jeudi 24 septembre 2015

Le pied au plancher

Le Filou est malade. J'aurais dû y penser, j'aurais dû le prévoir. Comment est-ce que ça a pu me sortir de la tête ? Bien sûr, il va passer son premier hiver à la maternelle à enchaîner les virus, comme le Grand au même âge. Si les Things n'ont pas connu la même chose en petite section, c'est parce qu'ils avaient déjà passé trois années en collectivité à la crèche, à l'époque où j'appelais SOS médecin tous les quinze jours, où j'aurais voulu prendre un abonnement hebdomadaire chez le pédiatre, où j'avais en permanence trois bouteilles de Doliprane éparpillées dans la maison.

Bref, le Filou est malade, et donc très grognon. Et ce soir, je suis en retard : le repas n'est prêt qu'à 19h45. Les trois petits tournent autour de mes jambes en pleurnichant, en réclamant quelque chose, ou en me posant des questions, le minuteur bipe pour dire que le riz est prêt, le minuteur du four bipe pour dire qu'il faut sortir le pain, et je suis encore en train de râper des carottes. Darling ne rentre du boulot que dans trois quarts d'heure. J'appelle le Grand pour qu'il vienne mettre la table.
Il ne vient pas.
J'appelle encore.
Il me dit qu'il viendra dans cinq minutes.
Je lui crie de venir immédiatement.
Il descend en râlant, très mécontent.

Je pique une colère. Une grosse colère. Je crie très très fort :
— Comment oses-tu râler alors que ça fait cinq minutes que je t'appelle, je ne devrais même pas avoir à t'appeler, tu sais très bien que tu es censé aider les jumeaux à mettre la table à 19h30, je ne te demande rien d'autre, tu as débarqué avec trois copains pour le goûter et je vous ai fait un gâteau, tu n'as pas proposé un instant de faire la vaisselle, tu attends que le linge propre arrive tout plié dans ta chambre, tu ne bouges pas le petit doigt pour m'aider sauf si je l'exige et même pas toujours quand je l'exige, tous les jours il faut que je te dise de prendre ta douche, tu sais que ton frère est malade, tu te rends bien compte que ça complique les choses, le moins que tu puisses faire c'est venir quand je t'appelle, alors si tu n'as pas l'intention de m'aider fiche le camp, fiche le camp tout de suite, je ne veux plus te voir !

Et pour appuyer mes propos, je tape du pied.
Fort.
Très fort.
Si fort que mon pied traverse le plancher.

Oups !

Bilan : une latte cassée. Juste en plein milieu de la pièce, en plus. Après le lave-vaisselle définitivement hors service, la pluie qui tombe dans la salle de bain, la fuite sous la baignoire, et les marronniers à élaguer d'urgence, il ne manquait plus que ça.

— Je n'ai jamais osé te le dire, m'a avoué Darling ce soir, mais j'ai toujours pensé que tu devrais essayer de te retenir de taper du pied quand tu te mets en colère. J'ai toujours eu peur que ce genre de choses finisse par arriver un jour...

Bon, la prochaine fois, je serai traditionnelle, alors : je lancerai une assiette à la figure de celui qui m'énerve.

(Et le pire, c'est que le Grand m'a prise au mot : comme il s'était goinfré pour le goûter, il a filé dans sa chambre, et m'a laissée toute seule mettre la table, égoutter le riz, sortir le pain du four, servir les enfants, coucher le Filou en urgence, etc. Ça faisait longtemps que je n'avais pas eu autant envie de lui taper dessus. Il est tout de même sorti de sa chambre pendant que je couchais les Things pour venir spontanément débarrasser la table alors même qu'il n'avait pas dîné, et je sais bien que cela correspond à une tentative de réconciliation, lui qui n'a jamais été capable de demander pardon de sa vie... mais je ne suis pas sûre que ça suffira !)
(Ou alors, je lui fais payer la réparation du plancher, et on peut dire que nous sommes quittes ?)

7 commentaires:

  1. C'est marrant, le commentaire de Darling, c'est comme Cheuri qui ne veut pas que je m'exclame "attention!" en voiture quand il commet une imprudence ; comme si je pouvais maîtriser mon réflexe de peur, et choisir de ne rien dire.

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    1. Pareil ! A priori, quand je dit" attention", c'est moi qui lui ferai avoir un accident...
      Pour ton idée de faire payer la réparation, c'est bien vu....."Joyeux anniversaire mon Grand. Pour tes 14 ans, un cadeau inattendu : une jolie latte de parquet + pose"....

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  2. lui faire payer la réparation du plancher pourrait être une bonne leçon de vie : puisque tu ne veux pas aider physiquement, tu aideras financièrement, tu prends la maison pour un hôtel, tu paye le service^^

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  3. Toujours interpellée par la rudesse qui se dégage de vos rapports avec vos enfants... faire 1 gâteau impromptu qd on à un petit malade et pas de lave-vaisselle, drôle d'idée qd 1 baguette et du chocolat auraient fait l'affaire. Surtout si c'est pour faire payer cette attention quelques heures après en se mettant très fort en colère. Votre aîné semble être aussi rude ds son comportement que vous l'êtes avec lui...

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    1. Il faut dire que quand tout n'est qu'amour et joie, je ne le raconte pas sur ce blog : le bonheur tranquille n'a rien d'intéressant ! Et je fais un gâteau presque tous les jours, d'abord parce que j'aime ça, et ensuite parce que sinon il faudrait aller l'acheter, cette baguette, et la boulangerie est loin...

      Cela dit, je reconnais que je ne devrais pas me mettre autant en colère, mais ça monte tout seul. Si j'arrivais à me débarrasser de ce sentiment, j'en serais de très loin la première heureuse. Ce qui me rachète un peu, c'est que je ne suis pas rancunière (depuis hier soir, j'ai eu le temps de pardonner au Grand, puis de me remettre en colère contre lui pour une autre raison, puis de lui re-pardonner !).

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  4. Fofo, j'ai découvert cette semaine un livre qui m'a énormément parlé et dont j'essaie de mettre les conseils en pratique. Il s'agit de "J'arrête de râler sur mes enfants et mon conjoint, 21 jours pour changer". J'ai déjà beaucoup lu sur le sujet (éducation non violente, communication non violente, les "grands" auteurs de ces thématiques - Haim, Ginott, Filliozat, Gordon, etc.), mais aucun ouvrage ne m'avait autant parlé que celui-ci. Je me suis tellement reconnue !
    Franchement je t'en conseille la lecture. Je ne sais pas si j'arriverai à tenir le défi (21 jours, c'est apparemment le temps qu'il faut pour prendre une nouvelle habitude), mais je sais que ça fait déjà 3 jours que ça va beaucoup mieux.
    Si tu veux un aperçu de l'esprit du livre, tu peux regarder cette petite conférence de 17 minutes, par l'auteure du bouquin en question :
    https://www.youtube.com/watch?v=VeDeIeJAFEU
    Peut-être que ça ne te parlera pas autant qu'à moi, mais ce serait trop dommage de ne pas partager ça avec toi - et avec toutes les mamans (un peu ou beaucoup) débordées !

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    1. Je le note, j'essaierai à l'occasion... Mais franchement, je ne sais pas si ça suffira. Râler et se mettre profondément, viscéralement en colère, ce n'est pas tout à fait la même chose, il me semble. Et moi, c'est la colère qui m'habite depuis l'enfance...

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