lundi 9 novembre 2020

Suspense géopolitique

 Mercredi matin, au saut du lit (c'est-à-dire vers midi, hein : il est en "enseignement distanciel" à la fac), le Grand vient me voir :

— Tu as vu les résultats des élections américaines ?

— Ils n'ont pas encore les résultats définitifs. Et pour l'instant c'est Trump qui a l'air de gagner.

— Oui mais si tu considères qu'en Géorgie, le vote par correspondance...

— Écoute, mon Grand, si ça ne te dérange pas, je préfère ne pas en parler. Depuis ce matin je ne vais même plus sur le site du Monde.

 — Mais pourquoi ?

— J'ai trop peur de me faire de faux espoirs et d'être déçue. Ça me rend malade. Quand on aura les résultats définitifs, tu me les donneras, mais d'ici-là je ne veux même pas y penser.

Et que pensez-vous qu'il arriva ?

Vingt fois, trente fois, quarante fois par jour, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, le Grand est venu me voir pour m'annoncer quelque chose comme :

— Il y a des chances que la Pennsylvanie bascule côté démocrate ! Auquel cas, même si la Caroline du Nord...

— Arrête !

— D'accord, d'accord, mais quand même, écoute-moi : au Nevada...

— Je te dis d'arrêter ! Je ne sais même pas où c'est, moi, le Nevada ! En fait je ne savais pas que ça existait, le Nevada ! Je-ne-veux-plus-en-parler !

Une (longue) leçon de géographie non-sollicitée plus tard, il repartait dans sa chambre, pour en ressortir au bout de dix minutes :

— C'est quand même fou que la Virginie et la Virginie Occidentale aient voté si différemment alors qu'elles sont si proches, non ? Surtout qu'au temps de la guerre de Sécession, Richmond – tu sais, la capitale de la Virginie* –, était...

Quatre jours durant. De midi à une heure du matin. En fait il suivait ça comme d'autres suivent un match de foot. Avec la même agitation et la même passion. A tel point que quand j'ai proposé de regarder Le Corniaud avec les enfants, samedi, il a décidé :

— Je vais le regarder avec vous, tiens. Ça me fera passer le temps. Comme ça, peut-être que dans deux heures, on aura les résultats pour l'Arizona.

Bref, inutile de dire qu'à la fin, j'étais doublement soulagée. D'abord, que Trump soit éjecté, évidemment. Mais surtout que la torture se termine...


* Inutile de dire que non, je ne savais pas.

3 commentaires:

  1. Purée, il ne lâche pas le morceau, ton Grand ! C'est bien qu'il s'intéresse à tout ça à son âge, cela dit. Mais je comprends que ce soit fatigant pour toi !

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  2. C'est un des articles mémorables de ce blog je trouve, j'ai toujours grand plaisir à le relire!

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