dimanche 8 novembre 2015

Clignotant

L'ampoule du plafonnier de la salle de bain a claqué. Je vais à la cave chercher une ampoule de rechange, en espérant en trouver le bon modèle. Oui, il m'en reste une, IKEA. Je remonte, je l'installe, je m'électrocute au passage (oui, j'aurais dû couper le courant, mais comment voulez-vous trouver le bon disjoncteur si on ne peut pas faire des tests pour déterminer lequel fait éteindre la lumière, hein ?), puis je presse sur le bouton, et là, sous mes yeux ahuris, la lampe s'allume, puis s'éteint, puis s'allume, puis s'éteint, puis s'allume, puis s'éteint...

Après avoir fait le test avec une autre lampe, je dois me rendre à l'évidence : c'est l'ampoule qui est en cause. Mais ça ne semble pas être un problème de fabrication : l'alternance allumé/éteint est trop régulière. J'examine l'emballage, et finalement, je comprends : c'est une ampoule dotée d'un capteur de lumière, faite pour être utilisée en extérieur, s'allumant toute seule à la tombée de la nuit et s’éteignant au lever du soleil. Très pratique dans le jardin, mais dans un plafonnier ou avec un abat-jour, ça donne ça :
- L'ampoule s'allume, et la lumière se réfléchit sur le plafond ou l'abat-jour, du coup le capteur de lumière détecte qu'il y a de la lumière, du coup...
- ... l'ampoule s'éteint, et le capteur de lumière se rend compte qu'il fait noir, du coup...
- ... l'ampoule s'allume, du coup le capteur de lumière se dit que le soleil s'est levé, du coup...
- ... l'ampoule s'éteint...
... etc.
Bref, elle clignote.
Remarquez bien que c'est original, au moins. Ça donne une petite ambiance de Noël au lavage de dents...

(J'ai déjà vu un jour une veilleuse avec capteur de lumière qui faisait la même chose quand elle était branchée contre un mur blanc. Il fallait donc lui mettre une rallonge pour qu'elle ne clignote pas toute la nuit. Pratique.)

samedi 7 novembre 2015

Portraits de famille, par Mr Thing Two

Dans l'ordre, nous avons donc :

 - Maman qui travaille devant son ordinateur (ou qui blogue, ou qui fait les courses en ligne, ou qui découvre dans le cadre d'une traduction l'existence du recourbe-cils, ou qui traîne sur des sites consacrées aux vélos, mais les petits ne font pas encore la différence, et du moment que je suis devant mon ordinateur, ils estiment que je travaille) (remarquez mon air concentré)


- Papa qui regarde la télé, à un moment où son équipe de foot préférée vient de marquer un but :


- En bonus, le même vu par Miss Thing One, sauf que ce portrait-ci a été réalisé un jour où Manchester United n'était pas en forme (non, la télévision n'est pas derrière le canapé chez nous ; disons qu'à cinq ans, on ne maîtrise pas encore complètement la perspective) (désolée, les feutres étaient pourris) :


- Le Grand sur son lit, en train de jouer sur sa console :


- Et un autoportrait de Mr Thing Two, portant un t-shirt suisse qui ne figure pas dans sa garde-robe (ne me demandez pas où il a pêché cette idée), en train de jouer dans la salle de jeu (dont vous admirerez au passage les magnifiques étagères garnies de livres colorées) :


 Chacun dans sa pièce, et même, pour les plus grands, chacun devant son écran. Bon sang que c'est triste (mais drôle, aussi.)
(Non, Mr Thing Two n'a pas jugé nécessaire de dessiner sa sœur jumelle ou son petit frère.)

vendredi 6 novembre 2015

Traductions sans transition

- Un roman "pour filles" avec une princesse, des paillettes, de la magie, et Venise en toile de fond ;
- Un roman "sérieux" et actuel avec des homosexuels, une tentative de suicide, de la drogue ;
- Une "fantasy animalière" avec des bestioles qui se battent à l'épée dans les ruelles de New York ;
- Un "polar historique", avec des jeunes filles de bonnes familles qui essaient de retrouver un assassin entre deux tasses de thé.

J'ai traduit les trois premiers au cours des derniers mois, et je me lance tout juste dans le quatrième. Et pendant ce temps-là, au fil de mes recherches, j'apprends tout sur les coutumes traditionnelles vénitiennes, puis sur les différentes formes de drogues et leurs effets secondaires, puis sur les principaux monuments de Manhattan, et bientôt sur l'éducation donnée aux jeunes aristocrates anglaises il y a cent ans.

Je vous ai dit que l'une des choses que j'adore dans ce métier, c'est sa variété ?

mercredi 4 novembre 2015

Ma grand-mère maternelle

Quand j'avais cinq ans, j'avais deux grands-mères, deux grands-pères, et deux arrières-grands-mères.
Et puis, bien sûr, ils ont commencé à partir. D'abord les deux arrières-grands-mères. Puis les grands-pères. Il y a cinq ans, j'ai perdu ma grand-mère paternelle, que je porterai toujours dans mon cœur. Il ne me restait plus que ma grand-mère maternelle.

C'était une femme énergique, cultivée, farouchement indépendante, que j'ai toujours beaucoup admirée. Je ne vais pas faire son portrait ici. Mais je me souviens...

Je me souviens qu'il y avait toujours des fleurs, chez elle. Et un chat, toujours trop gâté, toujours de bonne race, toujours avec un nom latin ou grec. Et des pots de miel qu'elle me donnait à chaque visite parce qu'elle avait retenu que je faisais du pain d'épices avec. Et des livres, partout, dans tous les coins.

Je me souviens que tout le monde disait que c'était une excellente professeure, de français et lettres classiques. Je me souviens que quand j'étais arrivée à la fin de la première, elle avait été nommée pour faire passer le bac de français dans le lycée où je le passais moi-même. Je n'étais pas tombée sur elle à l'oral (et heureusement, parce que tout le monde aurait pu la soupçonner de complaisance, alors que ce n'était vraiment pas son genre ; ma mère qui l'a eue comme prof peut en témoigner). Je me souviens qu'à la fin de mon oral, j'étais sortie dans le couloir juste au moment où elle sortait elle-même d'une autre salle pour appeler l'élève suivant, et que je lui avais fait un clin d’œil discret et que j'avais levé le pouce pour lui faire comprendre que ça c'était très bien passé. Elle m'avait répondu par un grand sourire.

Je me souviens que c'était elle qui était allée chercher mes résultats du bac, et que quand on lui avait annoncé mes notes et qu'elle s'était rengorgée, on lui avait dit "Ah, c'est sûr que ça doit faire plaisir à une mère", ce qui avait doublé sa fierté. Elle avait l'air si jeune, à l'époque.

Je me souviens qu'il y a trois semaines, à l'hôpital, je lui avais lu une nouvelle de Maupassant qu'elle ne connaissait pas. Elle regrettait tellement de ne plus pouvoir lire, plus encore que de ne plus pouvoir marcher. Je me souviens que j'en avais profité pour vanter les mérite de ces liseuses qui permettent d'emporter tous les contes et les nouvelles de Maupassant sur soi en permanence.

Je me souviens qu'un jour, je l'avais rencontrée dans la rue à Milan. Oui, en Italie. Par pur hasard. C'était la première fois que je mettais les pieds dans cette ville, et j'ignorais qu'elle y était en vacances elle-même. Je voyageais avec une amie, elle aussi. Elles sortaient d'une église que nous étions sur le point d'aller visiter. Probablement la coïncidence la plus incroyable que j'aie jamais vécu.

Je me souviens que pour ses 80 ans, j'avais passé des heures sur Internet à faire un album photo, et puis de nouveau des heures sur un autre site, avec forcément une mise en page différente, pour être certaine qu'au moins l'un des deux albums arrive à temps, parce que je m'y étais prise un peu tard. Je me souviens qu'elle avait ri en voyant certaines photos que nous avions collectées chez ses proches, amies, cousines, etc.

Je me souviens que quand j'étais adolescente, deux années de suite, à Pâques, j'avais passé des vacances avec elle et avec ma cousine germaine de neuf ans ma cadette, alors que ce n'était vraiment pas une combinaison habituelle. Je me souviens que nous avions beaucoup ri en chantant des chansons idiotes, que nous avions visité une villa romaine en ruine avec un plan à la main en faisant un gros effort d'imagination, que nous avions passé plusieurs soirées à jouer au Nain Jaune, que nous avions mangé des croustades aux pommes.

Je me souviens qu'un jour, je l'avais appelée, désespérée, au milieu d'une traduction, parce que le correcteur orthographique refusait "infranctuosité" sans rien me proposer d'autre à la place, et que je ne trouvais pas le mot dans le dictionnaire. C'était elle qui m'avait donné la bonne orthographe, "anfractuosité", et qui m'avait expliqué son étymologie par la même occasion, pour que je ne l'oublie plus jamais.

Je me souviens de beaucoup d'autres choses encore, et je ne les oublierai pas. C'était vraiment une femme "épatante", pour reprendre un terme un peu désuet qu'elle utilisait souvent.

Elle s'est éteinte ce matin, après de trop longues années de souffrance, juste avant de devenir arrière-grand-mère pour la cinquième fois. J'espère qu'elle est déjà dans ce paradis auquel elle croyait plus ou moins, qu'elle a recouvré la vue, et qu'elle s'est plongée illico dans un bon bouquin.

mardi 3 novembre 2015

Double attente

Je vérifie que le téléphone fixe est bien raccroché. Je vérifie que mon portable est bien chargé. Je vérifie que personne n'a appelé en mon absence. Je me couche tous les soirs en me demandant si quelqu'un va me téléphoner ou m'envoyer un texto pendant la nuit...

Depuis quelques jours, j'attends deux coups de fil. Je continue à vivre normalement, mais j'y pense à longueur de temps. Un membre de ma famille proche est en fin de vie. Un autre est sur le point d'accoucher. A n'importe quel moment, je pourrais apprendre une naissance, ou un décès. Je ne sais pas ce qui viendra en premier. J'ai un gros nœud dans la gorge, mais je le ravale. C'est trop tôt. Je ne pleure pas, je ne me réjouis pas. Je me mords les lèvres, et je fais comme si de rien n'était.

J'attends.

lundi 2 novembre 2015

Généralité parentale

Dimanche soir :
— Demain, les poussins, vous retournez à l'école.
— Ouiiiii ! s'impatiente Mr Thing Two. Tu nous l'as déjà dit !
— C'est parce que je voudrais éviter les caprices à 7h et demie du matin. Je préfère que vous soyez habitués à cette idée.
— J'ai pas envie d'aller à l'école.
— Je sais, mon bonhomme, mais c'est comme ça. Tous les enfants doivent aller à l'école.
— Et papa, il retourne au travail ?
— Oui. Il n'en meurt pas d'envie, mais il y retourne.
— Et toi, tu recommences à faire des traductions.
— Exactement.
— C'est comme ça. Toutes les mamans sont traductrices.

dimanche 1 novembre 2015

Cinéma ou poussette ?

J'ai envie d'aller au cinéma, mais Darling ne peut pas venir avec moi (pas de baby-sitter) et le Grand ne veut pas (il a l'intention de passer la soirée à regarder un documentaire sur la Seconde Guerre mondiale) (franchement, ça devient lassant). A tout hasard, je téléphone à ma sœur, qui habite à quelques dizaines de mètres du cinéma où je projette d'aller. L'une de mes deux petites sœurs (je suis l'aînée), mais la plus grande (vous suivez ?)*. Autrement dit, pas celle de 14 ans : celle qui n'a que huit ans de moins que moi, qui sort tout juste de l'adulescence (elle va me tuer), et qui attend un heureux événement d'un jour à l'autre.

— Allô, c'est Fofo, ça va ?
— Mouais... J'ai mal au dos, et puis j'en ai marre, j'ai déjà fait les vitres, lavé toute la maison, je demande toujours à passer sur des rues pavées quand je vais quelque part en voiture, bref j'ai essayé toutes les méthodes pour accélérer l'accouchement, même les moins avouables, et ça ne vient toujours pas...
 — Allez, courage, ce n'est plus très long. Dis, je me demandais si tu voulais aller au cinéma avec moi ce soir ? C'est un peu notre dernière occasion avant longtemps...
— Ah, c'est gentil, mais... en fait j'avais l'intention d'aller dans un showroom de poussettes...

Si on m'avait dit qu'elle prononcerait un jour une phrase pareille, je ne l'aurais pas cru. J'ai repensé à toutes ces fois où elle m'a dit que je ne sortais pas assez parce que j'avais toujours le nez dans mes biberons, alors qu'elle-même allait de fête en soirée et de party en after, et pendant tout le trajet vers le cinéma, en pédalant sur mon vélo, j'ai chanté à tue-tête.



* Un concept totalement incompréhensible pour les Things, qui passent leur temps à dire des phrases qui commencent par "Quand je serai une grande sœur" (autrement dit, quand j'aurai l'âge du Grand) ou même "Quand le Filou sera un grand frère" (!!). Impossible de leur faire entrer dans la tête la relativité de ce concept...