lundi 30 janvier 2017

Stage, resto, et baptème de vélib

Le Grand est en 3e cette année, et comme les autres, il a dû se dégoter un stage. Bon, je l'admets, c'est moi et son quasi-grand-père qui le lui avons trouvé, mais il était ravi. Il faut dire que nous avons réussi à le faire accepter dans le service de cartographie d'un grand quotidien. Pas mal pensé, hein ? Ce que j'aimerais, c'est qu'il se rende compte qu'au lieu de chercher un métier qui lui permette de s'enrichir rapidement afin de pouvoir arrêter de travailler et se consacrer à ce qu'il aime (son but avoué, depuis des années), il ferait mieux de chercher un travail qu'il aime. Plus direct, plus simple, plus valorisant, plus sûr. Et puisque ce qu'il aime, c'est dessiner des cartes et poser des devinettes géographiques (je vous jure) (si vous êtes sage, demain, je vous mettrai une de ses "blagues") (je continue à me demander d'où sort cet enfant), la cartographie m'a semblé être une bonne première approche de la vie professionnelle.

Comme je suis très gentille (et aussi que j'en suis enfin à la phase de relecture de ma traduction, ce qui signifie que je peux lâcher mon ordinateur, du moment que j'ai mon manuscrit et un stylo rouge), j'ai accepté de l'accompagner ce matin pour sa première matinée (il est à mi-temps) et même de l'attendre dans un café pour le raccompagner ensuite. Une fois, mais pas deux. A partir de demain, il y va tout seul.

— Tu verras, c'est très simple. Tu prends le RER, puis le métro, tu sors en tête à droite, tu marches trois minutes, et tu y es. C'est à ta portée, non ?
— Moui... Mais tu sais, tous mes copains, ils sont accompagnés par leurs parents, soit en voiture, soit ou en transports en commun ! Je vais être le seul à y aller tout seul !
— Waouh ! C'est génial !
— Hein ?
— Ben quoi, tu n'es pas super fier ? Tu étais déjà le tout premier à aller à l'école tout seul à pied, à 8 ans. Ça ne te fait pas plaisir de savoir que je te fais confiance, et de devenir indépendant ?

Visiblement, il n'avait pas vu les choses sous cet angle, mais après cette remarque, il n'a plus protesté. Et comme je suis très gentille (bis), je lui prêterai mon portable, demain. Et même un plan de Paris, en papier, qui ne risque pas de tomber en panne ou d'attirer la convoitise d'un pickpocket.

Bref, sa première matinée s'est apparemment bien passée. Il en est sorti en me racontant plein de choses sur la primaire (figurez-vous que toutes les îles, sauf la Réunion, mais y compris la Corse, ont voté majoritairement Valls – ah oui, ça vous en bouche un coin, hein ?) et sur le décret anti-immigration de Trump. Il a aussi été initié à l'infographie, qui le passionne moins. Je me suis étonnée :
— C'est les camemberts, c'est ça ? Les pourcentages et les graphiques ? Pourtant, c'est intéressant, non ?
— A regarder, oui, mais à faire, bof. Alors qu'en cartographie, ils avaient un logiciel génial ! On pouvait changer le nom des pays, le tracé des fleuves, des frontières, tout ce qu'on voulait !

Comme dit mon père adoptif, c'est sûr que c'est une méthode plus facile qu'une guerre ou un barrage.

Ensuite, je l'ai emmené mangé dans un restaurant chinois pour la première fois de sa vie (nous sommes tous les deux adeptes des sushis, et de toute façon nous allons très rarement au restaurant). Bien sûr, il a pris des nems : son intransigeance géographique ne s'applique pas à la cuisine. Pas grave.

Et après, je lui ai fait une surprise : je lui ai annoncé que je lui avais pris un abonnement annuel à Vélib, ce qui est possible à partir de 14 ans. Toujours dans l'idée qu'être indépendant, c'est d'abord pouvoir se déplacer en toute liberté. Après avoir un peu bataillé avec la borne qui demandait toute une foule de renseignements et de validations (c'est comme en amour : la première fois, les préliminaires ne sont pas toujours très réussis), nous avons donc pu décrocher nos deux vélos et rentrer en pédalant joyeusement tout en bavardant du programme économique des candidats socialistes. Et bien entendu, cela nous a pris moins longtemps que le même trajet en transports en commun. Il n'est pas encore prêt à se lancer tout seul sur un vélo dans les rues de Paris, mais ça viendra...

Voilà, une triple première pour mon Grand qui ne cesse de grandir, donc, et une journée pas très productive pour moi, mais tant pis. Je sais que demain, je m'en mordrai les doigts, mais des moments de complicités comme ça, ça n'a pas de prix...

5 commentaires:

  1. Le décès de Jean-Christophe Victor nous laisse orphelins de cette formidable émission qui s'appelle "Le dessous des cartes".
    Vivement la relève!

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    1. Arrête, me le rappelle pas! Je m'en remets pas encore.

      Un chanteur, une actrice qui meure, ça passe crème. Mais Jean-Christophe Victor, qui mettait du sens dans la folie du monde, (et qui nous tenait pour vâchement intelligent), ça me trouble.
      Arte diffuse encore des inédits où il parle. J'espère qu'il a une bonne équipe derrière lui, qui pourra prendre le rôle du protagoniste désormais.

      Sinon, depuis tout ce temps à nous citer une foultitude de revue technique, on peut être rassuré : y'a de la lecture! (j'ai jamais ouvert le monde diplomatique. je sais. j'ai honte)

      N'empêche, bilan, on perd une figure rassurante. Y'a que les ministres pour avoir des topos comme ça en 10 mn fait par un pro. Je me le disais souvent.

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  2. JCV est mort???! Ah mais c'est un pan de ma jeunesse qui s'écroule...
    Sinon je dois dire que je kiffe ton Grand.
    Et j'applaudis à son indépendance et soupire sur ces parents qui couvent et font à la place de leur progéniture, avec encore en tête la conversation similaire avec une copine qui passe pour une mère indigne parce qu'elle ne va pas inspecter cahiers et carnet de texte une fois son gamin endormi, et que ledit gamin, 9 ans, s'habille seul (y compris choix des vêtements)

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  3. C'est chouette, les enfants qui grandissent, surtout quand on peut les accompagner comme ça. Bravo la famille fofo !

    PS : moi aussi, je regrette beaucoup le décès de Jean-Christophe Victor, j'adorais ses explications.

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  4. J'ai entendu cette chronique hier et je me suis dit qu'elle plairait au Grand :
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-vie-numerique/de-la-belle-inexactitude-des-plans-de-pistes-de-ski
    Je suis moi-même une grande fan des cartes géographiques ! :-)

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