jeudi 13 mars 2014

Bigleux

Depuis qu'il est bébé, en plus d'avoir les oreilles décollées et une incisive en moins, Mr Thing Two louche. (Non mais à part ça il est très beau, je vous assure. Puisque je vous le dis !)

Au début, nous n'y avons pas vraiment fait attention. Le pédiatre non plus, d'ailleurs : "Oh, on verra plus tard, des fois ça passe tout seul". Ce n'est pas passé. Mais ça ne m'a jamais semblé très grave, ni très urgent. "Tout de même, vers deux ou trois ans, il faudrait faire vérifier sa vue", m'a dit un jour un interne des urgences consulté pour tout autre chose. Sauf que quand il a eu trois ans, j'étais débordée de boulot, et en plein préparatifs de déménagement. Et puis il y a eu toutes les formalités administratives. Et puis le déménagement lui-même. Et puis les vacances. Et puis la rentrée. Et puis le temps de prendre ses marques... Et pendant ce temps, son strabisme, qui était resté léger jusque là, c'est aggravé. D'une semaine à l'autre, ou presque, il s'est mis à loucher effroyablement, au point qu'il arrive que son œil gauche disparaisse presque vers le centre tandis que l'autre regarde à peu près droit.

Du coup, quand je me suis enfin pointée chez l'ophtalmo alors qu'il avait trois ans et huit mois, je me suis pris un savon. Apparemment, j'aurais dû venir beaucoup plus tôt. Et surtout, avant l'entrée en maternelle, car ce qui empire les choses, ce sont les dessins et découpages et exercices et tout ce qui sollicite la vision rapprochée.

Ophtalmo. Tests. Orthoptiste. Tests. Ordonnance. Pharmacien. Gouttes dans les yeux. Retour chez l'ophtalmo. Tests. Opticien. Tests.

C'est ainsi qu'après avoir vécu une semaine volets fermés (les gouttes dans les yeux lui ont dilaté les pupilles au point qu'on voyait à peine le bleu de ses iris), nous avons enfin pu aller hier choisir des lunettes.
— On va prendre les plus belles, lui ai-je promis. Tu voudrais quelle couleur ?
— Jaune !
Il n'aurait pas pu choisir rouge ou bleu, non : trop commun.

L'opticienne avait un choix important de lunettes pour les enfants, répondant à tous les critères : branches en plastique, solides, avec des charnières bien souples car les gamins sont des brutes, des verres ronds qui montent haut pour que l'enfant ne soit pas tenté de regarder par-dessus, et puis des jolies couleurs. Pas beaucoup de jaune, ça non. Mais Mr Thing Two n'est pas un gamin trop casse-pied. Il a essayé une dizaine de modèles de couleurs différentes, presque tous ornés de petits dessins sur les branches. Rouge, avec des voitures. Bleu ciel, avec des voitures. Marron, avec des voitures. Vert, avec un camion, ah tiens ? Bleu foncé, avec des voitures. Et même jaune, avec des voitures. Mr Thing Two s'en fiche. Moi, je m'impatiente :
— Vous n'avez pas quelque chose sans dessin, ou avec des vélos, à la rigueur ? Je suis contre les voitures...

Non, la dame n'avait rien avec des vélos, et bien sûr elle a refusé tout net de sortir les modèles avec des fleurs ou des papillons, mais elle avait quelques paires avec des "Monsieur Madame". C'est ainsi que nous avons finalement choisi une paire d'un vert tirant sur le jaune (on fait ce qu'on peut), ornée d'un minuscule Monsieur Chatouille. Parfait.

— C'est cher ?
— Les verres progressifs coûtent assez chers, oui, mais ne vous inquiétez pas, on va faire une demande de prise en charge par la sécurité sociale et votre mutuelle.

S'ensuit une demi-heure de calculs, de formulaires à remplir, de questions de tous genres ("— Numéro de téléphone ? — 01 77... — Ah non, le programme n'accepte que les numéros en 06. — Mais mon portable ne capte pas, chez moi ! — Tant pis, donnez-nous le numéro quand même. — Mais alors, si on n'a pas de portable, on ne peut pas acheter de lunettes ? — Si, on peut les acheter, mais pour se les faire rembourser, c'est autre chose..."), et finalement, elle m'annonce :
— Voilà, ça fait un total de 186 euros.
— Dont combien sont remboursés ?
— Non non, ça fait 186 après les remboursements. C'est la somme qui reste à votre charge.

Moralité, si vous êtes fauchés, ne louchez pas.
(Je sais que je découvre l'eau tiède : j'avais déjà entendu dire que les lunettes étaient chères, mais personne dans notre famille n'en a jamais porté, donc je ne pensais pas que c'était à ce point...)

Du coup, moi qui comptais demander si on pouvait lui faire les mêmes en teintées, pour le soleil, j'ai laissé tomber. On lui mettra une casquette avec une grande visière qui lui fait de l'ombre sur les yeux. Ou des lunettes de soleil sans correction. Après tout, à quatre ans, quand on est au soleil, c'est plutôt pour courir ou pour chahuter que pour lire ou utiliser sa vision rapprochée, pas vrai ?

1 commentaire:

  1. Oui, les lunettes c'est cher!
    Mais une monture avec des Monsieur Madame, ça doit être trognon...
    Bienvenue à Mr Thing Two dans la grande famille des bigleux!

    Ficelle

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