jeudi 13 novembre 2014

La praxis homilétique, et autres considérations linguistiques

Franchement, j'aimerais bien écrire un petit billet sympa et drôle, mais je viens de passer la journée sur des phrases telles que La praxis homilétique des ordres prêcheurs statutairement itinérants est faite de mélanges linguistiques interrégionaux dont dérive le macaronisme latino-vulgaire qui finira par se stabiliser au cours la deuxième moitié du XVe siècle, en particulier dans la région padano-vénitienne, pour former un "genre". Je vous jure. Après quoi l'auteur nous affirme (et je me garderai bien de le contredire) que ce qui constitue le substrat de l’expérimentation de la poésie macaronique, ce sont entre autres les satires goliardiques – on pense en particulier à Repetitio Zanini d'Ugolino Pisani, jouée en 1435.
Non, vous ne pensiez pas à Repetitio Zanini, vous ?

La seule bonne nouvelle dans tout ça, c'est qu'au bout de dix jours à plancher sur ce "petit article" que je traduis pour une amie (mais je suis payée, je vous rassure) (enfin, je le serai dans trois mois, on ne va pas chipoter), je comprends presque ce que ça veut dire. Si, si. Je regrette juste de ne pas beaucoup avoir l'occasion de replacer ces nouvelles connaissances dans des conversations, parce que ça ferait chic, je trouve. "Non mais c'est vrai qu'il est drôlement chouette, ce bouquin, quoique la morale soit un peu lourdingue, limite homilétique, tu ne trouves pas ?"

Bref, je vais finir par en venir à bout. Et lundi, je dois commencer un roman très commercial et mal fichu avec des animaux qui parlent et qui luttent pour le Bien, et parfois aussi contre le Mal.
Je vais vous avouer une chose : j'ai hâte.


PS : Je viens d'apprendre que nul n’a encore tracé une histoire exhaustive de la littérature et de la culture bergamasque entre le XVe et le XVIe siècle, dans son double aspect de production à la bergamasque, autrement dit en bergamasque, et de production de bergamasques, c’est-à-dire de production dialectale réglementaire d’auteurs qui utilisent pertinemment et sciemment des formes rustiques et d'origine vernaculaire à des fins littéraires, une production marquée soit par une contamination générique au milieu d’une koinè régionale plus diffuse, soit par une expérimentation intentionnellement parodique (je vous fais grâce des exemples). Franchement, c'est dommage que personne n'ait encore pondu un bouquin là-dessus, non ? Il faudrait se lancer : il y a une niche, à mon avis.

PS² : Mon père adoptif, après avoir lu quelques lignes de mon article, m'a envoyé cette citation :
Ce qui distingue les langues néo-espagnoles entre elles et leurs idiomes des autres groupes linguistiques, tels que le groupe des langues autrichiennes et néo-autrichiennes ou habsbourgiques, aussi bien que des groupes espérantiste, helvétique, monégasque, suisse, andorrien, basque, pelote, aussi bien encore que des groupes des langues diplomatique et technique — ce qui les distingue, dis-je, c’est leur ressemblance frappante qui fait qu’on a bien du mal à les distinguer l’une de l’autre — je parle des langues néo-espagnoles entre elles, que l’on arrive à distinguer, cependant, grâce à leurs caractères distinctifs, preuves absolument indiscutables de l’extraordinaire ressemblance, qui rend indiscutable leur communauté d’origine, et qui, en même temps, les différencie profondément — par le maintien des traits distinctifs dont je viens de parler.
Ionesco, La leçon.



10 commentaires:

  1. Excellente, la citation de ton père adoptif ! Ça vaut le reste de l'article !
    Bon courage pour la fin :)

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  2. C'est celàààà, oui!

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  3. Euh... Il n'a pas l'air très bien écrit quand-même, cet article. Il y a des façons bien plus simples (sans même enlever le jargon littéraire!) de rédiger la dernière citation. Avec toutes ces répétitions, on dirait un sketch...
    C'est vraiment dit comme ça, ou c'est exagéré?

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    1. Je cite. Mot pour mot. Personnellement, ce ne sont pas tant les répétitions qui me gènent que le style alambiqué. Franchement, écrire que les moines, dans leurs sermons, mélangent le latin et les dialectes locaux, comme le fera plus tard le genre dit "macaronique" dans la littérature, c'était trop simple ? Les gens auraient risqué de comprendre du premier coup ?

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    2. La dernière citation de mon article, hein ? Celle où il est question de la littérature bergamasque, pas celle de Ionesco ? Parce que celle-là, c'est vraiment un sketch...

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    3. Non non, c'était bien la citation avec l'adjectif "bergamasque" répété plusieurs fois qui m'avait interloquée, surtout pour un article universitaire.
      Par contre, je ne connaissais pas La Leçon de Ionesco. J'ai hâte de le lire, maintenant!

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  4. Et au fait, que devient Bobby Watson? Mais pas Bobby Watson la tante de Bobby Watson, non, Bobby Watson le frère de l'oncle de Bobby Watson...

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  5. C'est vrai que Ionesco semble limpide à côté de cet article de ouf, bien du plaisir pour votre traduction. Ça devrait être interdit de s'exprimer comme ça. Moi quand je lis "macaronisme", je pense "Ladurée", c'est normal, docteur?

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  6. Hou là, pour l'étude du "macaronisme" il faut prendre en considération non seulement le champ Laduratoire mais également l'aspect Pierreherméique. Je ne mentionne pas ici les variantes régionales tel le Sébastienbouilletisme.

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  7. Vous êtes bizarres. Moi, dans "macaronisme", j'entends "macaroni", ce qui est tout de même beaucoup plus proche du sens d'origine (puisque le nom de ce genre littéraire proviens de ce que mangeaient ses héros, c'est-à-dire... des pâtes, logique pour des italiens). Le paradoxe, c'est qu'aujourd'hui, les macaronis n'existent plus en Italie, donc je ne sais pas ce que ce mot évoquerait pour un italien pur jus !

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