samedi 31 août 2013

La possibilité d'une sieste

Nous avons tous connu cette situation : c'est l'heure de la sieste, le silence règne, on essaie d'avancer une traduction, mais les yeux se ferment, et aucun café n'y changera rien, il faudrait juste quelques bonnes nuits complètes. Alors on se dit qu'on va se coucher et essayer de dormir au moins une heure, le temps que la maisonnée se réveille. Sauf que voilà, le Grand bouquine sur son lit, il y a une gamine dans le lit parental, un gamin dans sa propre chambre, et un bébé dans le cagibi, où de toutes façons on ne tient pas, sauf éventuellement en chien de fusil ; quant au canapé, il est occupé par un Darling profondément endormi malgré l'inconfort, et qui dépasse de tous les côtés, tant le premier est petit et le second est grand (le canapé et Darling, pour ceux qui ne suivent pas). Il n'y a donc aucun endroit où s'allonger, et même strictement aucun endroit où s'isoler, à part bien sûr dans les toilettes. On est donc contraint de rester sur sa chaise de bureau inconfortable, à côté du Darling qui ronfle, et de piquer du nez vers son clavier, en songeant que décidément, de toutes les tortures modernes et légales, l'interdiction de dormir est la pire, avant même l'interdiction de manger, si si.

Vous connaissez, hein ? Vous voyez ce que je veux dire ?
Ah non ?
Ah bon.

Eh bien, maintenant, moi non plus ! Parce que depuis que j'ai déménagé, si mon front se rapproche trop de mon clavier à 14h15, je n'ai plus besoin d'envisager sérieusement d'aller m'allonger à même le tapis de l'entrée (je l'ai fait, une ou deux fois). Car même si les quatre enfants et Darling dorment chacun dans une pièce différente, je peux aller roupiller, au choix :
- sur le nouveau canapé, beaucoup plus grand et long que le précédent ;
- dans mon propre lit à côté de Darling ;
- sur le divan très confortable de la salle de jeu / chambre d'amis ;
- dans le jardin, sur une chaise longue ou une couverture dans l'herbe, tant qu'il fait beau ;
- et quand mon bureau aura été débarrassé des dizaines de cartons qui l'encombrent, je n'exclus pas d'y installer un fauteuil très confortable où il sera possible de piquer un petit somme.

Déménager, ça a du bon, aussi.

jeudi 29 août 2013

Shortbreads involontaires

Petit à petit, on s'installe. La plupart des livres attendent toujours bien sagement dans leurs cartons, mais on déballe les serviettes, les draps, une partie des vêtements, et surtout les ustensiles de cuisine. Du coup, on essaie de manger un peu moins de picardises et un peu plus de "fait maison", dans la mesure du temps disponible.

Aujourd'hui, j'ai décidé que le moment était venu de proclamer au monde entier et surtout à moi-même que j'étais chez MOI, que cette cuisine était la MIENNE, et donc j'ai fait des petits gâteaux : symboliquement, quoi de mieux pour signifier que j'étais vraiment installée ? Grâce aux efforts de ces derniers jours, j'ai trouvé assez facilement tous les ingrédients nécessaires pour faire des cookies tout simples au chocolat. Mon Kitchenaid était branché. La farine n'avait pas été envahie par les mites. J'ai réussi à trouver le bon programme sur mon nouveau four. J'ai même mis la main sur mes plaques de cuisson. Et comme la cuisine est très petite (ah bon, je vous l'ai déjà dit ?), j'ai même rangé au fur et à mesure. Si !

Sauf que bon, l'émotion, le rangement différent, la perte de mes habitudes, ou alors simplement ma distraction naturelle, je ne sais pas... toujours est-il qu'après avoir tenté les biscuits sans sucre et le gâteau sans levure, j'ai réalisé bien après les avoir enfournés que j'avais fabriqué des cookies sans oeufs.

Eh bien, vous savez quoi ? Mes shortbreads tout ronds au chocolat* étaient drôlement bons, et quand nous nous sommes rassemblés tous les six pour les manger autour d'un thé Earl Grey à 16h, je me suis vraiment sentie chez moi.

*Mais si, de la farine, du sucre, beaucoup de beurre, et du cacao, ça fait bien un shortbread chocolaté. Coup de bol, non ?
(La pâtisserie, c'est magique)

lundi 26 août 2013

Un ou deux moustiques

— Il n'y a pas trop de moustiques, ici ? ai-je demandé à Darling le soir de mon retour.
— Non, non, m'a-t-il rassurée. Un ou deux, peut-être...

C'était une bonne nouvelle. J'ai passé l'été à me battre contre ces sales bestioles, à piquer du spray à la citronnelle à tous mes invités jusqu'à ce que je me décide à en acheter, à expliquer aux gens que non non, Mr Thing Two n'avait pas la varicelle, mais juste la peau au moins aussi sucrée que la mienne (un jour, j'ai compté : 33 boutons sur la jambe gauche, 25 sur la droite. Je n'ai pas eu le temps de continuer, il s'est lassé, mais il y en avait au moins autant sur le dos, les bras, et même le visage).

Malheureusement, il faut croire que ces un ou deux moustiques étaient tous dans notre chambre, et manifestement affamés. Impossible de dormir. A deux heures du matin, en entendant Darling se tourner et se retourner à côté de moi, je lui ai proposé d'allumer la lumière cinq minutes, histoire de voir si on pouvait attraper ces un ou deux petits teigneux. Il a accepté avec soulagement. Fenêtre fermée, lumière allumée, j'ai découvert douze énormes insectes qui digéraient sur mes beaux murs blancs (l'avantage de ne pas avoir encore monté les étagères ni accroché les tableaux).

Je me suis mise en chasse. Je les ai tous écrasés. A mains nues, dans l'urgence. A la fin, j'avais les doigts couverts de sang. Le mien, et dans une moindre mesure celui de Darling, j'imagine.
J'ai recommencé à cinq heures du matin.
Puis au lever, à sept heures.
Dans la journée, j'ai organisé un concours : une prime à celui qui en éliminait le plus. Tous les plus de quatre ans ont participé, mais j'ai gagné haut la main. Trente-huit en vingt-quatre heures. Ce qui ne m'a pas empêchée de me faire dévorer la nuit suivante, et de commencer la deuxième journée par un octuple assassinat.
Depuis, je n'entre plus dans une pièce sans scanner les murs du regard. Je devient championne du repérage de moustique en plein vol. Je sais demeurer immobile pour servir d’appât et sauver ainsi mes enfants. Je n'ouvre plus les fenêtres. Je barricade la maison après six heures du soir. Et pourtant, tous les jours, j'en attrape d'autres. Et toutes les nuits, ils se vengent avec cruauté.
Décidément, ces un ou deux moustiques sont des durs à cuire.

C'est quand, l'hiver, déjà ?


samedi 24 août 2013

Retour vers l'avenir

Des vacances qui paraissent interminables, des jours qui s'écoulent lentement, et puis tout à coup, voilà que septembre approche et qu'on doit rentrer. On ferme la maison, on refile à quelqu'un tout ce qu'on n'a pas réussi à manger (qu'est-ce qui m'est passé par la tête quand j'ai commandé ce poulpe congelé chez le Monsieur Picard italien, déjà ? Ai-je pensé que j'aurais le temps de cuisiner ?), on retrouve les lunettes de soleil qu'on cherchait partout depuis le lendemain de l'arrivée, on remballe les livres pour lesquels on devait faire des fiches de lecture et qu'on n'a pas touchés, et on embarque, à sept (mes gamins, ma mère, ma petite sœur et moi) dans une voiture sept places de taille réduite, sans coffre. Réveil à six heures du matin, les mômes dans la voiture, tout le monde est attaché ? Tout le monde a fait pipi ? Tout le monde a un sac sous les pieds / sous les fesses / sur les genoux / entre les jambes ? Hop, la musique des Misérables, et on est parti. Huit heures de route divisées en quatre étapes, parce que toutes les deux heures, la pause s'impose, et puis quelques embouteillages en rab, pour le plaisir ; un peu plus de treize heures de voyage. Arrivée à huit heures du soir, après une indigestion des Misérables et une indigestion de petits gâteaux, mais tous les enfants sont là, la voiture est intacte, et on n'a même pas perdu de bagages, donc tout va bien. Plus qu'à préparer un dîner, donner les douches, vider la voiture, retrouver les pyjamas, et puis se relever quinze fois la nuit parce que forcément, les gamins sont un peu déstabilises de "revenir" dans cette maison qu'ils connaissent à peine, n'y ayant habité qu'une douzaine de jours avant de partir en vacances.

Me revoici donc dans ma nouvelle maison, avec mes 97 cartons de livres à déballer, ma cuisine si petite qu'il faut que je choisisse entre la yaourtière et la cocotte-minute et que je stocke l'autre à la cave (un déchirement), le parquet qui craque dans l'escalier et qui réveille tout le monde la nuit, une odeur nauséabonde à la cave (trop pour que ce soit un rat crevé, comme je le soupçonnais, allô le plombier ?), un jardin redevenu jungle, une tringle à rideaux mal posée, 297 nouveaux emails (juré, craché), un colissimo à retirer à la poste avant le 25 juillet, une facture à payer avant le 9 août, deux vitres cassées, et un bureau inexistant. Mais aussi un Darling qui nous a reçu les larmes aux yeux tellement il était content, une chambre baignée de soleil, une connexion Internet, un Kitchenaid, une vie sans voiture, une chambre pour chaque enfant, et puis surtout, cette certitude que cette maison presque inconnue va devenir bientôt mon foyer, pour de vrai, quand nous aurons rangé, quand nous aurons retrouvé nos habitudes ou que nous en aurons créé d'autres, quand nous aurons visité le quartier plus à fond, quand nous aurons fait connaissance avec les voisins, quand nous aurons repris notre vie quotidienne, le travail, l'école, les repas à six, les cris et les rires.

Bref, je suis de retour chez moi, et ça fait du bien.

mardi 20 août 2013

Adoration réciproque

La douche. Un des rares moments de tête-à-tête avec chaque petit enfant successivement, grâce à ma jeune soeur qui surveille les deux autres. Mr Thing Two m'explique qu'il a rêvé qu'il était malade, mais que je l'avais guéri avec le "dicament" et la "pérature" (non mais franchement, tous ces mots de quatre syllabes, aussi !). Je lance une plaisanterie, et il me regarde avec son extraordinaire sourire qui lui plisse les yeux et montre ses dents incomplètes. Et puis il me jette les bras autour du coup et me dit :
— Maman, ze t'adore !
Et voilà comment un fin stratège de trois ans réussit à se faire pardonner d'un seul coup - en ne comptant que les méfaits du jour- cinq caprices, trois grosses disputes avec sa soeur, deux verres renversés, un jouet cassé, un pain volé...
("C'est normal qu'il soit si collé à maman : c'est une phase, ça s'appelle le complexe d'Œdipe" a expliqué doctement le Grand à ma mère, psychanalyste de son état...)

mercredi 14 août 2013

Grandeur et ressemblance

Rencontre avec un vieux monsieur qui connaissait bien ma grand-mère et qui m'a connue moi-même toute petite. Il s'extasie sur les trois gamins :
— Comme ils sont beaux ! Et comme ils te ressemblent, surtout la petite !
Je souris, je remercie, j'acquiesce, comme toujours dans ces cas-là. Il enchaîne :
— Et le premier, comme il a grandi ! Je l'ai vu aller à l'épicerie hier, je n'en revenais pas. Lui aussi, il te ressemble beaucoup !
J'ai encore remercié. Je n'ai pas osé lui dire que le Grand était actuellement en camping et que le jeune homme qu'il avait vu, ce n'était pas mon fils de onze ans mais un de mes invités, un ami qui a dépassé la vingtaine...

lundi 5 août 2013

Troisième pied

Mr Thing Two pleurniche. Je l'interroge. Il m'explique :
— Je trouve pas ma troisième chaussure !
(Précisons qu'il n'en avait mis qu'une.)

Nous nous préparons à sortir. Je mets ses chaussures neuves au Filou, qui est ravi. Puis il m'apporte une chaussure de sa vieille paire :
— Ta, ta !
Ce qui signifie clairement : "Tu peux me mettre aussi celle-ci ?"

Et dire que moi, je rêve si souvent d'avoir une troisième main...

vendredi 2 août 2013

L'enfer

— Tu exagères, m'a dit ma mère au téléphone après avoir lu mon dernier billet. Je sais bien que c'est dur, mais là, vraiment, tu fais pitié avec tes descriptions de vacances !

Ben quoi ? Le soleil, les promenades, les glaces, la focaccia, les nuits étoilées, les deux heures de boulot quotidiennes sur un roman de fantasy, les bavardages avec des proches en visite ou avec des voisins, les sorties au resto, les cris et les rires des enfants toute la journée, les lessives à étendre sous les arbres dans le jardin, qu'y puis-je si c'est l'idée que je me fais de l'enfer ?

(Bon, d'accord, j'exagère peut-être un peu. Juste un peu...)

Double journée de travail (inversée)

Dix heures du soir. Je viens de coucher les gosses. C'est la fin d'une journée remplie de bruits, de cris, de corvées, de responsabilités, de fatigue. Une demi-heure pour prendre une douche, ranger la maison, faire la vaisselle. A onze heures et demie, je me coucherai et je commencerai une nuit remplie de cauchemars, de soifs nocturnes, de chutes du lit, de piqûres de moustiques, voire de fièvre à 40,2° et de vomissements (mais plus de crises d'asthme ni d'hypoglycémie depuis le départ du Grand et de Darling).

Il me reste une heure. Je prends un verre ? Je lis ? Je téléphone à quelqu'un ? Je regarde les étoiles ?

Non : comme pendant la sieste, je bosse sur cette traduction de 400 pages à faire pour fin septembre et que je n'aurais jamais dû accepter...

(Oui, je sais. Mais vous feriez quoi, vous, si une éditrice vous disait "Tiens, une auteure connue, une série de trois ou quatre volumes, 8000 euros chacun, ça te va ?" Vous lui parleriez déménagement et vacances ?)