vendredi 21 novembre 2014

Ma vie sociale (brièvement) trépidante

Un traducteur littéraire travaille à domicile. Cela signifie que bien souvent, il ne sort pas de chez lui et ne voit personne pendant les horaires de bureaux : pas de collègues, pas de bavardages devant la machine à café, pas de déjeuner d'affaires, pas de trajets en métro, pas de réunions, pas de shopping à l'heure du déjeuner, pas de chouquettes du lundi matin ou de thé du vendredi soir ou de pot de départ en congé maternité (ces dernières lignes sont dédiées à mes anciens collègues de bureau) (surtout à celle qui nous achetait les chouquettes).

Les parents qui ont des enfants en bas âge ne sortent pas très souvent le soir. Scrupules de laisser ses enfants à une jeune fille quasi-inconnue (scrupules envers la pauvre jeune fille, bien entendu ; pas envers les sales mioches...), prix de la soirée multiplié par trois à cause du baby-sitting, certitude de devoir se lever à 7h le lendemain matin pour préparer les biberons même si c'est un dimanche, nécessité de s'organiser longtemps à l'avance... Quand il n'y a qu'un seul gamin, on se débrouille encore, on trouve des baby-sitters sans trop de difficulté, on emmène parfois le môme quand on est invité à dîner, ou on profite lâchement des bonnes volontés des grands-parents pour aller au cinéma, mais quand il y en a deux, trois, ou même quatre, c'est nettement plus compliqué.

Du coup, quand on est une traductrice mère de famille nombreuse, et qu'en plus on habite en banlieue (où les amis n'ont pas toujours le courage de venir) et dans une rue pavillonnaire (où il n'y a pas un seul magasin avec des gens dedans), on a une vie sociale qui frôle parfois le coma prolongé. C'est bien simple, il m'arrive de passer des semaines entières sans voir personne d'autre que des membres de ma famille et l'assistante maternelle du Filou, et de me réjouir follement à l'idée que le vendredi soir, je vais aller chercher mon panier de légumes et donc peut-être discuter deux minutes de la pluie et du beau temps avec la caissière.

Cette situation est parfaitement résumée par Nathalie Jomard, illustratrice – un autre métier solitaire – et mère de deux grumeaux, auteure d'un excellent blog BD, Petit précis de Grumeautique :
 

Et puis tout à coup, en consultant mon agenda des prochains jours, j'y ai découvert :
- Deux rendez-vous avec deux éditrices différentes ;
- Une amie, puis une autre amie, puis un ami, qui vont occuper mon canapé-lit à tour de rôle presque sans interruption ;
- Une pièce de théâtre un soir ;
- Un voyage dans l'Est pour animer une journée d'ateliers d'écriture ;
- Deux mission d'interprétariat au Salon de Montreuil (salon du livre jeunesse) ;
- Deux journées d'accompagnement d'un auteur, y compris lors d'un voyage au Nord.

Tout ça en dix jours, alors que normalement, je n'en ai pas autant en trois mois.

C'est bien simple, je crois que je ne vais pas déjeuner seule – comme tous les midis – ou dîner juste avec mes gamins – comme presque tous les soirs – plus de deux fois avant la fin du mois de novembre.


N'ayant pas, contrairement à d'autres, choisi ce métier par agoraphobie ou misanthropie, et étant au contraire fort sociable et pas du tout timide, je vous avouerai que je suis absolument ravie. Tout excitée à l'idée de rencontrer des gens, dont des inconnus, de sortir, d'aller dans des lieux où je n'ai jamais mis les pieds, de voir autre chose que mon ordinateur, d'avoir des discussions intéressantes, de sortir de ma routine.

Ma seule crainte est de m'habituer. Comment ferai-je, en décembre, pour me réjouir à l'idée que nous n'avons plus de doliprane et qu'il va falloir passer à la pharmacie en racheter ?

2 commentaires:

  1. Houlà ! Espérons que le surbooking perso n'empiètera pas sur le surbooking pro !

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  2. tiens, on dirait moi, sauf que je suis assmat, au lieu de traductrice^^
    contente d'aller faire les courses juste parce que cela veux dire voir du monde.

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