenu par la suite.

Quand mon éditrice est arrivée, je lui ai raconté l'anecdote. Elle a beaucoup ri, puis elle m'a conseillé :
— Tu n'as qu'à dire que c'est une pathologie.
Bonne idée.

Plus tard, je me suis dirigée vers le stand d'un éditeur avec qui je n'ai travaillé qu'à distance. Cette fois, j'avais une bonne excuse pour demander qu'on me le désigne, puisque je ne le connais pas "de visu" : j'ai juste échangé une vingtaine d'emails avec lui. J'ai un peu traîné sur le stand jusqu'à ce que quelqu'un me demande aimablement :
— Vous cherchez quelqu'un ?
— Oui, un éditeur, euh...
Et c'est à ce moment-là que je me suis rendu compte que j'avais oublié son nom. Je n'ai pas eu le courage de demander à cette aimable personne de me réciter le nom de tous les éditeurs présents (en général, si j'ai droit à un QCM, je trouve la bonne réponse) , donc je suis partie.

Hier soir, nouvel incident. J'arrive pour faire l'interprète lors d'une rencontre, on me présente l'auteur étranger, très bien, sur quoi un autre auteur arrive, un Français. Et sa tête me dit quelque chose. Je ne suis sûre de rien, mais quand quelqu'un nous présente l'un à l'autre, il confirme :
— Oh, on se connaît !
Oui, on se connaît, mais d'où ? Son nom ne me dit rien du tout. Je me creuse la tête. Certains auteurs sont également éditeurs, ai-je travaillé pour lui ? Je ne crois pas. Je n'ai pas pu faire l'interprète pour lui l'une des années précédentes, non seulement parce qu'il est français, mais surtout parce que si je l'avais vu pendant une heure il y a deux ou trois ans, je ne l'aurais pas reconnu, c'est certain. Alors quoi ? Je finis par craquer :
— Excusez-moi, je suis très peu physionomiste, pouvez-vous me dire d'où on se connaît ? Sinon ça va me travailler toute la nuit...
Il rigole, mais je pense qu'il est un peu vexé.
— C'est vrai, tu ne te souviens pas de moi ? Oh, on a juste bossé ensemble sur des commissions pendant trois ans...
Bon sang de bon sang de bonsoir. Nous nous sommes vus au moins dix fois, nous avons débattu pendant des heures et des heures, nous avons déjeuné ensemble. Et je ne l'ai pas reconnu.

Le pire c'est que, pour autant, je ne l'ai pas oublié. Je me souviens de lui. Je m'en souviens même très bien. Je me souviens de son caractère, de sa manière de parler, de ses plaisanteries, de ses opinions. Mais comment voulez-vous expliquer à quelqu'un que ce n'est pas lui ou elle que vous avez oublié(e), mais "seulement" son nom et sa tête ?

— Il faut vraiment que tu dises que c'est une pathologie, me confirme un ami à qui je raconte la scène.
— Tu as raison. Si je m'excuse en expliquant très sérieusement que je souffre du syndrome de Machintruc, avec un mot savant, peut-être que ça passera. Mais il faut lui trouver un joli nom, alors.
— Alors, voyons... pathologie... physionomie... hum...

Et après avoir médité pendant quelques secondes, mon ami a enfin mis un nom sur la maladie qui pèse sur moi depuis des dizaines d'années, et c'est un immense soulagement.

Car après tout, si certains souffrent de géphyrophobie ou de placomusophobie, pourquoi ne souffrirais-je pas, moi, d'aphysionomapathie, hein ?

jeudi 3 décembre 2015

Marre du rose !

La dernière fois qu'elle est venue, ma mère nous a apporté des catalogues de jouets, dont celui de Lego et celui de Playmobil. Ce soir, je feuillette distraitement ce dernier, pour voir s'il y a des nouveaux thèmes par rapport à l'époque où mon Grand connaissait par cœur le numéro et le prix de toutes les boîtes actuellement en vente. Ah oui, tiens, il y a un grand magasin, c'est rigolo ! Bien sûr, c'est une fille qui présente le jouet, c'est déjà moins rigolo. Le slogan de la page : "Et si on allait essayer de nouvelles robes" ? Ah ben oui, parce que dans un magasin, on ne vend que des robes, apparemment, et aussi des sacs à main. Non mais attendez, dites-moi que je rêve... Non, ce n'est pas possible...
Si. TOUS les petits personnages Playmobil présents dans la page sont féminins, sauf peut-être celui qui vend des glace. Les clients ne sont que des clientes.
Suis-je bête, les hommes n'aiment pas les beaux vêtements. Pas vrai, Darling ?

Du coup, je suis très sensible à la campagne actuelle, Marre du rose !, proposée par l'association Osez le féminisme et par les Chiennes de garde. Parce que oui, c'est indéniable, loin de s'améliorer, la situation ne fait qu'empirer. Les jouets sont de plus en plus souvent genrés, tout comme les magazines. Et pas seulement les poupées ou les ballons, hein, ce qui serait déjà bien assez grave, mais aussi tous ces jouets autrefois neutres, comme les Lego ou les Playmobil, justement, mais aussi, je viens de l'apprendre, le Monopoly, si si. Tout rose, y compris les dés ou les pions en forme de sèche-cheveux ou de tongs, et au lieu d'acheter des hôtel, on y court les boutiques et on y loue des yacht. Je vous JURE.

Bien sûr, les grands perdants de cette histoire sont les filles, qui voient leur champ de possibilités réduit à peau de chagrin (en gros, leurs jeux sont classés dans deux catégories : être belles – pour les hommes, cela va de soi – et être bonnes ménagères), mais n'oublions pas que des garçons pourraient avoir envie de jouer à la poupée ou de passer l'aspirateur. Sauf qu'ils comprennent très, très, très tôt qu'ils ne doivent même pas s'approcher du rose sous peine d'être ridicules. Et de quelle couleur sont les pages des catalogues où figurent les poupées, à votre avis ?


J'ajouterai que les modèles qu'on leur offre ne sont pas toujours parfaitement sains non plus. (Ici, parenthèse : je me suis retenue, je n'ai pas encore balancé à la poubelle les Barbie et la poupée qui dit "Maman, il faut changer ma couche" qu'on a offertes à ma fille. Mais si un jour quelqu'un offre quelque chose qui ressemble de près ou de loin à un pistolet à l'un de mes fils – hors pistolet à eau –, je le jette. Vraiment. J'ai mes limites.)


Bref, oui, marre du rose, du rose à toutes les sauces, des vélos roses, des patins à roulettes roses, des puzzles roses, des cahiers de coloriages roses, des princesses roses, des balais roses, des magazines roses, des cordes à sauter roses, des dinettes roses, etc. Marre, marre, marre, marre, et MARRE !


PS : Le site de la campagne, avec des explications fort intéressantes pour ceux qui pensent que ce n'est pas si grave. Et une liste des pages facebooks des vendeurs de jouets à harceler, pour ceux qui utilisent cet outil.

mercredi 2 décembre 2015

Un Salon de Montreuil (presque) sans enfants

Le Salon de la littérature jeunesse, dit familièrement "Salon de Montreuil", parce qu'il se passe à Montreuil (oui, bien vu), vient de commencer aujourd'hui. Dans une ambiance assez morose. Certains éditeurs ont carrément annulé leur venue, certaines interventions ou séances de dédicaces d'auteurs ou d'illustrateurs ont été supprimées. Il faut dire que dans les allées, cet après-midi, il n'y avait quasiment pas d'enfants. Et un salon des livres pour les enfants sans enfants... c'est un peu triste.

Néanmoins, la "rencontre croisée" entre deux illustrateurs pour laquelle j'avais été embauchée en tant qu'interprète a été maintenue. Et quand je suis arrivée dans la salle, j'ai eu le plaisir de voir qu'il y avait une bonne vingtaine de gamins. Par miracle, deux centres de loisirs avaient réussi à venir. Chic !

La rencontre a commencé. Sur la scène, deux auteurs d'albums pour les petits. Dans le public, des mômes de 5-6-7 ans.
Et puis le modérateur a commencé à interroger les dessinateurs :
"Pouvez-vous nous résumer votre parcours professionnel ?"
"Pouvez-vous nous dire quelle technique vous avez utilisée pour votre dernier album ?"
"Quelle est la différence entre l'acquarelle et la peinture à l'huile, d'un point de vue pratique ?"
"Quel a été le retour de l'auteur du texte, et de l'éditeur ?"
Etc.

A des gamins qui ne savent pas la différence entre l'auteur, l'illustrateur, l'éditeur et l'imprimeur, et qui ignorent que les dessinateurs ne fabriquent pas eux-mêmes les livre avant d'aller les vendre. En fait, souvent, les plus jeunes n'ont même pas conscience que leur livre existe en plusieurs exemplaires...

Résultat ?
Nous avions devant nous les seuls enfants qui avaient réussi à venir au salon, et... ils sont partis au bout d'un quart d'heure. Cela faisait dix minutes qu'ils avaient complètement décroché et qu'ils chahutaient ou bavardaient, donc les adultes qui les accompagnaient les ont fait lever et partir.

Nous avons fini la rencontre à 9. Le modérateur, les deux illustrateurs, l'interprète (moi), et cinq adultes dans la salle. Dont l'épouse de l'un des illustrateurs.

(Soupir)

mardi 1 décembre 2015

La double inconstance

Hier soir, le Grand et moi sommes allés à la Comédie Française voir La double inconstance de Marivaux, dans une mise en scène d'Anne Kessler. Des places que j'avais achetées il y a longtemps, parce que j'en avais entendu dire beaucoup de bien. Et puis le Grand n'avait encore jamais mis les pieds dans ce théâtre emblématique, et j'avais vraiment envie de le lui faire découvrir.


Bien sûr, quand j'avais pris des places avant l'été, je n'avais pas prévu que ce serait le jour où les transports seraient ralentis pour cause de COP21, et encore moins que la France serait en état d'urgence à cause des attentats. Le Grand m'a d'ailleurs demandé à moitié sérieusement si ce n'était pas dangereux d'aller dans une salle de spectacle, et quand nous nous sommes assis, la première chose qu'il a fait, bien avant d'admirer la fresque au plafond où les loges sur le côté de la scène, c'est de vérifier où étaient les issues de secours. On est jamais trop prudent.

J'avais profité du trajet en métro pour lui expliquer le titre, lui présenter les personnages principaux, et surtout pour lui faire réviser quelques points de vocabulaire ("J'en suis fort aise", "Je suis votre serviteur", "Quand vous le diriez cent fois", "Je n'entends rien à tout cela", etc.). Bien entendu, j'en ai oublié, et au milieu de la pièce, il s'est penché vers moi pour me demander à voix basse :
— Mais pourquoi il appelle toujours sa copine "Mamie" ? Elle n'est pas vieille !

Dans l'ensemble, il s'est cependant très bien conduit. Avant le début de la pièce, à un moment donné, alors qu'il faisait vaguement l'andouille, je lui ai lancé :
— Mon Grand, comporte-toi comme un adulte. D'ailleurs, regarde autour de toi, et dis-moi combien il y a d'ados dans cette salle.
Il s'est retourné avec curiosité, et puis je l'ai vu écarquiller les yeux au fur et à mesure qu'il parcourait des yeux le parterre et les balcons. Autant dire que j'étais moi-même largement en-dessous de la moyenne d'âge, et qu'il n'y avait pas plus d'ados débraillés que de vieilles dames endimanchées dans une salle de cinéma qui projette Le Labyrinthe.

[Parenthèse sociologico-psychologico-snobino-réflexive : A ce moment-là, je me rappelle avoir pensé que je lui faisais un cadeau à la fois très précieux et vaguement empoisonné. J'ai eu moi-même mon premier abonnement à la Comédie Française à mon entrée en sixième, et j'en ai eu pendant des années. Je pense que j'étais la seule de ma classe, peut-être la seule de tout mon collège dans ce cas. Et on ne m'emmenait pas seulement à la Comédie Française, mais aussi à l'Odéon, aux Amandiers de Nanterre, à Chaillot (pas tout ça chaque année, je vous rassure !)... Résultat, aujourd'hui, j'adore le théâtre, et y aller est pour moi une fête, bien plus que n'importe quelle autre sortie. Néanmoins, comment nier qu'il y a une (petite) part de snobisme culturel là-dedans ? Je veux dire, certes, mes gamins se trimballent la moitié du temps en guenilles achetées par lots sur eBay, mais nous, nous allons au théââââtre. Il me semble que ça vous pose un peu là, bien plus que les vacances au Club Med de Tahiti ou les cabans de chez Bonpoint. Ça ne se voit pas, on ne s'en vante pas, mais au fond de soi, on sait qu'on fait partie d'une élite, non pas économique mais culturelle. Comme ces bobos qui, dans la chanson de Renaud, sont abonnés à Télérama et "aiment les restos japonais et le cinéma coréen", mais en encore plus pointu. Ce qui n'empêche pas, parallèlement, d'aller voir James Bond, d'offrir des figurines Pokemons à ses enfants, de regarder le bêtisier de Canal + ou de faire alterner Dorothée et Monteverdi dans le lecteur CD. (A ce sujet, lire l'excellent La culture des individus du sociologue Bernard Lahire, qui démontrent que les dissonances culturelles individuelles ne sont pas une exception, mais la norme).]


Bref, La double inconstance. Très bien. Un jeu d'acteur léger et juste, un décor agréable à l'oeil mais pas trop invasif, une mise en scène à la fois teintée d'originalité mais qui ne verse pas dans le n'importe quoi (ça s'est déjà vu, même à la Comédie Française : j'ai souvenir d'un Amphitryon, il y a une douzaine d'année, qui dépassait allègrement les frontières du ridicule), quelques traits d'humour visuels discrets mais un grand respect du texte de Marivaux et de son propre humour... Une très bonne soirée au théâtre, donc. Et le plaisir de voir que le Grand peut s'amuser même loin de sa DS ou de ses Picsou Magazines ou de ses vidéos de Cyprien. Fauchés ou pas fauchés, nous y retournerons, c'est juré, dussions-nous manger des patates pendant un mois !