jeudi 22 janvier 2015

Le Grand part en classe de neige

Ce matin, le réveil a sonné à 5h30. La bonne nouvelle, c'est que Miss Thing One venait de me réveiller à 5h20, et j'avais passé cinq minutes à la faire souffler dans dix mouchoirs d'affilée, donc j'étais déjà bien réveillée. L'autre bonne nouvelle, c'est qu'en quittant la maison à 6h, j'ai échappé à la diarrhée matinale du Filou, qui a mis Darling sur le pied de guerre bien avant que son propre réveille ne sonne à 7h.
Et où allais-je comme ça, si tôt ? Accompagner le Grand, qui est parti en classe de neige avec tous les élèves de 5ème de son collège.

Il faut cependant savoir que le Grand est dispensé de sport depuis déjà plusieurs mois, car il est victime d'une maladie de croissance : il a mal au genou, et il boîte. Sa prof de sport m'a convaincue (sans trop de mal) (OK, très très facilement) de le laisser partir avec les autres malgré tout. Au pire, il ne fera pas de ski, et pendant que les autres sont sur les pistes, il passera quatre heures par jour à lire, ce qui ne devrait pas trop le chagriner. Mais la prof m'a dit qu'elle lui ferait tout de même essayer le ski, en douceur, au cas où ça ne lui ferait pas trop mal.
— De toute façon, je dirai que j'ai raté ma première étoile, m'a-t-il annoncé.
C'est vrai. Quand il en a refait l'année dernière, après cinq ans d'abstinence, il a eu un peu de mal à s'y remettre, et on lui a donc donné un simple flocon, alors qu'il l'avait déjà.
— Et je dirai que je n'en ai pas fait depuis cinq ans, a-t-il ajouté.
Pour le coup, ce n'est pas vrai. Pas grave. Je sens bien que son rêve serait qu'on le mette au club piou-piou, histoire de ne prendre aucun risque. Je vous ai déjà dit que ce grand gamin n'est pas un fonceur ? Il aime bien skier, mais il a toujours un peu la trouille d'être à la traîne, de tomber, d'être abandonné. Et maintenant, d'avoir mal. S'il osait, il dirait qu'il n'en a jamais fait, mais ce ne serait pas crédible. Au moins, il y a peu de chances qu'il se retrouve sur un champ de bosses ou dans un snowpark (le médecin a été clair : ce qu'il ne doit vraiment pas faire, c'est sauter).

Le petit problème de la dispense, c'est que puisqu'il n'allait pas en sport, le Grand n'a eu AUCUN papier officiel concernant le séjour. Rien. J'ai trouvé ça un peu léger de la part de la prof de sport, j'avoue. J'avais eu les dates du séjour au tout début de l'année, mais aucun autre détail. J'ai dû me battre pour qu'il me photocopie chez un copain la liste du matériel à emporter, il y a une semaine. Heureusement que j'ai insisté, car il me soutenait qu'il fallait acheter des chaussures de ski, ce qui me semblait très improbable. J'avais raison, c'était des "après-ski", bien sûr.

Pour l'heure de départ et le lieu de rendez-vous, c'est lui qui me les a annoncé. Ce matin, en traversant les quelques rues désertes menant jusqu'à la place du marché, à 6h15, sous un ciel noir et glacial, je me suis dit que j'aurais peut-être mieux fait d'appeler le collège pour avoir une confirmation.
— Si on se retrouve tout seuls sur la place à 6h30, on aura l'air ridicules, ai-je gémi.
— Si on est seuls, il n'y aura personne pour nous trouver ridicules, a-t-il répliqué.

Nous n'étions pas les seuls. Mais nous n'étions pas très nombreux non plus. En fait les gens sont arrivés tranquillement entre 6h30 et 7h, pendant que je faisais des petits bonds sur place pour essayer de me réchauffer. A 6h45, j'ai enfin repéré une mère que je connaissais, et je me suis précipitée vers elle :
— Vous pouvez me donner quelques informations ? Mon gamin n'a eu aucun papier à cause de sa dispense.
— Quoi ? Mais si, j'ai dit à mon fils de prendre les papiers en double pour les lui donner, et dimanche, quand le vôtre est venu passer l'après-midi à la maison, il les a mis dans sa poche devant moi !
Tous les regards ont convergé vers le Grand, qui a rougi sous sa cagoule :
— Ah oui, c'est vrai... J'ai oublié de te les donner !
Toutes mes excuses à la prof de sport. Ne jamais accuser d'autres gens quand il est possible que ce soit votre pré-ado le coupable. Je devrais le savoir.

— Et vous n'étiez pas à la réunion d'information ? me demande encore l'autre mère.
— Un jeudi soir à 18h30, aucune chance : mon mari rentre à 20h30 au plus tôt, ce soir-là. Que disaient donc ces papiers que je n'ai pas eu ?
— Que les DS étaient interdites et seraient confisquées si on les trouvait...
— Ah oui, ça, bizarrement, il s'en est souvenu.
— Qu'ils pouvaient prendre leur portable, mais qu'ils n'en auraient l'usage qu'une heure chaque soir...
— Je m'en fiche, il n'en a pas. En général, il utilise celui du vôtre pour m'appeler.
— Cette fois, il ne risque pas, le mien a perdu son portable.
— Ah. Autre chose ?
— Que le départ était à 6h30 ce matin...
— Sauf qu'à force, il est déjà 6h55, mais passons.
— Et qu'il fallait leur donner un pique-nique pour le voyage.
— Ah, zut !
— Il n'a rien ?
— Disons que comme il n'a pas petit-déjeuné, je lui ai donné de quoi grignoter : un paquet de gâteaux, une banane, une compote et une pomme... Mais c'est tout.

Je serai complètement honnête : l'idée que j'aurais pu aller tout de suite acheter quelque chose à la boulangerie m'a traversé l'esprit, car le départ ne semblait vraiment pas imminent. Mais je me suis dit que ce n'était pas plus mal que le Grand subisse un peu les conséquences de son étourderie. Je ne sais pas si ça fait de moi une mère responsable ou une mère indigne ?
Par ailleurs, ce matin, j'avais aussi glissé six sucettes dans son sac, avec pour consigne "Tu partageras avec tes copains", ce à quoi il m'avait répondu du tac au tac "Mais s'ils n'en veulent pas, je peux toutes les manger moi-même ?". Du coup, je lui ai conseillé :
— A l'heure du déjeuner, surveille un peu les autres : il y a toujours des parents qui donnent beaucoup trop de choses à leurs enfants. Tu peux aussi essayer d'échanger les sucettes contre des chips ou des morceaux de sandwichs, ça m'étonnerait que tu ne trouves pas preneur...

Enfin, le car et la prof de sport sont arrivés, séparément, mais tous les deux à 7h passé ; et les enfants ont pu charger leurs valises et monter. Dans l'ordre alphabétique. Le Grand est donc passé en dernier. J'ai beaucoup regretté que Darling ne s'appelle pas Amicoli ou Aubet ou Aawizt ou quelque chose du genre : j'avais les doigts de pieds complètement gelés.
Et puis enfin, à 7h15, le car est parti, et puis moi aussi, mais au bout de trois pas, j'ai fait demi-tour précipitamment pour rattraper l'autre mère :
— Et dites, au fait, quand est-ce qu'ils reviennent ?
— Il ne vous a même pas dit ça ?
— Si, il m'a dit qu'ils voyageraient de nuit et qu'ils arriveraient le matin, mais il ne savait plus si c'était mardi, mercredi ou jeudi. Précis, vous voyez.
— Mercredi, entre 6h30 et 7h. Nous devons être là à 6h30.
Je vois. On parie que le car n'arrivera pas avant 7h et demie ? Croyez-moi, mercredi prochain, je prendrai une couverture et une thermos...



Coda :
— Ah, et pour savoir s'ils sont bien arrivés... a dit la mère.
— Il est prévu qu'on sache s'ils sont bien arrivés ? Pas de nouvelles, bonnes nouvelles, non ?
— ... ce sera affiché ce soir, à 18h30, sur la porte du collège.
La même heure que la réunion d'information à laquelle je n'ai pas pu assister. Genre, je vais ressortir à 18h15 avec les trois petits, dont deux toujours malades, pour aller voir s'il y a un papier qui dit "le car et bien arrivé" punaisé sur la porte. Mais bien sûr. Je persiste dans mon opinion : pas de nouvelles, bonnes nouvelles...

7 commentaires:

  1. Et elle ne t'a pas proposé de t'appeler pour te transmettre l'info, la dame ? Sinon, pour la classe de neige de ma grande, on avait un répondeur téléphonique à appeler, sur lequel les élèves mettaient régulièrement des nouvelles. C'était sympa, et pas besoin de sortir de chez soi. Il y a plusieurs services qui proposent ça, je ne sais plus par lequel le collège était passé, mais ça marchait très bien.

    RépondreSupprimer
  2. J'ai fait presque aussi bien: le mien y était tout début janvier, et les infos se sont succédées, parfois sur des documents à remplir puis à rendre... j'aurais dû les scanner, ou au moins noter les horaires indiqués...
    J'ai pourtant regardé tous les jours le site du collège, où les profs postaient quelques photos de temps en temps, espérant avoir confirmation de l'heure...

    J'avais mémorisé que les gamins devaient arriver à 17h, et prévoyais bien sûr d'aller le chercher un peu avant, au cas où le bus aurait un peu d'avance.
    Sauf qu'à 16h, je vois mon gamin débarquer à la maison, avec son gros sac (heureusement à roulettes)
    - bin t'est déjà là????? tu es venu à pieds???
    - oui, on est arrivés en avance, alors je t'ai pas attendu, je suis rentré.

    Presque 2 km quand même... Ils déconnent, au collège, me dis-je, en me promettant de leur faire remarquer à la première occasion.

    Occasion qui s'est présentée le soir même où je croise le proviseur en ville, et après les politesses d'usage, j'amène le sujet sur la classe de neige, et surtout sur le retour, beaucoup plus tôt que prévu, et la marche forcée de mon gamin. Je le vois un peu étonné:
    -oui, ils étaient un peu en avance, mais... 15h30 au lieu de 15h45, c'est quand même pas énorme, votre fils aurait pu attendre un peu à la vie scolaire.
    - 15h45??? J'avais mémorisé 17h... et le gamin aussi, sinon il ne serait jamais rentré à pieds... (ouhhh j'ai l'ai d'une c....) J'ai pas dù garder les bons docs...
    - mais les horaires n'ont jamais changé. Vous les avez eu dans les documents distribués...

    Ah bin là c'est sûr, j'suis une c...
    Bon, le proviseur ne m'en veut pas (je ne lui ai pas non plus sauté à la gorge, hein!), et s'est plutôt inquiété de savoir si le retour à pieds s'était bien passé, et s'il avait aimé la classe de neige.

    Mais quand même, gros moment de solitude...


    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est bien ce que je disais, ne jamais accuser quelqu'un d'autre quand il est possible que ce soit ton gamin (ou toi-même...) le coupable !

      Supprimer
  3. J'ai pouffé de rire tout au long de ton article, on se croirait dans Le Petit Nicolas ! Voui, je sais, ce n'est pas bien de se moquer des galères des autres, mais qu'est-ce que drôle ! ;-)

    RépondreSupprimer
  4. que c'est drôle (oups) ! Bises et bonne année à toi ! A quand le recueil des tracas de la famille Fofo ? :-)

    RépondreSupprimer
  5. Je vois que ton Grand est toujours aussi tête en l'air malgré le temps qui passe...
    Je ne sais pas pourquoi, quelque chose me dit que mon fils aîné aura exactement le même comportement quand il sera au collège !
    En tout cas j'ai bien ri, encore une fois...;-)

    RépondreSupprimer
  6. Merci, grâce à vous, j'ai ri... et ça fait beaucoup de bien !
    Désolé... mais je compatis un peu quand même :D
    ...même si je suis assez loin des classes de neiges avec les nôtres...

    RépondreSupprimer