samedi 3 décembre 2011

Salon de Montreuil

En ce moment a lieu le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, à cinq minutes de Paris. Depuis quelques années, j'y joue le rôle d'interprète auprès d'auteurs étrangers lors de rencontres avec des classes, de conférences ou de séances de dédicaces. Un boulot qui m'est tombé dessus complètement par hasard, mais qui me plaît bien : j'aime voir de nouvelles têtes et sortir de ma solitude de traductrice-qui-travaille-à-la-maison. J'ai même accompagné deux fois un auteur en tournée dans quelques grandes villes de France ; ça sort de la routine !

Et pendant ces quelques années, j'ai vu tout et son contraire. Pour les dédicaces, par exemple. Ça peut se passer comme ça :
— Faites bien la queue, s'il vous plaît ! Et préparez vos noms sur un morceau de papier, pour que ça aille plus vite ! Attention, l'auteur ne signe pas plus de deux livres par personne, pour avoir le temps de satisfaire tout le monde avant de reprendre son train !

Mais ça peut aussi se passer comme ça :
— Bonjour, Madame ! Oui, oui, c'est l'auteur de ces livres empilés, là. Ils sont très bien, je vous assure. Oh oui, ils plairont sûrement à votre fils de treize ans. Vous en prenez un ? Ah, très bien ! Il va vous le signer. Et vous écrire un mot. Et vous faire un petit dessin. Vous êtes sûre de ne pas en vouloir un autre ? Non, parce que vous comprenez [ton confidentiel], il s'ennuie, ça fait une heure qu'il est assis là et vous n'êtes que la troisième... Et si on vous offre un marque-page, un pins et un poster en prime, vous en prenez un autre ?

De même, pour les rencontres au salon, une heure, ça peut être vraiment juste. En général, en plus de l'auteur et de son interprète, il y a un animateur qui retrace sa carrière, qui lance le débat, qui présente des points de vue intéressants ; l'auteur fait un discours, et peut aussi montrer des documents (photos, plan de travail, livre traduit en coréen, couverture provisoire...) ; puis viennent les questions du public, les relances, la lecture à voix haute d'un passage si on a le temps, et on a l'impression qu'on vient tout juste de commencer et qu'il reste encore plein de choses à dire quand on voit l'auteur de la rencontre suivante debout au fond de la salle, bras croisés, tapant du pied, dans une attitude qui signifie clairement "cassez-vous, c'est mon tour !".

Mais parfois, comme ce fut le cas hier après-midi, on a une animatrice qui n'a absolument rien à dire, qui n'a visiblement pas du tout préparé la rencontre, ni cherché des pistes de réflexions ; une auteure pas bavarde, qui répond par des phrases courtes ; une prof qui n'a pas beaucoup motivé ses élèves ; et une interprète qui ne sert à rien, parce que l'animatrice baragouine la langue et traduit donc elle-même les questions et réponses – en les résumant au passage, pour ne pas montrer qu'elle n'a pas tout compris.
Ce qui nous donne à peu près :
— Heu, bonjour, heu, je vous présente Nadia Métralement, qui va nous parler de son livre, Isabelle est moche. Vous l'avez lu ? Heu, vous avez des questions ?
Silence.
— Heu, oui, moi je voudrais savoir comment elle a choisi le nom de ses personnages ?
Traduction de la question, puis réponse, puis traduction de la réponse :
— Par hasard, ce sont les premiers noms qui me sont venus à l'esprit.
Silence.
— Une autre question ?
Résultat, une fois que les élèves sont arrivés au bout de la courte liste de questions qu'ils avaient préparés, il était 14h15. Pour une rencontre qui devait durer jusqu'à 15h.

Si vous êtes passés par Montreuil et que vous avez vu une interprète désœuvrée qui bouillait d'arracher le micro à l'animatrice pour faire son boulot à sa place ET le sien propre par la même occasion, contenait ses bâillements et essayait de garder une attitude professionnelle face à une bande d'ados ennuyés et silencieux, c'était moi.
(Du moins si elle était enceinte, et jolie.) (Quoi ?)

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