jeudi 23 mai 2013

Des bourses petites ou grosses

(Quoi, il n'est pas bien, mon titre ?)

Nouvelle commission, aujourd'hui. Des bons dossiers, des dossiers moyens, des dossiers médiocres. Et puis un dossier excellent. Une auteure qui prépare un album qui sera illustré par des photographies de broderies qu'elle réalise elle-même, sur un sujet original et très intéressant, avec un graphisme superbe, et un texte très poétique. Et en plus, c'est quelqu'un qui a déjà publié deux ou trois bouquins, mais qui se renouvelle vraiment dans ce projet. Sans compter qu'il est évident qu'elle va devoir y consacrer des mois, vu le travail que ça demande. Et qu'elle a des revenus très faibles.
Pour une fois, tous les membres de la commission sont unanimes ! Du jamais vu, ou presque. Aucun doute : on lui accorde la bourse maximale, qui devrait lui permettre de prendre une année sabbatique pour réaliser son projet.
Sauf que cette auteure, en plus de ses autres qualités, est modeste. Probablement par peur qu'on la trouve trop exigeante, elle a juste demandé une petite bourse.
Et alors, on ne peut pas augmenter la somme ?
Non, on ne peut pas, sauf si elle en fait la demande. On peut baisser la somme demandée, mais pas l'augmenter. C'est comme ça.
Bon. Alors on lui donne la petite bourse, et on l'incite vivement à demander davantage à la prochaine commission ?
Ah, mais non. Quand on reçoit une bourse, on n'a plus le droit d'en demander une autre pendant trois an.
Grrr. Alors on lui dit que la commission, enthousiaste, se propose de lui accorder la bourse maximale, et qu'elle doit modifier son dossier de demande ?
Problème : il est strictement interdit d'annoncer qu'un dossier a reçu un avis favorable tant que ce n'est pas promulgué officiellement. Et une fois que c'est promulgué, on ne peut plus modifier la somme, bien sûr.

Nous passons une demi-heure à retourner le problème dans tous les sens. Nous ne nous pouvons pas nous résoudre à ne lui donner qu'une somme modique, alors qu'il est tellement évident qu'elle mérite plus, et qu'elle a besoin de temps libre pour son projet.
Et puis la secrétaire de la commission nous annonce qu'elle a une idée et s'éclipse. Quand elle revient, elle a un sourire jusqu'aux oreilles et un papier à la main :
— Je viens de lui téléphoner, je lui ai dit que j'avais fait une grosse bêtise, que j'avais égaré sa lettre de demande, et que du coup je ne me souvenais plus si elle postulait pour une aide petite ou grande, qu'il fallait qu'elle me faxe une autre lettre tout de suite... Et je lui ai glissé qu'elle avait tout intérêt à demander le maximum, même si on ne pouvait pas être certain du résultat... Et c'est ce qu'elle a fait !

Nous étions tellement contents que nous l'avons applaudie.
N'empêche, pourquoi est-ce tellement plus simple de donner moins que de donner plus ?

3 commentaires:

  1. Bravo à cette secrétaire!
    Quelques grammes d'astuce et d'humanité dans un monde peuplé de règlements à la... biiiip!
    et bravo aissi à la commission d'avoir cherché une solution à tout prix.

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  2. Ton titre est parfait (hé hé), et youpi à la solution au problème !!

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  3. ...parce que tout le monde demande plus, et que personne n'a osé penser que quelqu'un demanderait moins...

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