(Suite et fin – provisoirement – de cette aventure épique)
Le lendemain matin de la soirée passée au téléphone, à 8h
tapantes, heure à laquelle ouvrait l’agence principale de la ville, j’ai
téléphoné à cette dernière. Refrain habituel : désolé, on a rien, ni
voiture 5 places aujourd’hui, ni possibilité d’avoir une voiture 7 places d’ici
lundi. Mais le ton était déjà nettement plus amical. Et on m’a donné le VRAI
numéro de l’agence de l’aéroport. Là-bas, on m’a confirmé qu’on m’avait réservé
un véhicule, qu’on essaierait de m’en trouver un plus grand d’ici lundi, et que
je pouvais venir tout de suite. J’ai appelé un taxi XL, j’y ai embarqué les rehausseurs,
les enfants, et les bricoles venues d’IKEA, et nous sommes allés à l’aéroport.
Quand je suis arrivée devant le
comptoir Avis et que je me suis présentée, le monsieur m’a ouvert le bras et
m’a serré la main avec les deux siennes en souriant jusqu’aux oreilles.
— Quel plaisir de faire votre
connaissance ! À une femme comme vous, on voudrait qu’il n’arrive que des
bonheurs !
J’ai supposé qu’il essayait de
compenser la mauvaise impression laissée par ses 57 collègues de la veille,
mais j’ai trouvé qu’il en faisait un peu beaucoup. Puis il m’a fait signe
d’attendre, il est sorti une seconde, et il est revenu en me tendant une bague
sertie de diamants.
Il me demandait en mariage, maintenant ?
Alors là, ça allait un peu trop
loin.
J’ai balbutié :
— Heu… Je ne comprends pas…
Lui, soudain dégrisé :
— Ce n’est pas vous qui avez
perdu cette bague ?
— Ah non, moi j’ai perdu ma
voiture, j’en voudrais une autre.
Son collègue, que j’avais eu au
bout du fil une heure plus tôt, a repris l’affaire en main, et après
installation des rehausseurs etc., nous avons pu repartir à bord d’une voiture
qui roulait ! Qui roulait vraiment ! Sans biper, sans puer le diésel,
sans clignoter en orange ! Et à midi, nous étions rentrés ! Moins de
24h après le moment de retour prévu ! J’ai même pu me laver les dents et
changer de slip et de t-shirt ! On sous-estime le bonheur des petites
choses.
Ne restait plus qu’à récupérer
une 7 places, puisque j’avais un ami qui arrivait lundi.
— On vous téléphonera lundi matin
pour vous dire si le véhicule vous attend à l’agence en centre ville ou ici, m’avait
promis le monsieur de l’aéroport. Peut-être que ce sera votre propre véhicule
qui aura été réparé. On vous appelle. Entre 10h et 10h30, lundi matin. Sans
faute.
— Juré, hein ? J’en ai
absolument besoin lundi soir.
— Oui oui, c’est bien noté. Sans faute !
Lundi matin, rien.
Lundi après-midi, rien.
Lundi à 16h, j’appelle.
— Ah oui ! Euh, attendez, on
va se renseigner.
Conversation téléphonique
parallèle, puis le monsieur me reprend :
— Alors, votre voiture est morte,
donc on va vous mettre une autre à disposition. Une Opel, avec une
immatriculation française. Elle sera prête demain.
— Demain ? Mais j’avais dit
que j’avais un ami qui arrivait aujourd’hui !
— Ah ? Désolé.
Je fulmine. Heureusement, j’ai d’autres
invités qui pourront aller chercher mon ami. Je ne prends même plus la peine de
m’énerver. Je me contente juste de demander :
— Je peux ramener celle-ci sans
faire le plein, au moins ? J’aurais fait un aller-retour de 150 km pour
venir la récupérer, puisque vous ne pouvez pas me l’apporter dans une agence
plus proche de ma maison de vacances.
— Ah si, il faut faire le plein !
Vous négocierez ensuite avec le service client pour vous faire rembourser.
Bien sûr.
— Elle est en centre ville, au
moins ?
— Ah non, à l’aéroport.
Évidemment. Paf, 80 km de plus.
— Bon. Vous ouvrez à quelle heure
demain matin ?
— À 8h. Mais la voiture ne sera
prête qu’à 14h.
En plein milieu de la journée. Naturellement.
Mardi, donc, nous reprenons la
route. Nous nous promenons en ville le matin, puis je remise mes gamins chez
mon amie si gentille, et je file à l’aéroport (trois quarts d’heure, quand
même). Je me présente enfin au guichet vers 16h :
— Bonjour, je viens échanger ma
voiture.
— Pardon ?
— Mais oui, vous savez bien, je
vous ai déjà vu vendredi dernier, et j’ai téléphoné hier. On m’a préparé une
Opel 7 places avec immatriculation française.
— Ah ! Mais, heu, on vous a
dit qu’elle serait prête ?
— Ah oui ! Elle aurait même
dû l’être hier.
— Attendez, je vais vérifier…
Est-ce que cela étonnera
quiconque si je vous dis que l’Opel n’était pas là ?
Heureusement, on m’en a trouvé
une autre, également à 7 places. Et on m’a dit que je pouvais rentrer en France
avec. Ma dernière discussion a concerné le GPS :
— Il n’y a pas le GPS, dans
celle-ci.
— Non, en effet.
— Il y était dans la Nissan.
— Et alors ?
— Et alors j’ai un GPS amovible à
la maison, mais je ne l’ai pas emporté parce qu’il y en avait un dans la
voiture. Or, il n’y en a plus. Pouvez-vous donc me prêter un GPS ?
— Ah non, je suis désolé, ce n’est
pas inclus dans le prix.
— Mais il était dans la voiture
que j’ai louée à l’origine !
— Je sais, mais que voulez-vous,
il arrive que les voitures tombent en panne, ce n’est pas notre faute.
Du coup, je me suis perdue en
revenant de l’aéroport.
Donc, résumons :
- Deux journées entièrement
consacrées à résoudre cette affaire ;
- Une nuit hors de chez moi avec
mes enfants, sans aucun bagage ;
- Au moins cinq ou six heures de
communication téléphonique à partir d’un téléphone portable français (je n’ose
imaginer la facture) ;
- Le péage pour l’aller-retour
supplémentaire jusqu’à la ville, puis jusqu’à l’aéroport, deux fois ;
- Le carburant pour ces trajets
en plus, sans compter celui qui s’est écoulé lentement puis de plus en plus
vite dans les rues de la ville ;
- Un trajet en taxi ;
- Un GPS en moins ;
- Pas une seule fois un seul mot
d’excuse, pas une seule proposition d’hôtel ou de taxi (celui que j’ai pris, c’est
de ma propre initiative), pas un seul geste commercial, rien.
Moi je dis, avec l'énorme compensation que va me verser Avis pour me faire oublier le préjudice moral et économique subi, je vais pouvoir me payer à mon tour une bague sertie de diamants. Non ?