vendredi 17 février 2017

Songe à la douceur

Je m'étais tellement régalée avec Les petites reines que quand j'ai vu ce nouveau roman de la même auteure, et que j'ai repéré ici et là de très bonnes critiques, je me suis lancée. Songe à la douceur, de Clémentine Beauvais, éditions Sarbacane, acheté de mes propres deniers dans une vraie librairie de quartier et lu sans être payée pour le faire.

Et donc, ça raconte quoi, Songe à la douceur ? Eh bien, tout d'abord, c'est un roman en vers. En vers libres, pas toujours rimés, de longueurs différentes, mais en vers tout de même. Et c'est inspiré d'un autre roman en vers, Eugène Onéguine, de Pouchkine, 1831.

Ah oui, tout de suite, ça refroidit, hein ?

Et encore, attendez, je ne vous ai pas encore raconté l'histoire – parce que je parie que la plupart d'entre vous n'ont pas la moindre idée de ce que raconte Eugène Onéguine, pas vrai ? (Je vous rassure, moi non plus, avant). C'est l'histoire d'un garçon qui s'ennuie dans la vie, et dont l'ami est fou amoureux d'une voisine ; il rencontre ainsi la sœur de ladite voisine, qui tombe aussitôt amoureuse de lui, mais ça ne l'intéresse guère. Quand ils se revoient quelques années plus tard, ça l'intéresse beaucoup plus, mais peut-être est-ce trop tard... L'intrigue est presque la même, mais Songe à la douceur se passe de nos jours, à Paris.

Présentée comme ça, l'histoire n'a pas l'air follement originale, je le sais bien. Cela dit, elle n'a pas grande importance : ce qu'il faut savoir, c'est que ce bouquin est génial. (J'aurais peut-être dû commencer par là). Mais vraiment génial. Pour plein de raisons, mais voici à mon sens les deux principales :

- La description des sentiments et des mille nuances de l'amour est extrêmement réussie. Franchement, c'est le genre de roman tout aussi instructif (mais mille fois plus distrayant) qu'un essai sociologique. L'amour adolescent de Tatiana pour Eugène, la passion naïve du copain d'Eugène pour la sœur de Tatiana, les stratégies utilisées quand on se tourne autour sans vouloir trop le montrer, la jalousie, la vie maritale, le désir, tout est abordé, et tout sonne si juste, jusqu'aux moindres détails, jusqu'au temps d'attente qu'on s'impose avant de répondre à un SMS... C'est bien vu, c'est très bien vu, c'est caustique, c'est drôle, c'est émouvant, c'est vrai.

- Le style est encore une fois formidable. Je ne compte plus les fois où j'ai ri, ou celles où je me suis émerveillée. Un exemple ?
Eugène oscille sur la piste, un daiquiri à la main,
pas le roi du moonwalk, pas maladroit non plus ;
le mec qui danse
comme il ferait à une vieille tante un résumé de ses vacances :
efficace mais sans passion.
Ou bien, quand Tatiana, 14 ans, grande sentimentale, s'habitue à l'absence d'Eugène et n'est pas complètement certaine qu'il ait vraiment existé :
Ce doute n'est pas très important.
Elle l'aime encore,
Évidemment,
Mais les amours de Tatiana se sont toujours très bien accommodées d'une incertitude fondamentale sur l'existence de leur objet.
Et les mille et une inventions langagières : les lunettes qui "désencotonnent" notre univers, le soleil "lamellé" par les persiennes, l'âme "désarmurée" d'un personnage qui ne s'est pas assez cuirassé contre le monde... Un délice.

Bref, c'est une excellente lecture, presque plus destinée aux adultes qu'aux adolescents, mais d'abord beaucoup plus facile qu'il n'y paraît, je vous assure. Et vous pouvez me croire, cette auteure, je n'oublierai pas de surveiller sa production...

PS : Le dernier éclat de rire en lisant les remerciements :
Et par-dessus tout, merci, merci, merci Tibo le téméraire,
editor extraordinaire
(...)
Tibo qui ne tremble pas (enfin, à peine)
quand on lui dit j'ai une super idée
je vais adapter Eugène Onéguine
          ah, très très bonne idée Clémentine
          c'est tellement vendeur nickel vas-y

6 commentaires:

  1. Non mais dis donc, elle était pas assez grande, ma PAL?

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    1. C'est vite lu ! Promis ! Et je peux te le prêter, parce que celui-là, le Grand ne mettra pas le nez dedans...

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Je n'ai rien lu d'elle mais il faut que je me rattrape ! En revanche je suis abonnée à l'un de ses - nombreux - blogs (elle enseigne la littérature jeunesse à York en Angleterre, beaucoup de ses écrits sont en anglais). Le sujet de la littérature jeunesse ne me concerne a priori pas vraiment (pas d'enfant, pas d'intérêt professionnel) mais cette jeune femme a une plume délicieuse, elle est pétillante d'humour, de simplicité et surtout d'intelligence. Ça vaut le coup de piocher dans ses articles, en particulier les conseils aux écrivains débutants m'ont beaucoup plu. Elle est à suivre !

    http://clementinebleue.blogspot.fr/2017/01/ecrire-voix-autre.html?m=1

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  4. Autant je m'étais marrée en lisant les petites reines, autant celui-ci m'est tombé des mains. La mise en page m'a rebutée, et je ne suis vraiment pas cliente pour les vers hors du théâtre classique.

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  5. Encore une fois, voilà un livre que j'ai dans ma PAL quasiment depuis sa sortie... Il devrait bientôt arriver à la bibliothèque. J'ai lu d'elle Les Petites Reines, Comme des Images et La Pouilleuse. J'aime beaucoup son style, à la fois simple, franc et imagé. Et les vidéos et/ou articles que j'ai vues/lus sur cette jeune femme m'ont donné un aperçu très positif !

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