— Il n'y a pas trop de moustiques, ici ? ai-je demandé à Darling le soir de mon retour.
— Non, non, m'a-t-il rassurée. Un ou deux, peut-être...
C'était une bonne nouvelle. J'ai passé l'été à me battre contre ces sales bestioles, à piquer du spray à la citronnelle à tous mes invités jusqu'à ce que je me décide à en acheter, à expliquer aux gens que non non, Mr Thing Two n'avait pas la varicelle, mais juste la peau au moins aussi sucrée que la mienne (un jour, j'ai compté : 33 boutons sur la jambe gauche, 25 sur la droite. Je n'ai pas eu le temps de continuer, il s'est lassé, mais il y en avait au moins autant sur le dos, les bras, et même le visage).
Malheureusement, il faut croire que ces un ou deux moustiques étaient tous dans notre chambre, et manifestement affamés. Impossible de dormir. A deux heures du matin, en entendant Darling se tourner et se retourner à côté de moi, je lui ai proposé d'allumer la lumière cinq minutes, histoire de voir si on pouvait attraper ces un ou deux petits teigneux. Il a accepté avec soulagement. Fenêtre fermée, lumière allumée, j'ai découvert douze énormes insectes qui digéraient sur mes beaux murs blancs (l'avantage de ne pas avoir encore monté les étagères ni accroché les tableaux).
Je me suis mise en chasse. Je les ai tous écrasés. A mains nues, dans l'urgence. A la fin, j'avais les doigts couverts de sang. Le mien, et dans une moindre mesure celui de Darling, j'imagine.
J'ai recommencé à cinq heures du matin.
Puis au lever, à sept heures.
Dans la journée, j'ai organisé un concours : une prime à celui qui en éliminait le plus. Tous les plus de quatre ans ont participé, mais j'ai gagné haut la main. Trente-huit en vingt-quatre heures. Ce qui ne m'a pas empêchée de me faire dévorer la nuit suivante, et de commencer la deuxième journée par un octuple assassinat.
Depuis, je n'entre plus dans une pièce sans scanner les murs du regard. Je devient championne du repérage de moustique en plein vol. Je sais demeurer immobile pour servir d’appât et sauver ainsi mes enfants. Je n'ouvre plus les fenêtres. Je barricade la maison après six heures du soir. Et pourtant, tous les jours, j'en attrape d'autres. Et toutes les nuits, ils se vengent avec cruauté.
Décidément, ces un ou deux moustiques sont des durs à cuire.
C'est quand, l'hiver, déjà ?
La vie d'une traductrice, mère célibataire de famille nombreuse
lundi 26 août 2013
samedi 24 août 2013
Retour vers l'avenir
Des vacances qui paraissent interminables, des jours qui s'écoulent lentement, et puis tout à coup, voilà que septembre approche et qu'on doit rentrer. On ferme la maison, on refile à quelqu'un tout ce qu'on n'a pas réussi à manger (qu'est-ce qui m'est passé par la tête quand j'ai commandé ce poulpe congelé chez le Monsieur Picard italien, déjà ? Ai-je pensé que j'aurais le temps de cuisiner ?), on retrouve les lunettes de soleil qu'on cherchait partout depuis le lendemain de l'arrivée, on remballe les livres pour lesquels on devait faire des fiches de lecture et qu'on n'a pas touchés, et on embarque, à sept (mes gamins, ma mère, ma petite sœur et moi) dans une voiture sept places de taille réduite, sans coffre. Réveil à six heures du matin, les mômes dans la voiture, tout le monde est attaché ? Tout le monde a fait pipi ? Tout le monde a un sac sous les pieds / sous les fesses / sur les genoux / entre les jambes ? Hop, la musique des Misérables, et on est parti. Huit heures de route divisées en quatre étapes, parce que toutes les deux heures, la pause s'impose, et puis quelques embouteillages en rab, pour le plaisir ; un peu plus de treize heures de voyage. Arrivée à huit heures du soir, après une indigestion des Misérables et une indigestion de petits gâteaux, mais tous les enfants sont là, la voiture est intacte, et on n'a même pas perdu de bagages, donc tout va bien. Plus qu'à préparer un dîner, donner les douches, vider la voiture, retrouver les pyjamas, et puis se relever quinze fois la nuit parce que forcément, les gamins sont un peu déstabilises de "revenir" dans cette maison qu'ils connaissent à peine, n'y ayant habité qu'une douzaine de jours avant de partir en vacances.
Me revoici donc dans ma nouvelle maison, avec mes 97 cartons de livres à déballer, ma cuisine si petite qu'il faut que je choisisse entre la yaourtière et la cocotte-minute et que je stocke l'autre à la cave (un déchirement), le parquet qui craque dans l'escalier et qui réveille tout le monde la nuit, une odeur nauséabonde à la cave (trop pour que ce soit un rat crevé, comme je le soupçonnais, allô le plombier ?), un jardin redevenu jungle, une tringle à rideaux mal posée, 297 nouveaux emails (juré, craché), un colissimo à retirer à la poste avant le 25 juillet, une facture à payer avant le 9 août, deux vitres cassées, et un bureau inexistant. Mais aussi un Darling qui nous a reçu les larmes aux yeux tellement il était content, une chambre baignée de soleil, une connexion Internet, un Kitchenaid, une vie sans voiture, une chambre pour chaque enfant, et puis surtout, cette certitude que cette maison presque inconnue va devenir bientôt mon foyer, pour de vrai, quand nous aurons rangé, quand nous aurons retrouvé nos habitudes ou que nous en aurons créé d'autres, quand nous aurons visité le quartier plus à fond, quand nous aurons fait connaissance avec les voisins, quand nous aurons repris notre vie quotidienne, le travail, l'école, les repas à six, les cris et les rires.
Bref, je suis de retour chez moi, et ça fait du bien.
Me revoici donc dans ma nouvelle maison, avec mes 97 cartons de livres à déballer, ma cuisine si petite qu'il faut que je choisisse entre la yaourtière et la cocotte-minute et que je stocke l'autre à la cave (un déchirement), le parquet qui craque dans l'escalier et qui réveille tout le monde la nuit, une odeur nauséabonde à la cave (trop pour que ce soit un rat crevé, comme je le soupçonnais, allô le plombier ?), un jardin redevenu jungle, une tringle à rideaux mal posée, 297 nouveaux emails (juré, craché), un colissimo à retirer à la poste avant le 25 juillet, une facture à payer avant le 9 août, deux vitres cassées, et un bureau inexistant. Mais aussi un Darling qui nous a reçu les larmes aux yeux tellement il était content, une chambre baignée de soleil, une connexion Internet, un Kitchenaid, une vie sans voiture, une chambre pour chaque enfant, et puis surtout, cette certitude que cette maison presque inconnue va devenir bientôt mon foyer, pour de vrai, quand nous aurons rangé, quand nous aurons retrouvé nos habitudes ou que nous en aurons créé d'autres, quand nous aurons visité le quartier plus à fond, quand nous aurons fait connaissance avec les voisins, quand nous aurons repris notre vie quotidienne, le travail, l'école, les repas à six, les cris et les rires.
Bref, je suis de retour chez moi, et ça fait du bien.
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mardi 20 août 2013
Adoration réciproque
La douche. Un des rares moments de tête-à-tête avec chaque petit enfant successivement, grâce à ma jeune soeur qui surveille les deux autres. Mr Thing Two m'explique qu'il a rêvé qu'il était malade, mais que je l'avais guéri avec le "dicament" et la "pérature" (non mais franchement, tous ces mots de quatre syllabes, aussi !). Je lance une plaisanterie, et il me regarde avec son extraordinaire sourire qui lui plisse les yeux et montre ses dents incomplètes. Et puis il me jette les bras autour du coup et me dit :
— Maman, ze t'adore !
Et voilà comment un fin stratège de trois ans réussit à se faire pardonner d'un seul coup - en ne comptant que les méfaits du jour- cinq caprices, trois grosses disputes avec sa soeur, deux verres renversés, un jouet cassé, un pain volé...
("C'est normal qu'il soit si collé à maman : c'est une phase, ça s'appelle le complexe d'Œdipe" a expliqué doctement le Grand à ma mère, psychanalyste de son état...)
— Maman, ze t'adore !
Et voilà comment un fin stratège de trois ans réussit à se faire pardonner d'un seul coup - en ne comptant que les méfaits du jour- cinq caprices, trois grosses disputes avec sa soeur, deux verres renversés, un jouet cassé, un pain volé...
("C'est normal qu'il soit si collé à maman : c'est une phase, ça s'appelle le complexe d'Œdipe" a expliqué doctement le Grand à ma mère, psychanalyste de son état...)
mercredi 14 août 2013
Grandeur et ressemblance
Rencontre avec un vieux monsieur qui connaissait bien ma grand-mère et qui m'a connue moi-même toute petite. Il s'extasie sur les trois gamins :
— Comme ils sont beaux ! Et comme ils te ressemblent, surtout la petite !
Je souris, je remercie, j'acquiesce, comme toujours dans ces cas-là. Il enchaîne :
— Et le premier, comme il a grandi ! Je l'ai vu aller à l'épicerie hier, je n'en revenais pas. Lui aussi, il te ressemble beaucoup !
J'ai encore remercié. Je n'ai pas osé lui dire que le Grand était actuellement en camping et que le jeune homme qu'il avait vu, ce n'était pas mon fils de onze ans mais un de mes invités, un ami qui a dépassé la vingtaine...
— Comme ils sont beaux ! Et comme ils te ressemblent, surtout la petite !
Je souris, je remercie, j'acquiesce, comme toujours dans ces cas-là. Il enchaîne :
— Et le premier, comme il a grandi ! Je l'ai vu aller à l'épicerie hier, je n'en revenais pas. Lui aussi, il te ressemble beaucoup !
J'ai encore remercié. Je n'ai pas osé lui dire que le Grand était actuellement en camping et que le jeune homme qu'il avait vu, ce n'était pas mon fils de onze ans mais un de mes invités, un ami qui a dépassé la vingtaine...
lundi 5 août 2013
Troisième pied
Mr Thing Two pleurniche. Je l'interroge. Il m'explique :
— Je trouve pas ma troisième chaussure !
(Précisons qu'il n'en avait mis qu'une.)
Nous nous préparons à sortir. Je mets ses chaussures neuves au Filou, qui est ravi. Puis il m'apporte une chaussure de sa vieille paire :
— Ta, ta !
Ce qui signifie clairement : "Tu peux me mettre aussi celle-ci ?"
Et dire que moi, je rêve si souvent d'avoir une troisième main...
— Je trouve pas ma troisième chaussure !
(Précisons qu'il n'en avait mis qu'une.)
Nous nous préparons à sortir. Je mets ses chaussures neuves au Filou, qui est ravi. Puis il m'apporte une chaussure de sa vieille paire :
— Ta, ta !
Ce qui signifie clairement : "Tu peux me mettre aussi celle-ci ?"
Et dire que moi, je rêve si souvent d'avoir une troisième main...
vendredi 2 août 2013
L'enfer
— Tu exagères, m'a dit ma mère au téléphone après avoir lu mon dernier billet. Je sais bien que c'est dur, mais là, vraiment, tu fais pitié avec tes descriptions de vacances !
Ben quoi ? Le soleil, les promenades, les glaces, la focaccia, les nuits étoilées, les deux heures de boulot quotidiennes sur un roman de fantasy, les bavardages avec des proches en visite ou avec des voisins, les sorties au resto, les cris et les rires des enfants toute la journée, les lessives à étendre sous les arbres dans le jardin, qu'y puis-je si c'est l'idée que je me fais de l'enfer ?
(Bon, d'accord, j'exagère peut-être un peu. Juste un peu...)
Ben quoi ? Le soleil, les promenades, les glaces, la focaccia, les nuits étoilées, les deux heures de boulot quotidiennes sur un roman de fantasy, les bavardages avec des proches en visite ou avec des voisins, les sorties au resto, les cris et les rires des enfants toute la journée, les lessives à étendre sous les arbres dans le jardin, qu'y puis-je si c'est l'idée que je me fais de l'enfer ?
(Bon, d'accord, j'exagère peut-être un peu. Juste un peu...)
Double journée de travail (inversée)
Dix heures du soir. Je viens de coucher les gosses. C'est la fin d'une journée remplie de bruits, de cris, de corvées, de responsabilités, de fatigue. Une demi-heure pour prendre une douche, ranger la maison, faire la vaisselle. A onze heures et demie, je me coucherai et je commencerai une nuit remplie de cauchemars, de soifs nocturnes, de chutes du lit, de piqûres de moustiques, voire de fièvre à 40,2° et de vomissements (mais plus de crises d'asthme ni d'hypoglycémie depuis le départ du Grand et de Darling).
Il me reste une heure. Je prends un verre ? Je lis ? Je téléphone à quelqu'un ? Je regarde les étoiles ?
Non : comme pendant la sieste, je bosse sur cette traduction de 400 pages à faire pour fin septembre et que je n'aurais jamais dû accepter...
(Oui, je sais. Mais vous feriez quoi, vous, si une éditrice vous disait "Tiens, une auteure connue, une série de trois ou quatre volumes, 8000 euros chacun, ça te va ?" Vous lui parleriez déménagement et vacances ?)
Il me reste une heure. Je prends un verre ? Je lis ? Je téléphone à quelqu'un ? Je regarde les étoiles ?
Non : comme pendant la sieste, je bosse sur cette traduction de 400 pages à faire pour fin septembre et que je n'aurais jamais dû accepter...
(Oui, je sais. Mais vous feriez quoi, vous, si une éditrice vous disait "Tiens, une auteure connue, une série de trois ou quatre volumes, 8000 euros chacun, ça te va ?" Vous lui parleriez déménagement et vacances ?)
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