mercredi 7 mars 2012

La magie de Harry Potter

Du haut de ses neuf ans et demi, le Grand n'a jamais lu un roman s'il n'y était pas obligé, soit par ses institutrices, soit par sa mère qui lui a collé quelques Fantômette entre les mains après lui avoir lu les premiers chapitres à voix haute pour l'encourager. Donc en tout, une dizaine de romans tout au plus.
En revanche, il lit des bandes dessinées, et occasionnellement des documentaires. Et alors ? Lire, c'est un droit, pas un devoir. Le tout premier des dix droits du lecteur tels que définis par Daniel Pennac dans Comme un roman est celui de ne pas lire. Le cinquième est celui de lire n'importe quoi. C'est uniquement à cette condition que la lecture peut rester un plaisir.
Cela ne m'empêche pas de le regretter, bien sûr, et de ronger mon frein silencieusement. J'aurais tant aimé lui mettre entre les mains Le Petit Prince, Le Bon Gros Géant, Deux pour Une, et bien d'autres encore ! Et puis il y a les inconvénients pratiques. Comment voulez-vous partir en vacances en emportant assez de lecture pour un mois si ce ne sont que des BD ? Rien qu'en prévision des deux heures d'attente à la préfecture pour faire refaire la carte d'identité, il faut emporter trois ou quatre volumes cartonnés grand format, soit un bon kilo de bouquins, alors qu'un petit poche glissé dans le sac à main suffirait amplement.

Mais voilà que depuis quelques mois, il entend parler de plus en plus souvent de Harry Potter. En bon fils obéissant, il a résisté à la tentation de regarder les films, car il sait à quel point je trouverais lamentable qu'il les voie avant de lire les livres (et aussi parce qu'il n'aime pas regarder des films en général, avouons-le). Mais les allusions pleuvent autour de lui. Une jeune tante indélicate lui a par exemple révélé que le professeur Lupin était un loup-garou ; paf, une grosse partie du suspense s'est ainsi envolée. En apprenant ça aujourd'hui, je m'énerve :
— Elle aurait pu s'abstenir ! Il faudrait vraiment que tu lises les romans bientôt, sinon tu sauras tout avant même de les ouvrir...
— Je veux bien.
Pardon ? Qu'ouïs-je ?
— Tu veux essayer de lire le premier ?
— D'accord.
Croyez-moi, je ne me le suis pas fait dire deux fois. J'ai appelé Darling à la librairie où il travaille, et il est revenu avec le premier tome ce soir même : nous avons la série à la maison, bien sûr, mais en anglais.
Et sous nos yeux émerveillés, le Grand s'est immédiatement plongé dedans. Il n'a jamais pris une douche aussi rapide, il n'a pas voulu de dessert après le dîner, et je ne jurerais pas que ses dents ont réellement été en contact avec sa brosse à dents au cours des trois minutes qu'il a passées dans la salle de bain. Et à neuf heures, il m'a fait la scène classique du "Encore une minute je t'en supplie c'est juste un moment qui donne envie de savoir la suite !". Argument qui ne tient pas, bien entendu, car c'est la marque même d'un bon bouquin de donner envie de savoir la suite.

Je continuerai à ne prodiguer ni encouragements, ni jugements de valeur, mais je prie de tout mon cœur pour qu'il comprenne qu'un bon roman peut aussi permettre de s'évader, et bien plus longtemps qu'une bande dessinée. Parce que même si on peut très bien s'en passer, quel plus grand bonheur qu'aimer lire et bénéficier ainsi d'une garantie à vie contre l'ennui ?

Vive Harry Potter. Il a bien mérité sa baguette magique, tiens.

PS : Ce que je pense moi-même de cette série, en tant que spécialiste de littérature jeunesse ? Ma foi, comme tout le monde : ce sont de très bons romans, bien écrits, avec un univers très solide (je suis impressionnée par le talent qu'a eu l'auteure de semer dans les premiers volumes des éléments qui lui ont été utiles par la suite), avec des personnages très réussis à quelques exceptions près, un style impeccable quoique classique, et un scénario irréprochable. Comme rien n'est parfait, j'ajouterais qu'il y a des longueurs dans les derniers volumes (à partir du moment où l'éditeur, impressionné par les ventes, a cessé de lui faire retravailler ses textes, j'imagine), que les rapports amoureux entre adolescents sont mal explorés et peu crédibles, et que l'épilogue est étonnamment décevant (on sent qu'elle a voulu "bétonner" son histoire pour ne laisser à personne la possibilité d'y revenir). Des petits reproches qui ne m'ont pas fait bouder mon plaisir pour autant !

13 commentaires:

  1. C'est génial de se dire que 15 ans après, c'est toujours LE roman qui arrive à faire lire les enfants qui « n'aiment pas trop ça » !
    Espérons que ça dure ! :)

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  2. Ainsi c'est lui qui pourra spoiler devant tout ses camarades. ;)

    Je regarde ta façon de l'inciter mine de rien puissamment à la lecture.
    Directement, pas trop directement, indirectement.
    Comme un gamin invité à une "varicelle party", la stratégie est balisé, les éventualités sont faibles qu'il échappe au virus.

    :D :D Si un tonton lui avait offert, à son dernier anniversaire, une game boy avec tetris zelda et un pokemon. De quoi atomiser toutes les heures d'attente du monde, et même escamoter les grandes vacances. Le tonton aurait reçu le regard de la mort de Fofo, et de la ricine dans son thé.

    Je plaisante. La lecture est si centrale dans les apprentissages scolaires. Et un rayon de bibliothèque plein de romans être si hermétique -par où commencer?- que je ne peux qu'adouber ta façon de l'amener à faire sien l'univers des livres, BD, tout.

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  3. Mon deuxième a découvert la lecture (le plaisir de lire) en lisant Harry Potter. Après cette lecture, il a sombré dans les livres et n'en est pas encore sorti. Il en a toujours 5 en cours, jongle entre tous, relit les passages adorés.
    Mieux encore, c'est lui qui a fait découvrir le plaisir de lire à mon numéro 5 qui ne voulait rien entendre. A son tour il a sombré et n'en est pas encore sorti.
    La seule chose qui les fasse sortir de leurs livres, c'est le plaisir d'écrire : tous deux écrivent des histoires absolument passionnantes et souvent hilarantes...
    Nous avons beaucoup lu à haute voix en voiture. Chacun à son tour lisait, même ceux qui ânonnaient. C'était bien un peu pénible, mais c'était indispensable. Et quand on avait atteint le sommet de l'intrigue, on fermait le livre en disant qu'on en avait assez pour que le fameux numéro 5 le prenne et poursuive la lecture pour lui.
    Tous mes enfants aiment lire, ils ont grandi au milieu des livres, et je suis surprise, parce que mon numéro 4 vient de lire l'intégrale des Misérables (sans sauter de passage) en moins de 15 jours ! Il a enchaîné avec Ruy Blas, et attend que je lui prête d'autres livres de Victor Hugo !
    Chacun a eu son instant de révélation avec un livre : "La petite maison dans la prairie", "Harry Potter", "Fantômette", "La cabane magique"... Le tout est de trouver ce livre détonateur !

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  4. C'est choueeeette !

    (Moi c'est dans le 5, voire le 4 que je trouve des longueurs. Suis-je normale ? Ou faut-il que je relise la série ?)

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  5. 4F : Bien d'accord, il y a des longueurs à partir du 5 ou même du 4. En fait mes préférés restent les deux premiers.

    Julien : il a une DS et joue aux Pokemon tous les jours, mais pas plus d'une heure par jour, donc ça ne remplit pas les journées ! Et je trouve que c'est bien trop répétitif pour y passer davantage de temps, non ?

    Alphonsine : moi aussi, j'ai beaucoup pratiqué la lecture à voix haute, mais même en m'arrêtant à un moment crucial, ça ne suffisait pas pour qu'il continue tout seul.

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  6. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  7. Oui, d'accord.
    Toutefois il faut pouvoir lire les fenêtres de dialogues pour avancer dans le jeu. J'ai une cousine qui n'avait ni magazine "disney machin", ni romans, ni BD, ou dit autrement qui n'avait pas un goût pour la lecture. Les années du primaires s'écoulent une à une et on finit par s'inquiéter. Et je me disais que son jeu Pokemon c'était déjà ça pour lui donner envie de lire. Lire pour comprendre et gagner.
    Et il y une dimension jeu de rôle, interaction avec les PNJ, qui fait la moitié du jeu. Et quand on voit comment certain ont appris et retenu une centaine de noms de pokemons et de leurs évolutions, on se dit qu'ils ont été stimulés intellectuellement. Même si on préfèrerait qu'il ait appris les noms des rois de France.

    Pour la fin (ou le début) de l'histoire : ma cousine, le déblocage est venu de quand mon oncle a réinstauré le rite de l'histoire avant d'aller se coucher. Les vrais bons moyens sont notoires et rudement efficaces.
    Je ne dis pas que pokémon ou la télé ça vaut bien une initiation la lecture, ce qui serait vraiment démago, et une négligence/une facilité regrettable pour les parents.

    @Alphonsine : Un jeune enfant qui lit les misérables en entier O_o J'oscille entre l'admiration béate et la stupeur, moi-même je n'ai jamais lu un livre de Hugo jusqu'au bout.
    Et s'il cherche tous les mots qu'il ne connaît pas dans le dictionnaire il est parti pour avoir le bac à 14 ans!
    Je n'ai pas le goût de la lecture au point d'aimer la littérature pour la littérature, je veux dire : les ressorts scénaristiques sont usés, et même un style riche et orné qui n'a pas grand chose à voir à l'intrigue ne me donne envie de rester dans l'histoire. Je voudrais que les dénouements arrivent plus vite. Quand j'ai vu que je n'en étais qu'à la moitié du 1er tome sur les 4, j'ai laissé tomber.
    Dit autrement et de façon plus brève : chez tous les auteurs français du XIXème siècle, je sens très vite remonter le constat que, oui, ils étaient payés à la ligne dans les journaux.

    J'ai du hérité de l'enfance un goût du renforcement positif "j'arrive à la couverture, j'ai fini un livre". Et même si j'ai adoré ma passade Victor Hugo, comme je ne voyais pas la fin du récit et du tunnel, j'ai fait un rapport bénéfices/coûts et je me suis dit que je préférerai 7 mise en bouche d'auteurs différents que continuer 7 tranches de Victor Hugo. Même si en fait je n'ai rien lu d'autre du tout.

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  8. Julien, je n'ai rien contre les Pokemon, je dis que le jeu est répétitif (en gros, mêmes personnages, même principe, même univers...), contrairement aux romans ET AUX BD qui nourrissent l'imaginaire. Et ne parlons pas de Tetris. Ce sont des heures occupées, mais "vides", dont on ne se rappelle pas plus tard : qu'on y ait passé dix ou trente heures pendant la semaine, on en retire pas plus de souvenirs, pas plus d'histoires.

    Quant aux Misérables, moi aussi je l'ai lu très jeune, et j'ai absolument adoré. Je pense que ça dépend aussi de combien de temps on consacre à la lecture. En vacances, quand on peut y passer cinq ou six heures par jour, on préfère vite lire des romans longs qu'enchaîner trois bouquins par jour...

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  9. Tetris est très utile quand on doit ranger des placards, tout caser dans le coffre de la voiture ou remplir des cartons. Ça aide question optimisation de l'espace.

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  10. @ Julien : il ne risque pas de passer son bac à 14 ans, il en a 15 ! Victor Hugo reste mon auteur préféré. Je l'ai lu intégralement (ses romans) durant l'été de mes 16 ans ! J'ai la littérature, j'aime les textes riches et bien écrits où chaque mot a son sens.
    Je lui ai suggéré Victor Hugo comme je l'ai fait avec chacun de mes enfants, et il est le premier à avoir accroché !
    Et comme le dit Fofo, quand on aime lire, on préfère les longs romans plutôt que les livres courts.

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  11. JulienFromDijon9 mars 2012 à 08:06

    Tu vois Fofo, Akane a raison, tu y mets de la mauvaise volonté. ;)
    Tétris, ça sert. Surtout à a la caisse des supermarché, quand la caissière va très vite.

    Alphonsine, merci pour ta réponse. :)
    (Pfiou, rassuré, "mon petit", venant d'une mère, ça prête à confusion. J'imaginais un enfant d'école primaire lire les misérables ^^)
    "quand on aime lire, on préfère les longs romans plutôt que les livres courts."
    Je commence à comprendre que vous ne parlez plus de "aimer lire" ou "avoir un goût pour la lecture", mais d'addiction. [joke inside] Augmenter la dose pour obtenir l'effet que procurait jadis, un petit roman. Et avoir la peur du manque. Retourner le plus tôt possible dans la lecture pour retrouver son état normal.


    Au delà du "c'est bien que les enfants aient le goût de la lecture" pour faciliter indéniablement la scolarité, je pense qu'il vaut mieux axer notre perspective sur la multiplicité des supports. Il faut se garder de débattre de la noblesse des média, ou de l'un à l'exclusion des autres.
    De mon enfance et adolescences, les jeux vidéos ont aussi apportés des univers, chacun, comme les dessins animés que j'ai dévoré, et les films, les livres d'images, les docu télé.

    Rien que pour s'en tenir aux jeux vidéos.
    Atlantis, plongé dans la ville d'atlantis en 3D alors que la reine a été victime d'un complot.
    Starcraft, jeu de stratégie (on bouge des unités sur une carte, on produit et guide une armée), où dans un futur intergalactique, les humains aidés de leur technologie sont confronté à une race d'alien mutante, et d'autre alien plus avancé spirituellement.
    Command & conquer, un autre jeux de stratégie de guerre cette fois "normal".
    Zelda, l'équivalent d'incarner un jeune héros de compte.
    Super mario 2 avait un univers presque psychédélique, couleurs colorés, ou par exemple jeter un fiole magique fait apparaitre une porte vers un autre univers.
    Tekken 3, jeux de combat, où j'ai découvert les mouvements typiques d'une vingtaine d'art martiaux, pas dénué de grâce même si c'est de la baston.
    Diablo, l'univers médiéval ambiance démonologie.
    Baldur's gate, l'héroic fantaisie et le jeux de rôle à porter de clic.
    Versailles, où on évolue dans le Versailles de Louis XIV.

    Chaque jeu a son univers, ses images, sa musique, son mode d'immersion. Même les jeux ratés! Même dans mario on vole nage et court.

    La littérature fait découvrir des univers, apporte du vocabulaire (assorti de son orthographe), et offre une immersion grâce aux émotions des personnages et à l'imagination du lecteur.
    Les jeux vidéos apportent d'autres types d'immersion, les découvertes sont assorties d'image, de vidéo, et l'esprit est sollicité de bien des façons. On découvre plein de choses avant même de savoir les nommer (ex : dans Versailles l'oreille s'habitue à la musique de Lully). Le jeu vidéo est interactif lui aussi.

    Et au résultat c'est une question de goût. Et c'est le mieux pour un enfant de pouvoir piocher partout où il veut.
    Fofo, tu peux guider ton enfant à la lecture car c'est ce que tu aimes, mais attention à ne pas instiller l'idée que les jeux vidéos c'est forcément bêtes ou une perte de temps, ou que le spectacle de la télé rend les gens trop passifs, comme zombifiés. (ce qui est à chaque fois un peu vrai, mais pas l'intérêt du truc)

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  12. Allons bon, un commentaire plus long que la note elle-même ! ;-)

    En aucun cas je n'ai dit que je méprisais les jeux vidéos, et encore moins la télévision. Personne ne m'a jamais entendu dire que certains médias étaient supérieurs à d'autres, et je ne l'ai jamais cru. Rassure-toi donc !

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