mardi 4 février 2014

Araignée du matin

Ce matin, quand je suis arrivée la première dans la classe de petite section avec mes deux jumeaux, j'ai trouvé :
- l'instit du lundi, une douce jeune femme, qui faisait une grimace de petit lapin effrayé ;
- l'atsem (ex "dame de service"), une femme énergique au caractère bien trempé, qui s'était réfugiée dans le coin de la place opposé à la porte et qui clamait que dans ces conditions, elle refusait de travailler.
Je me suis enquis de ce qui n'allait pas, et l'instit m'a désigné avec un frisson l'interrupteur. Juste à côté se trouvait une araignée. Pas une toute petite, ni un faucheux avec de longues pattes, mais une araignée d'une taille respectable, au corps épais, et pleine de poils.
Beurk.
L'instit, tremblottante, et l'atsem, vitupérante, m'ont expliqué qu'elles avaient toutes les deux la phobie des araignées.
Comment leur jeter la pierre ?
Moi aussi.
De toutes les petites bêtes pleines de pattes et dépourvues d'ailes, même. Y compris les innocentes fourmis, oui oui.
Mais je suis une grande fille. Depuis que j'ai des gamins, j'ai appris à prendre sur moi. Je ne peux pas m'empêcher de pousser un glapissement si j'attrape un objet et que je découvre qu'un mille-pattes se promène dessus, et même un cri si par malheur j'ai effleuré l'insecte, mais je peux, ensuite, lancer à mes enfants étonnés, avec un sourire faux : "Non non, tout va bien, ne vous inquiétez pas, je me suis pincée, c'est tout." Dans la mesure du possible, j'essaie de ne pas transmettre mes phobies à mes rejetons.
J'ai donc pris sur moi. L'araignée était dans un angle. Impossible de tenter de l'attraper vivante avec un verre (beurk) : elle aurait risqué de filer derrière un meuble, et j'aurais dû ramener mes gamins chez moi pour cause de salle de classe condamnée ou de double grève, ce qui ne m'aurait pas arrangée du tout. J'ai fait tomber la bestiole avec un crayon (beurk) et je l'ai écrasée avec ma semelle (beurk). Et après, j'ai ramassé le cadavre avec un papier (l'instit m'a tendu la moitié du rouleau de sopalin, mais je n'ai pris qu'une seule feuille, je suis une grande fille) (beurk) et je l'ai jeté à la poubelle. Je ne suis pas allée jusqu'à vider la poubelle. J'imagine qu'elles ont fait appel à une collègue à qui elles ont omis de détailler le contenu de la poubelle en question.
Je suis donc rentrée chez moi en oscillant entre le chagrin d'avoir tué une créature innocente (je n'irai pas au paradis), et la fierté d'avoir été remerciée chaudement par la maîtresse qui m'a même appelée "ma sauveuse" (au purgatoire, peut-être ?).
— Moi, z'ai pas peur des araignées ! a lancé Mr Thing Two avant que je parte, perplexe devant notre émoi à toutes les trois devant cette si petite bête, oubliant qu'il venait lui-même de faire un écart de trois mètres sur le trottoir pour ne pas passer trop près d'un bébé chihuahua nain.

2 commentaires:

  1. Tu n'as pas peur d'aller en enfer?

    "Un matin, il était dans son jardin, il se croyait seul, mais sa soeur marchait derrière lui sans qu'il la vît ; tout à coup, il s'arrêta, et il regarda quelque chose à terre ; c'était une grosse araignée, noire, velue, horrible. sa soeur l'entendit qui disait :
    -pauvre bête! ce n'est pas sa faute."

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  2. Non, pas en enfer, quand même... Sauver vingt-huit gamins de deux femmes terrorisées et hystériques, ça doit compter pour quelque chose, quand même !

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