lundi 5 décembre 2011

Au pied levé

A 14h05, le téléphone sonne.
— Allô, Fofo, ici une des organisatrices du salon de Montreuil, écoute, on a un gros problème, on a une auteure d'une langue rare qui a remporté un prix, et, heu... on n'a pas d'interprète.
— Ah. Mais je ne parle pas votre langue rare, moi.
— Je sais, mais elle parle aussi un peu anglais.
— "Un peu" ? Et vous n'avez pas un seul anglophone sous la main ?
— Si, mais bon, elle est déjà assez agacée de ce contretemps, je voudrais au moins qu'elle bénéficie des services d'une vraie interprète... Alors si tu étais disponible... S'il te plaît... Je t'en prie...
— Et c'est quand, la remise des prix ?
— A 15h. Je t'envoie un taxi, d'accord ? Tu seras prête dans dix minutes ?

En fait, le taxi n'est jamais arrivé, j'ai poireauté un quart d'heure et j'ai fini par prendre le métro ; je suis arrivée juste à temps, et j'ai eu bien du mal à retrouver l'auteure, que je ne connaissais pas du tout ; j'ai fini par la trouver en compagnie d'un monsieur que personne ne s'est soucié de me présenter (j'ai compris plus tard que c'était l'éditeur) ; l'auteure était d'une humeur massacrante, furieuse de ne pas pouvoir parler sa propre langue – je la comprends – et j'ai cru qu'elle n'allait pas desserrer les dents pendant une heure ; j'ai d'abord dû me farcir l'interview de tous les autres auteurs qui avaient gagnés des prix dans d'autres catégories (albums, documentaires, etc.) ; l'animatrice de la rencontre n'a pas du tout compris ce que je faisais là et m'a prise pour la traductrice du bouquin ; j'ai dû parler à l'auteure et traduire ce qu'elle disait dans une langue qui n'était pas la sienne, au sujet d'un livre que je n'avais pas lu, avec des personnages dont je ne savais pas prononcer le nom ; et à la fin, quand l'organisatrice m'a offert une boîte de chocolats pour me remercier de l'avoir dépannée, je n'ai pas eu le courage de lui avouer que j'étais provisoirement diabétique.

Mais bon, somme toute, étant donné les circonstances, ça s'est plutôt bien passé. Et puis pour une fois, si on me demande comment s'est passé ma journée, j'aurais quelque chose d'un peu plus intéressant à raconter que "Oh, bien, j'ai traduit un chapitre de mon roman en cours, fait du pain, étendu deux lessives, et lu cinquante-trois fois Mimi la souris aux enfants".

2 commentaires:

  1. Allez, de toi à moi, c'était quoi la langue rare?

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  2. En fait, à présent, tout ce qui n'est pas l'anglais est considéré comme une langue rare... Mais disons que celle-ci était un peu plus rare que l'allemand et un peu moins que le kalmouk ! L'auteure venait du nord de l'Europe.

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