mardi 12 février 2013

Je m'éclate

Je passe chez le quincaillier, qui trouve que j'ai une petite mine.
— J'avoue que je ne dors pas tout à fait assez la nuit, entre les cauchemars des uns et les maladies des autres...
— Et j'imagine que le jour, vous êtes assez occupée, non ?
— Ah, c'est sûr que je n'ai pas beaucoup de loisirs !
— Heureusement que vous vous éclatez dans votre boulot, sinon ce ne serait pas vivable.

Mon premier mouvement fut un geste d'étonnement. Je m'éclate, moi ? Moi qui ne sais jamais de quoi demain sera fait, moi qui reste constamment cloîtrée chez moi, moi qui n'ai pas de vacances, moi qui ne peux pas même m'octroyer une soirée devant un film sans mauvaise conscience ?

Et pourtant, deux secondes plus tard, j'ai approuvé. J'ai renchéri. Et je suis repartie toute requinquée, comme si ces quelques mots m'avaient rappelé une vérité importante.
C'est vrai, ça me barbe de me remettre au travail tous les soirs jusqu'à 23h passées. Mais pas tant que ça, en fin de compte. A quelques exceptions près, je traduis quasiment toujours des livres que j'aime. Des romans que j'aime lire et que j'aurais aimé écrire. Et ça tombe bien, c'est presque comme si je faisais les deux à la fois ! Je passe quelques semaines dans un monde médiévalisant plein de magie, puis je pars en voyage en 1850, puis je me plonge dans la biographie romancée d'un personnage haut en couleurs, puis je me délecte des amours et des prises de becs de deux adolescents caustiques... Et puis je joue avec les mots, je taille et polis mes phrases jusqu'à ce qu'elles soient aussi propres, aussi peu rugueuses que possible, ou je m'amuse à employer des paroles inusitées que je savoure comme des bonbons...

J'aime traduire, et j'aime ce que je traduis. Je ne sais pas si je ferais ce métier même si je n'avais pas besoin d'argent – le test suprême –, mais ce n'est pas exclus, au moins à petites doses. Pendant que des milliers, des millions de gens vont travailler avec une mine renfrognée et passent la journée à attendre la quille, rêvant d'être n'importe où plutôt que là où ils sont, il m'arrive fréquemment, lorsque je m'installe devant ma traduction en cours avec une tasse de thé fumant, de sourire de bonheur et de me dire que, tout simplement, je suis bien.

C'est important aussi de le rappeler, non ?

1 commentaire:

  1. Oui :)
    Se faire rappeler des choses qui nous mettent en valeur, et de bons souvenirs, c'est important pour garder le tonus.

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