jeudi 15 novembre 2012

Coup de pompe

Fatiguée.

Des nuits entrecoupées, toujours deux ou trois réveils nocturnes du Petit, souvent un cauchemar de Mr Thing Two, parfois une crise de Miss Thing One qui se plaint que "ça" la démange et ne se calme pas tant qu'on ne l'a pas mise dans un bain, ou même une crise d'asthme du Grand, tout ça entre 23h et 6h du matin, heure à laquelle le Petit décide que la journée commence.
Des matins survoltés, trois enfants à changer et à habiller, minimum une colère d'un gamin de deux ans et des poussières, le Grand qui ne sait pas lacer ses chaussures, les biberons, une douche à caser quelque part, les cris, les sempiternels "Non, pas papa ! C'est Maman !", y compris de la part du Petit qui ne parle pas encore mais se fait très bien comprendre, le départ pour la crèche sans même avoir pris un petit-déjeuner, le trajet interminable avec des enfants qui s'arrêtent sans cesse pour commenter ce qu'ils voient.
Des journées trop rapides, lessives, rangement, vaisselle, et puis la perspective du déménagement, les visites aux banques, aux agences, les documents à rassembler, les détails à vérifier, et puis encore les démarches administratives, un chèque à encaisser, les feuilles de maladie à envoyer, un rendez-vous chez le médecin, une commande à passer, et l'après-midi qui touche à sa fin sans que j'aie jamais fait le nombre de pages prévu sur ce roman de 480 pages qui n'avance pas.
Des soirées de folie, toujours des cris, des caprices, le Petit à surveiller comme le lait sur le feu pour qu'il ne se mette pas en danger, le Grand qui excite les autres, l'heure du dîner qui approche alors qu'on ne sait pas ce qu'on va manger, les gamins qui ne veulent pas prendre leur douche, ni manger des légumes, ni changer la couche, et encore moins aller au lit, des disputes, le voisin qui ne supporte plus les petits pieds qui courent sans cesse, le livre à lire, encore des disputes, des cris, des câlins à faire, un bébé à bercer... et quand enfin, ils sont tous couchés, on n'a pas même l'assurance que c'est fini pour aujourd'hui, qu'on peut se remettre à ces quelques pages à terminer, parce qu'il y en a toujours un qui se réveille, qui tousse, qui râle, qui pleure, qui menace de réveiller les autres. Et si jamais tout le monde dort, des fins de soirées passées à travailler sur ce bureau trop petit, avec la télévision allumée à deux mètres de mois, sans relâche, jusqu'au moment d'aller se coucher, avec des yeux qui piquent tellement on n'en peut plus.
Et de nouveau une nuit trop courte, et de nouveau une journée trop courte, et la semaine se termine alors qu'elle vient de commencer, et voici le samedi si redouté, avec les siestes décalées et la nuit qui tombe avant même que tout le monde soit sorti du lit. Et puis le dimanche, avec tout le monde qui se marche sur les pieds dans cet appart trop petit, le Grand qui devient fou entre ces quatre murs, deux fois plus de corvées de repas, les dissensions entre ceux qui veulent écouter de la musique et ceux qui rêvent de silence, la fin de la journée interminable.

Est-ce à cause de ces fichues vacances qui ont achevé de me vider de toute mon énergie ? Du manque de sommeil cumulé, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois ? Des fois, j'ai l'impression que je ne vais pas y arriver, que je vais craquer, flancher, faire une déprime, voire une dépression, tomber malade. Jour après jour, je sens monter de plus en plus souvent des pulsions violente, je dois me mordre le poing pour me retenir de frapper cette gamine qui m'assourdit avec ses cris stridents, pour ne pas hurler contre ce bébé qui refuse de me laisser dormir, pour ne pas assommer ce petit garçon qui me tient tête alors que je ne veux que son bien, ou ce préado de plus en plus insolent. Je suis prise de véritables désirs de les taper, de les secouer, de les faire taire, enfin.

J'avais tenu le choc jusqu'ici, pourtant. J'avais résisté à la naissance des Things, et même à celle du Petit. J'espérais toujours refaire surface prochainement. Mais j'ai dû replonger sans avoir pu reprendre mon souffle. Je savais qu'il me fallait tenir bon pendant trois ans, jusqu'à ce que ces bébés se transforment en enfants. Avec l'arrivée du Petit, cette durée est passée à cinq ans. D'ici là, aucune perspective de vacances, de repos, de détente. Pendant cinq ans.

Comment fait-on, dans ces cas-là ? Comment met-on un pied devant l'autre ?

On se concentre sur des petites joies. Des bonheurs modestes, mais proches. Des bons moments à venir.
Pas de vacances en perspective, mais des perspectives tout de même.
Un petit footing demain matin.
Une pause avec un cappuccino en début d'après-midi.
Un dîner avec un ami de longue date que je n'ai pas vu depuis un an.
Une sortie au cinéma avec Darling, en dépit du prix de la baby-sitter, du travail en retard, des nuits trop courtes.
Un coup de téléphone à une copine.
Un prochain weekend avec quelques amis venus passer deux jours à Paris.
Noël qui s'approche.
Des biscuits à tester.
Les visites toujours rapides mais régulières de mon père adoptif, le seul à habiter assez prêt d'ici pour "faire un saut" de temps en temps.
Un bon bouquin à lire, même à coup de vingt pages par jour.
Un blog à remplir, avec chaque jour, cette parenthèse d'une écriture qui libère, qui exorcise les idées noires, qui enchante le quotidien.
Quelques déplacements professionnels prévus dans les mois à venir.
Un rendez-vous avec une éditrice sympa.
Les plans de ma future cuisine à concevoir.
Deux ou trois films très attendus qui vont sortir en hiver ou au printemps.
Et puis encore, et surtout, surtout du lien, des gens, de la famille ou des amis avec qui rire, parler, prendre l'air, même virtuellement.

Et petit à petit, sans qu'on s'en rende compte, le temps passe ; et soudain, un enfant sait parler, un bébé sait s'assoir, un grand garçon sait faire ses devoirs tout seul, et mois après mois, la vie trouve son rythme. Bientôt, plus bientôt que je ne le pense, les sorties en famille redeviendront possible, les bons moments ensemble seront plus nombreux, les nuits se normaliseront, les problèmes disparaîtront pour laisser la place à d'autres qui me préoccupent moins, et l'angoisse de la suffocation se dissipera. Je survivrai. Je respirerai. Je ne serai pas noyée. Pas cette fois-ci.

Allez, on prend une profonde inspiration, et on replonge. Encore une brasse. Encore une. Encore une. Encore une...

10 commentaires:

  1. Je n'aimerais pas être à ta place. Tout ça me conforte dans l'idée qu'une ça me suffit! Tout dépend du budget, mais vous n'avez pas envisagé de prendre une baby-sitter pour accompagner et aller chercher les enfants à la crèche? Courage, quelques mois à tenir, quand vous aurez un jardin, les enfants pourront se défouler dehors et puis bientôt les Twins n'auront plus de couches, c'est toujours ça de moins à faire.

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  2. Force et courage madame... Res pirer bien fort et se dire qu'on va au moins essayer d'atteindre l'heure d'après, puis celle d'après puis...

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  3. Un paquet de bonnes zondes, je n'ai guère que ça à t'envoyer... Je t'admire de tenir le choc !

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  4. Rien de plus épuisant que des nuits morcelées... Allez, courage!!!

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  5. J'adjoindrais bien une petite sieste en journée à ta liste... Ça fait un peu âme damnée qui chuchote à l'oreille, mais sieste = plus de patience, plus de résistance la nuit et plus d'efficacité dans le boulot.
    Non ? Bon.

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  6. Bien sûr que ça fait du bien, une sieste. Sauf que si je dors, je dors deux heures, et la simple idée de perdre deux heures de boulot m'horrifie. Du coup je ne cède qu'une fois par mois en moyenne, quand vraiment je n'arrive plus à garder les yeux ouverts... J'aimerais être de ceux qui sont revigorés par une petite sieste de vingt ou trente minutes ; moi, ça m'assomme complètement.

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  7. Je comprends bien... Moi, je me lève parfois en me disant qu'il va me falloir une sieste dans la journée (je suis pas spécialement du matin... surtout de 7 h du matin quand j'ai changé des draps à 4), mais je la fais rarement...

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  8. Oh, Fofo, je comprends ton désarroi et ta lassitude. Mais je pense que tu as trouvé la solution pour tenir encore le temps qu'il faut pour que ces p'tits loups grandissent et soient un peu plus autonomes : profiter des petits moments tels que ceux que tu as décrits...
    Je t'envoie des wagons de courage ! Dommage que je n'habite plus en région parisienne, j'aurais bien voulu t'aider de temps à autre.

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  9. Tout d'abord, moi qui ne laisse pas souvent de coms, j'aimerais te dire combien je t'admire.

    Si si, rester calme faces aux colères et caprices à répétition de 3 petits, ça tend vers l'héroïsme. En tout cas, je n'en aurais jamais supporté autant des miens(7, 10 et 12), qui bien que n'étant pas spécialement sages et calmes, ont vite compris qu'ils n'avaient aucun intérêt à se rouler par terre, qu'il y ait des témoins ou pas, une raison ou pas.

    Donc je suis au regret de t'ôter les galons de mère indigne auxquels tu tiens tant, tu ne les mérite pas.

    Et si je peux me permettre une suggestion, leur papa est là aussi pour eux, et sait changer des couches ou habiller l'un ou l'autre, au moins aussi bien que toi (et même si il n'est pas tout à fait aussi doué, tant qu'il ne leur arrache pas la tête, il n'y a pas mort d'homme...)
    Peut-être pourriez vous expliquer à vos poussins que tant qu'on ne t'aura pas greffé 2 ou 3 paires de bras supplémentaires, papa donnera un coup de main, et puis c'est comme ça et pas autrement.
    Alors bien sûr, ça risque d'être encore pire pendant quelques jours, mais si vous (les adultes, hein!)tenez bon, les petits se feront une raison.
    D'ailleurs ils ont déjà commencé lorsque tu étais au resto, en cessant de pleurer lorsqu'ils ont constaté que tu n'étais pas là. Bravo, Darling!

    Je ne prétends pas avoir la science infuse, ni même te donner des leçons d'éducation, juste une idée, parce que je sais ce que c'est de galérer avec des petits quand on est loin de sa famille.

    Je ne sais pas si mon comm te sera très utile, tu fais ce que tu veux, après tout. Mais si au moins il t'a fait sourire un peu, c'est déjà pas si mal...

    Courage!

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  10. Bougri, tu pourrais trouver que je suis une mère indigne de ne pas être assez ferme avec mes gamins ! Mais je ne suis pas sûre qu'un enfant de deux ans et demi ait la capacité de comprendre qu'il ne gagne rien à faire une colère. Je pense que c'est juste la frustration propre à cet âge qui ressort... Et puis il y a le Petit, qui n'est qu'un bébé, et moi, les bébés, ça me pèse !

    Quant à Darling, il a des horaires qui ne lui permettent pas toujours de participer à ce genre de bataille, et il n'a jamais été très doué pour venir à bout d'un gamin de 2-3-4 ans. Quand il est là, je lui délègue donc plutôt le Petit. Cela dit, tu n'as pas tort, il va falloir qu'il s'y remette (son absence d'un mois cet été n'a pas amélioré les choses). Quitte à ce que je sorte plus souvent !

    Et merci à tous de vos gentils mots. Je pense que le principal problème, c'est tout de même le manque de sommeil. Ça, et le stress dû au boulot qui n'avance pas. Mais ça va se tasser... D'ailleurs, rien qu'en parler m'a déjà fait beaucoup de bien !

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