mercredi 29 janvier 2014

Latinisera-t-il ?

Hier soir, le Grand m'apporte une feuille à signer. Ça, ce n'est rien, mais il faut d'abord que je coche une case : mon gamin fera-t-il du latin dans les trois années à venir, ou pas ?
— J'ai dit au prof principal que je n'en avais pas vraiment envie, m'explique-t-il, mais il m'a dit d'en discuter tout de même avec mes parents.
Je me gratte la tête. Et je me rappelle soudain que cet enfant a deux parents :
— Darling, tu crois que le Grand devrait faire du latin en option ?
Darling, sans la moindre hésitation :
— Non. Une matière de plus, la barbe. C'est déjà bien assez casse-pied, l'école.
Je ne m'attendais pas à ça. En fait j'aurais même parié sur un "oui !" franc et massif. Darling s'intéresse énormément à l'histoire, aux civilisations anciennes, et aussi à la linguistique, à l’étymologie... Mais quand il était petit, il détestait les cours, et n'était pas très bon en classe. Tout ce qu'il sait, il l'a appris en autodidacte. D'où sa réaction épidermique.

Bon, on va dire que sur ce coup-là, le Grand n'a qu'un seul parent, en fait. Nous dressons donc ensemble une liste de "pour" et "contre".
Contre :
- deux ou trois heures par semaine de cours supplémentaires ;
- des devoirs à la maison.
Pour :
- Une petite chance d'apprendre des choses intéressantes sur la civilisation romaine ;
- Une petite chance d'acquérir quelques notions de grammaire qui pourront être utiles dans d'autres circonstances, par exemple lors de l'apprentissage de l'allemand ;
- Une petite chance d'apprendre un peu d'étymologie, et même d'améliorer légèrement son orthographe par ce biais ;
- Une petite chance, si l'effort est poursuivi jusqu'en terminale, d'avoir quelques points en plus au bac.

Si on additionne quatre petites chances, ça fait combien de vrais chances ?

En dehors de l'argument du bac, rien de tout cela ne convainc complètement mon gamin. Et pour tout dire, je n'y crois pas trop moi-même. C'est peut-être parce que j'ai eu un très mauvais prof la première année et que je n'ai ensuite jamais vraiment rattrapé mon retard, mais je n'ai pas le sentiment d'avoir appris grand-chose en cours de latin, en fait. Après l'avoir avoué, j'essaie pourtant vaillamment d'insister :
— Mais en fait, même si je ne m'en suis pas rendu compte, peut-être que ça m'a vraiment aidé pour la grammaire et pour d'autres choses. C'est toujours une certaine gymnastique de l'esprit...
Il soupire, et demande :
— En fait, en dehors des deux points au bac dont tu n'avais pas besoin, qu'est-ce que ça t'a vraiment apporté de faire du latin pendant six ans ? Pour de bon ?
— Eh bien, j'étais sans doute dans des classes un peu meilleures que celles qui ne font pas l'option latin, pour commencer. Et puis j'ai eu des profs super sympa, dont au moins deux que j'adorais. Et je me suis fait des copines et des copains en cours ! Sans le latin, je n'aurais sans doute jamais eu l'occasion de lier conversation avec mes amis D. et K., et ma vie aurait été très différente. Ah, et puis nous avons fait des voyages ! Un à Rome, et c'était un des plus beaux voyages de ma vie. Remarque, celui en Grèce n'était pas mal non plus. Et la Sicile ! C'était absolument superbe, j'en garde un souvenir ébloui. Et à part ça, ça m'a aussi donné l'occasion de comprendre pourquoi tout le monde disait que ma grand-mère, qui était prof de latin, était une prof excellente : elle m'a aidé à réviser le bac, et nous avons passé de bons moments ensemble. Ah, et puis je me souviens aussi que les profs nous racontaient parfois des histoires vachement chouettes quand on traduisait des textes...


Vous savez quoi ? Finalement, j'ai coché "oui". Et il n'a même pas râlé.

6 commentaires:

  1. Eh bien j'espère que ton grand aura la même expérience agréable que toi avec le latin.

    Par ici, ce n'est pas trop le cas... mon grand a décidé de faire du latin malgré son aversion pour l'école et les leçons... il n'a vu que le côté mythologie, qui le passionne. Pas les déclinaisons, voix, vocabulaire et autres conjugaisons...
    Puisque pour une fois il avait envie d'apprendre un truc, nous l'avons laissé s'inscrire. Nous avons nous-même fait latin au collège, et en avons gardé un plutôt bon souvenir, surtout au niveau étymologie.

    Par contre (en tout cas dans le collège que mon fils fréquente), la direction tient absolument à éviter d'avoir des classes de "forts en thème" et des classes de moins bons, donc toutes sont panachées avec quelques élèves en latin, en section bilangue, etc... (je ne voudrais pas être à leur place quand il s'agit d'établir les emplois du temps!)

    Alors que ça ne marchait pas trop mal jusqu'ici avec la prof de latin du collège (il est en 4e), qui partageait son cours entre histoire, vocabulaire et un peu de grammaire/conjugaison, voilà que malheureusement cette dame est désormais en congé de maternité (elle a le droit, hein, c'est pas le problème) et qu'elle est remplacée par un prof qui a décidé de travailler à sa manière à lui, c'est-à-dire de mettre l'accent sur la partie grammaire/conjugaison, et de leur donner des exercices de thème et version.
    Pourquoi pas.
    Mais
    1- sans l'avoir pratiqué avant, ça a déstabilisé les gamins, même les bons éléments.
    et 2- il semblerait que le prof soit lui-même dans l'embarras quand il s'agit de corriger les exercices...
    Pas de correction fiable donc sur laquelle s'appuyer.

    Sans réel mode opératoire, nous nous aidons d'internet pour faire les devoirs, et nous ne sommes pas les seuls. Mais en classe, point de connexion. A cette question, posée par un bon élément, m'a rapporté mon fils, le prof aurait répondu "débrouillez-vous" (sic)

    A méditer d'urgence, donc.

    Conclusion : nous attendons avec impatience le retour de la prof titulaire!

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  2. Arg, oui, pas terrible. Mais ce n'est qu'un mauvais moment à passer, non ? Mon premier prof de latin était vraiment horriblement nul, et j'en ai gardé un très mauvais souvenir. Mais en fin de compte, avec le recul, ce n'était pas si grave. Tout compte fait, il m'est resté plus de bons souvenirs que de mauvais souvenirs, et même les méthodes pédagogiques absurdes de ce prof-là sont devenues un sujet de rigolade entre anciens élèves...

    Une chose est sûre, c'est que :
    - S'il en fait, peut-être que ça ne lui apportera rien ;
    - S'il n'en fait pas, c'est CERTAIN que ça ne lui apportera rien.
    Alors autant tenter le coup, non ?

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  3. L'enjeu est de ne pas être coincé pour 4 ans.
    J'ai souvenir d'une poignée de camarade de 4ème qui en avait marre, mais la scolarité a fini par les coincer à rester. Même quand les parents d'élèves ont pesté.
    La prof protégeait ses heures sup', et le proviseur protégeait l'option.
    Je ne sais pas si c'est toujours pareil. Si c'est l'horreur faudra bien signifier "stop" à la scolarité à la fin de l'année pour que le grand ne soit pas enroller automatiquement une année de plus.

    Je plussoie sur l'importance du prof.
    Dans mon collège, on savait qui était la prof de latin, je l'avais eu en prof de français. Y'avait un feeling ça allait bien.

    Si j'avais eu latin au lycée, je crois que je serais mort. Je ne suivais déjà pas facilement la somme de travail. (Tiens! comme Darling)
    Au lycée, les heures étaient vraiment placé à des horaires abominables. Cours jusqu'à 18h 19h, adieu grass'mat', adieu samedi libre une fois sur trois, adieu pause repas digne de ce nom.

    J'ai un goût pour la mythologie, l’étymologie et les civilisations. Mais je ne sais pas si le latin a été décisif dans cela, je crois là aussi comme Darling que ça s'est développé en marge.

    Le rythme du cours était lent, sauf à certains moment exigeants (traductions, déclinaisons).
    J'avais pas trop aimé d'avoir une prof qui ne sait pas trop où elle va, qui meuble avec une déclinaison en plus, ou un bout de civilisation, ou encore une cassette vidéo.
    En soit c'est pas méchant, mais au final ce n'est pas une matière qui m'a donner de "l'aisance".
    Parce que c'était une langue morte, on ne cherchait pas à développer l'oralité et une bonne articulation. Les cours de civilisations, la lenteur de la progression, les manuels jolis mais peut ambitieux, tout soulignait le côté gadget de l'option.
    D'ailleurs à commencer par le fait qu'on ne nous expliquait pas grosso modo les évolutions et les usages du latin, latin classique, tardif, religieux, scientifique. On restait coincé à l'histoire des empereurs romain, un par un.

    Un bon souvenir : quelques listes de mot français à l’étymologie commune, et un poème "embrassons-nous" (google dit Catulle).

    (JulienFromDijon)

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  4. oui c pour tout ca que ma fille en a fait et elle ne regrette rien
    surtout avec sa gd mère!!!
    bisous

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  5. C'est sûrement trop tard mais je dis OUI !
    Pour tous les petits plus dont on ne se rend pas compte sur le moment, l'étymologie, la grammaire française (ils n'apprennent plus ce qu'est un COD aujourd'hui alors quand tu fais du latin, tu es obligé de comprendre), les citations toujours classe 30 ans plus tard...
    J'avoue, on m'a un peu poussée et j'ai attendu la première pour y trouver un réel plaisir, quasi orgasmique quand la phrase, obscure, s'éclairait soudain !
    mais le latin, c'est comme la musique, ça donne des ailes pour des tas de choses sans rapport évident !

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  6. C'est trop tard - dans le sens où j'ai déjà signé - mais ça me donnera des arguments en plus à lui donner les jours où il flanchera ! Merci de ton témoignage.

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